Jamila, 52 ans, cadre dans une multinationale, rêve encore du prince charmant… Celui des romans, toujours vaillant, fougueux et amoureux. Ce qu’elle en dit.
«Je suis une éternelle romantique, attendant ce prince charmant si dévoué, sentimental et beau. Oui, une idéaliste irrécupérable qui croit au véritable amour. Je ne m’imagine pas autrement et j’ai bien l’intention de le rester jusqu’à la fin de mes jours s’il le faut.
Quand mes amies me demandent pourquoi je reste farouchement attachée à mon statut de célibataire, il m’est difficile de les convaincre avec mes arguments. Je m’évertue à leur expliquer que je n’y suis pas attachée. C’est juste que je n’ai pas encore rencontré le personnage de mes rêves. Et puis, franchement, ce n’est pas une tare d’être sentimentale, en attendant une vraie et belle histoire d’amour. Je souhaite du vrai dans la tendresse, la douceur, l’affection, la galanterie chevaleresque. Etre deux, pour moi, c’est nager dans un bonheur que j’imagine sous toutes ses coutures, c’est avoir la même vision de la vie pour toujours, c’est avoir la générosité du don de soi et de la perception de l’autre. Dans cet amour, sont exclus l’arrivisme, la prétention, le matérialisme, le cynisme, l’égoïsme, la violence, l’irresponsabilité et l’avarice. Mes parents, eux, ont définitivement jeté l’éponge et ne s’aventurent plus à me relancer sur la question. Parce que je leur ai fait honte en rejetant toutes les demandes en mariage pour traîner mon célibat jusqu’à cet âge-là. Il n’y a que quelques vieilles tantes et amies courageuses qui essayent encore de me mettre en boite quand elles ont l’occasion de me rencontrer, répétant inlassablement leurs incantations où il est question d’alchimie de métal d’argent qui ferait disparaitre mon cuivre (en d’autres termes, un bon parti qui mettrait fin à mon célibat). Leur acharnement me fait bien rire en les voyant s’agiter, implorant le Tout puissant d’avoir de la clémence à mon égard et de mettre sur ma route l’élu tant attendu. Si elles savaient que c’est exactement la même prière que je fais, mais à ma manière, moi, sensible rêveuse…
Je me rends bien compte qu’aujourd’hui, les couples se font et se défont avec une facilité et une rapidité déconcertante. Nous vivons dans un monde où les nobles sentiments pour meubler les histoires d’amour sont en phase d’extinction. Tout est illusoire et éphémère, parce que sans base solide. Mais moi, je n’en démordrai pas. Je reste sur mes positions, contre vents et marées, en attente du miracle. Je veux vivre un des scenarii de ces héroïnes d’histoires à l’eau de rose, où l’amour est fantastique. Toutes m’ont déconcertée dans leurs complications de début de conte, puis m’ont fait rêver avec leurs beaux et heureux dénouements. Je ne peux pas être réaliste et me lancer dans une histoire qui ne convient pas à mes attentes.
Toute ma jeunesse (et aujourd’hui encore) je me suis abreuvée de ces lectures et films. Quelle douce ivresse que de suivre la légende de l’amour si puissant, bravant toutes les épreuves. Sans sentimentalité, la vie serait si triste et si ennuyeuse. Quand je pense à mes journées, je les trouve vides de sensibilité.
Je démarre ma journée à 6 heures du matin. Je me rends à mon travail où une tonne de dossiers à traiter m’attend, avec en plus des planifications, des contrôles, des stratégies, des réunions. Chaque jour me rapporte son lot de boulot. Quand je m’en vais rentrer chez moi, il est 20 heures.
Mes jours de repos, je les passe encore à finir le travail du bureau et à consacrer quelques heures à mes courses, mon alimentation de la semaine et à m’apprêter pour affronter une autre semaine de travail. Tout s’enchaine, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année. Je ne me sens déconnectée de la dure et éprouvante réalité que lorsque je plonge dans un film ou un livre où une passionnante histoire se déroule. Ce qui me laisse toujours éperdument convaincue que moi aussi j’ai droit à ce genre de bonheur».
Mariem Bennani