«Il est fort probable qu’un Américain succède à Horst Köhler»
Dans cet entretien exclusif, le président du Centre atlantique des études stratégiques et de l’analyse sécuritaire et professeur des études politiques et internationales, Abderrahim Manar Slimi, donne sa lecture de la démission de Horst Köhler du poste d’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour le Sahara.
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L’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara, l’Allemand Horst Köhler, a démissionné pour raisons de santé. Mais des analystes mettent en doute la raisons invoquée de la démission de ce dernier. Quelle est votre opinion là-dessus?
Il se peut que Horst Köhler souffre de problèmes de santé. Toutefois, je ne crois pas que ce soit la seule raison qui l’ait poussé à démissionner de son poste d’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara. De mon point de vue, la démission de Köhler est plus une conséquence d’erreurs qu’il a commises. Parmi celles-ci, il y a le fait que Horst Köhler ait voulu impliquer l’Union Africaine dans la gestion du dossier du Sahara, alors que cette affaire relève de la compétence exclusive de l’ONU. Les changements intervenus dans le système international ont fait que le dossier du Sahara a franchi un nouveau palier ces derniers mois, d’où le fait que la tâche de l’émissaire onusien est devenue plus délicate qu’avant.
L’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara a annoncé, en mars 2019, la tenue d’un troisième round de pourparlers quadripartites (Genève III), au cours de l’été 2019. Peut-on dire aujourd’hui que ces rencontres sont compromises?
Jusqu’à la dernière résolution onusienne sur le Sahara, adoptée le 30 avril 2019 par le Conseil de sécurité, les préparatifs pour tenir le troisième round des pourparlers de Genève sur la question du Sahara, allaient bon train. Aujourd’hui et suite à la démission de l’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, les tables rondes de Genève seront reportées pour une période indéfinie et risquent même d’être annulées, dans l’hypothèse que le successeur de Horst Köhler veuille faire table rase du processus de dialogue entre les parties au dossier du Sahara. Que l’on soit d’accord ou non avec la méthode de travail de Horst Köhler, il faut admettre que c’est sous son mandat que les rencontres quadripartites entre les parties au différend autour du Sahara ont repris, après 7 ans d’arrêt.
Quelle lecture faites-vous du communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, dans lequel hommage a été rendu à Horst Köhler pour «la disponibilité et le professionnalisme avec lesquels il s’acquittait de ses obligations»?
La position du Maroc est claire. Le Royaume a toujours adhéré et soutenu les efforts du Secrétaire général des Nations unies, en vue du règlement du différend autour du Sahara. Rabat, faut-il le rappeler, demeure engagé pour parvenir à une solution à ce dossier. Cette solution doit être politique, durable et basée sur le compromis. Le tout, dans le cadre de l’initiative marocaine d’autonomie.
Quelle suite pour le dossier du Sahara, de manière générale?
Il a fallu à Horst Köhler plusieurs mois pour se familiariser avec le dossier du Sahara et en saisir les contours. Il est clair que le successeur de Köhler ne se mettra pas au travail du jour au lendemain. Ce qu’il faut savoir, c’est que, contrairement aux apparences, le numéro un de l’ONU ne décide pas tout seul. Antonio Guterres fait face à des pressions de la part de lobbies multiples et puissants qui défendent leurs intérêts. Le Polisario va essayer de profiter du départ de Horst Köhler et de la vacance de la fonction d’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, en multipliant les actions hostiles à l’égard du Maroc et en poursuivant ses incursions dans la zone tampon, entre autres violations du cessez-le-feu. Néanmoins, les séparatistes ne pourront pas compter sur un soutien fort de la part de l’Algérie qui traverse une période de fortes turbulences depuis l’éclatement des manifestations populaires contre le régime militaire en place dans ce pays. L’appel lancé par le Polisario au Secrétaire général de l’ONU pour désigner rapidement un successeur à Köhler n’est qu’un leurre. Je pense qu’un retour à la case départ des pourparlers sur le Sahara arrangerait plus les séparatistes.
Selon-vous, qui pourrait succéder à Horst Köhler?
Des bruits de couloirs font état de tractations pour le choix du nouvel émissaire onusien pour le Sahara. Si le principe de rotation est respecté, il est fort probable que ce soit un Américain qui succèdera à Horst Köhler. Mais ne précipitons pas les choses. Nous devrions plutôt attendre, pour connaître le nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal
La phrase
Antonio Guterres fait face à des pressions de la part de lobbies multiples et puissants qui défendent leurs intérêts.