Farid, 43 ans, entrepreneur, est marié et père de 3 enfants. Cet homme s’alarme de la décision de son épouse de ne plus porter le foulard. Voici son récit.
«Ces derniers temps, j’assiste à une nouvelle transformation de mon épouse qui ne veut plus porter de foulard. Franchement, je me demande si c’est la même femme que j’ai épousée ou quelqu’un d’autre qui se cache sous son apparence. Je reste toutefois zen, attendant ses aveux, mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas inquiet. Au contraire, j’ai réellement peur de ce qui se trame derrière cette nouvelle attitude.
Avant notre mariage, Nadia était une personne indépendante, charismatique, sûre d’elle, aux idées anticonformistes. Nous étions ensembles, mais pas enchaînés. En plus, à cette époque, je n’étais pas le moins du monde intéressé par le mariage. Je voulais seulement être en compagnie d’une personne fiable qui accepterait cette condition. Notre amitié amoureuse était basée sur la complicité. Cette jeune fille était devenue, au fur et à mesure que je la fréquentais, mon inséparable pote. Pourtant, même si elle me plaisait bien, je n’en étais pas follement épris. D’ailleurs, j’avoue l’avoir délaissée quelquefois pour d’autres conquêtes. Evidemment, pour elle qui ne se doutait de rien, nous étions séparés pour cause d’anicroches. Je m’étais amusé à ce petit jeu, jusqu’à ce qu’il se retourne contre moi, m’obligeant à prendre une décision définitive.
Alors que j’avais été trop loin cette fois-là, en disparaissant inexplicablement pendant quatre mois, j’ai eu vent quelle fricotait avec quelqu’un d’autre. Cette confidence m’avait mis les sens en ébullition. J’avais vraiment l’impression d’avoir été trahi et que le monde s’écroulait autour de moi. Mieux encore, j’avais été saisi d’une folle et terrible jalousie. J’avais alors, pour ainsi dire, tout tenté, même l’incongru pour elle, parce que j’avais compris que je l’aimais. Je les avais pourchassés au millimètre, à la seconde près, ne leur laissant pas l’ultime possibilité de se retrouver tranquillement où que ce soit. Et pour exploser leur histoire naissante, j’avais osé rencontrer son père, tout seul, pour une demande officielle d’union. Mais la partie était loin d’être gagnée comme je le supposais.
Nadia, avait refusé ma proposition de mariage, parce qu’elle estimait que je lui avais manqué de respect en lui imposant mes volontés, alors que je l’avais odieusement plantée. J’ai dû alors mettre les bouchées doubles pour la reconquérir. Ce fut pénible mais, finalement, je l’ai épousée. J’ai eu raison de ne pas laisser filer ma chance, parce que Nadia est une femme exceptionnelle. Nous avons mené une vie de couple riche en évènements heureux. Nous avons eu de beaux enfants et nous avons monté ensemble une affaire prospère. Nadia, devenue maman, s’est muée en femme très sérieuse, même trop.
Je l’ai vu se montrer plus hostile à nos sorties nocturnes, à nos escapades en tête à tête. Ensuite, je l’ai vu changer d’allure, avec en sus un penchant exagéré pour la spiritualité. Il s’en est suivi une couverture obsessionnelle de sa tête, puis de son corps, avec les rituels de méditations et de prières qui vont de pair. Pour ce choix très personnel, le courage de l’en dissuader me lâchait. Et tant qu’à faire, puisque Nadia y trouvait de la sérénité, que pouvais-je demander de plus? Il était franchement hors de question de semer la zizanie dans notre couple pour ça. J’en bavais déjà suffisamment sur le plan professionnel. Il me pompait toute mon énergie et mon attention.
Mon épouse est restée ainsi cloîtrée longtemps dans ses bondieuseries… Puis un matin, la voilà complètement métamorphosée. Elle était maquillée, portait un jean, des talons, une chemisette cintrée et sans foulard sur les cheveux. Je me suis défendu de faire une quelconque remarque. J’étais plutôt satisfait, vu que je n’ai jamais adoré toutes ses fanfreluches empruntées à MèreTheresa. Par contre, nos enfants ne l’ont pas loupée en la mitraillant d’interrogations. Elle semblait amusée, mais sans jamais donner de réponse.
J’ai continué de rester muet, attendant sagement que Nadia m’explique. Parce que maintenant, je me sens un peu largué dans cette histoire. Non pas que je souhaite qu’elle retourne à son ancien accoutrement. J’estime tout simplement que cette transformation doit forcément avoir une explication et qu’elle devrait m’en faire part, demander mon avis, mon approbation. C’est grave quand même qu’elle ne le fasse pas. Je ne retrouve pas mon épouse dans cette image qu’elle affiche et cela m’inquiète beaucoup. C’est vrai, pourquoi avoir troqué maintenant la vertu pour le trouble?
Bizarrement, en accompagnant les enfants à l’école, j’ai repéré quelques-unes de ses amies, des mamans discutant à la porte. C’était bien celles qui font partie de ce que j’appelle le clan de Nadia. Elles aussi, tout comme mon épouse, avaient laissé tomber les masques. Quel vent les avait toutes frappées, mon Dieu? Est-ce encore un phénomène de mode? En tout cas, cela m’a un peu soulagé qu’elle ne soit pas un cas isolé».
Mariem Bennani