Liquidités bancaires Le franc-parler de Benchaâboun

Mohamed benchaaboun

Benchaâboun a animé une conférence-débat sur la baisse des liquidités bancaires. Il tient à tempérer tout en rassurant sur la capacité des établissements de crédit de créer de la valeur ajoutée et, partant, de produire des bénéfices.

Y a-t-il réellement au Maroc un problème de sous-liquidité? Mohamed Benchaâboun, président-directeur général de la Banque centrale populaire (BCP) est on ne plus clair: «Ce problème qui a surgi depuis deux années est naturel, sauf qu’il n’est pas révélé». Naturel dans le sens où le contexte actuel de crise exerce des tensions fortes sur les liquidités bancaires. Mais est-il exact que le robinet bancaire continue de financer normalement? La réponse est négative, selon M. Benchaâboun.

Besoin d’un système bancaire fort

Et le PDG de la BCP d’ajouter: «Nous avons besoin d’un système bancaire fort, maillé et de proximité». C’était jeudi 5 décembre à Casablanca, à l’occasion d’une conférence-débat organisée par l’institut HEM et portant sur le thème «Comment financer l’économie dans un contexte de baisse de liquidités». Les besoins du système bancaire en termes de liquidités sont évalués aujourd’hui à 150 milliards de dirhams. «Il faut les trouver», laisse-t-il entendre. Ce déficit de liquidité bancaire s’est en fait accumulé depuis 2007, date d’inflexion de la courbe du total crédits bancaires, sur celui des dépôts. Un petit rappel historique montre qu’en 2001, l’encours des dépôts de la clientèle s’établissait à 31 MMDH, contre seulement 2 MMDH pour l’encours des crédits. En 2012, l’inversion de la tendance s’est fait largement sentir au point que l’encours des dépôts s’est élevé à 15 MMDH, contre 34 MMDH pour les crédits. Toujours dans le même sens, les opérations d’injection de liquidités de Bank Al-Maghreb (BAM) se sont elles aussi intensifiées depuis 2007. Avant cette date, pour ne prendre que l’exemple de 2005 et 2006, aucune intervention de la banque centrale n’a été marquée. En revanche, à partir de 2007 (5 MMDH), les avances de BAM ont enregistré une montée en flèche pour frôler le seuil des 63 MMDH en 2012.
Cela étant, la collecte des dépôts et la distribution des crédits ne présentent pas une véritable problématique pour une banque comme la BCP. Son patron explique que le coefficient d’emploi se situe aux alentours de 5%. La solidité de l’établissement bancaire tient aussi à son coefficient de rendement. Plus encore, le produit net bancaire de la BCP s’élève en 2013 à 13 MMDH, dont plus de 10 MMDH de création de valeur. Cela montre tout simplement la capacité de l’établissement de crédit de créer de la valeur ajoutée et, partant, de produire des bénéfices. Bien que, il est utile de le rappeler, l’agence Standard and Poor’s a dégradé dernièrement la note de la BCP à BB+/B au lieu de BBB-/A-3.

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Aléas de trésorerie

Le problème qui se pose pour autant a trait aux besoins récurrents et à la gestion de risques des trésoreries bancaires, étant donné que les dépôts de la clientèle représentent à eux seuls plus de 70% du bilan de la BCP, contre seulement 30% pour une institution à renommée mondiale comme BNP Paribas, ainsi que l’a mentionné Benchaâboun. Selon les dernières statistiques monétaires publiées par la banque centrale, l’encours des comptes débiteurs et crédits de trésorerie s’est situé à 178,2 MMDH à fin octobre 2013, au lieu de 158,7 MMDH au terme du mois de décembre 2012, soit une hausse de 4%. En plus des aléas de trésorerie, les banques marocaines devraient également faire face aux besoins d’investissement. Là, le patron de la BCP tient à mettre en garde contre les investissements spéculatifs et/ou stériles. Il met le doigt sur la première ligne de défense d’une banque contre la crise de solvabilité.

Mohamed Mounjid

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Une sortie à l’international dans le pipe

Selon Benchaâboun, une sortie à l’international pour levée de fonds est prévue. «Dès que l’occasion se présentera, on le fera», rassure-t-il. Sauf que la BCP compte contracter un emprunt à court terme, au lieu d’emprunt obligataire. L’attentisme s’explique par «la volatilité» des conditions des marchés internationaux de capitaux. Les actifs financiers libellés en devises sont relativement chers. Le coût interbancaire majoré du spread sur le marché international n’offre pas de bonnes opportunités comparativement au marché intérieur. Interrogé sur l’importance ou non des sorties du Trésor à l’international, le PDG répond: «Il ne s’agit pas d’un scandale. C’est tout à fait normal que le Trésor sorte à l’international. Mais ce que je n’arrive pas à comprendre, ce sont ces réactions épidermiques».

 

Finances islamiques

Le patron préfère utiliser le terme de «finances participatives» au lieu de «finances islamiques». Il en veut pour preuve les textes de loi présentés qui citent littéralement les banques participatives. Il estime que ces produits n’ont pas suscité l’engouement souhaité. «90% de nos clients veulent que ces produits dits halal soient moins chers», souligne-t-il. Et d’expliquer que la cherté de ces produits, comme Mourabaha, tient à la double imposition. La banque se trouve en effet doublement fiscalisée au niveau de l’achat et de la vente. Par contre, en France, fait savoir Benchaâboun, les produits halal lancés par la BCP ont eu du succès. «Ça a très bien marché», révèle-t-il. S’agissant des Sukuks (obligations islamiques), il déclare que l’Etat a incité les banquiers à émettre ces instruments obligataires. Mais la réticence est toujours de mise, laisse-t-il croire.

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Appel au soutien de la Bourse

La morosité ambiante dans laquelle plonge la place financière ne laisse pas indifférent le patron de la BCP. Il appelle ainsi à la mise en place de toutes les mesures nécessaires à sa relance. Des mesures de soutien tous azimuts. L’objectif in fine est d’encourager plus les introductions. A son avis, le reclassement de la place casablancaise dans la liste du MSCI Frontier Market ne veut pas dire signal d’alarme. Seulement, les experts du Morgan Stanley Capital International jugent que «le nombre des transactions et le volume des liquidités échangées sont faibles», pour reprendre ses propres termes. Sur un autre chapitre, la Bourse ouvre la voie à l’épargne. Selon Benchaâboun, des efforts ont certes été déployés dans ce sens-là, mais il reste beaucoup à faire, notamment au niveau de l’épargne à long terme.

 

Pourquoi Moukawalati a-t-elle échoué?

Benchaâboun s’en prend aux autorités locales en invoquant les raisons de l’échec du programme Moukawalati, Fonds d’appui à l’auto-emploi. Mais pas seulement. L’ancien dispositif «Crédit Jeunes Promoteurs» a subi le même sort. Le fiasco s’est matérialisé par «90% d’impayés», critique-t-il, avec à l’origine de l’accentuation des cessations de paiement, les procédures mises en place et le processus de traitement des dossiers. «Il est anormal que les comités régionaux, qui prennent les décisions, comprennent des agents d’autorité, comme le caïd, en l’absence des spécialistes financiers», déplore-t-il. Il pense en fait aux études de faisabilité des projets présentés par les jeunes diplômés. Les failles caractérisant «ces études de marché», doublées du manque d’expérience des futurs entrepreneurs, informent en quelque sorte sur les décisions prises à la légère.

 

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