Des Indiens, des Sri-lankais, des Philippins, des Népalais, des Malaisiens ou encore des cadres français… Tous viennent ici pour avoir un peu plus d’argent que dans leur propre pays.
Ce lundi 10 décembre, il était environ 22h30 à l’aéroport international de Doha. C’était un peu comme voyager dans le monde tout en restant à Doha, une ville où l’on s’exprime beaucoup plus en anglais qu’en arabe. En effet, on y rencontre de toutes les nationalités. La difficulté de trouver un emploi en ces temps de crise pousse beaucoup à rêver d’aller travailler dans un pays du Golfe, en particulier le Qatar. Certes, c’est un petit pays mais qui fait tant parler de lui ! Pour beaucoup, le Qatar est devenu un eldorado. «Le nombre de travailleurs qui arrivent au Qatar ne cesse d’augmenter. Ils sont plus d’une vingtaine par heure à venir travailler comme ouvriers sur les chantiers, notamment ceux ouverts dans le cadre des préparatifs de la Coupe du monde de 2022», nous confie-t-on dans l’aéroport international de Doha.
La Coupe du monde de football 2022 approche et les décideurs qataris mettent les bouchées doubles pour doter le pays de nouveaux stades et d’infrastructures d’accueil. Les préparatifs qataris, pour accueillir cette grande manifestation mondiale dans neuf ans, vont donc bon train. Doha est ainsi devenue un immense chantier à ciel ouvert. En témoignent les projets qui sont lancés un peu partout et qui sont actuellement en cours de réalisation pour être finalisés d’ici à cette échéance. De grandes sociétés de construction recourent à des milliers de travailleurs immigrés, dont notamment des Marocains qui œuvrent actuellement à la finalisation, dans les délais, de ces chantiers. Le Reporter, qui se trouvait les 10 et 11 décembre à Doha, pour la couverture du Sommet mondial de l’innovation sur la santé, a rencontré certains de ces ouvriers marocains qui travaillent dans la capitale qatarie. Mais ont-ils, tous, le rêve qu’il faut? Pas sûr.
Le Qatar, terre promise…
Pour les jeunes ouvriers (une dizaine) que nous avons rencontrés à Doha, leur expérience, en tant que plâtriers dans l’un des plus grands projets lancé dans cette ville, a été un vrai échec. Pour ces travailleurs marocains, dont le contrat de travail est arrivé à échéance, le rêve aurait viré au cauchemar. Et, visiblement, ils n’étaient pas tristes de rentrer au Maroc. Ce jeudi 12 décembre, ces jeunes ouvriers allaient donc prendre le vol 1395 Doha-Casablanca assuré par la Qatar Airways. Un vol dans lequel Le Reporter était également présent et dont les passagers étaient en majorité des travailleurs marocains qui s’étaient rendus à Doha pour y chercher «la terre promise» qu’ils n’avaient pu trouver dans leur pays.
L’histoire de ces jeunes plâtriers a commencé il y a près de trois ans, quand ils ont fait la connaissance d’un entrepreneur marocain (M.A) connu sous le pseudonyme d’«Abou Hamza». Ce dernier, qui dirige la société «Ichbilia d’ornement et de décor» (Ichbilia pour zakhrafa et décor), dont le siège se trouve actuellement aux Emirats Arabes Unis, les a d’abord contactés au Maroc, avant de les convaincre de venir travailler à Dubaï, dans le cadre d’un contrat de deux ans, auquel les jeunes ouvriers ont souscrit avant de venir dans ce pays du Golfe, nous ont-ils affirmé. Mais ce n’est qu’une fois arrivés qu’ils ont découvert la vérité. «On s’est rendu compte des mensonges de cette personne», expliquent ces jeunes gens. Et les mêmes ouvriers de poursuivre: «Nos droits n’étaient pas respectés, à commencer par notre salaire dont le montant a été réduit de presque la moitié. Et pas seulement, notre salaire était souvent versé avec retard». «Celui qui nous a promis un avenir meilleur dans ce pays du Golfe a failli à tous ses engagements. Donc, pendant deux ans, nous avons travaillé dans des conditions très difficiles, avec beaucoup d’heures supplémentaires et sans rémunération, en plus», ont-ils déploré. Avec l’expiration du contrat, «nous avons décidé de rentrer définitivement au Maroc, ont-ils poursuivi. Mais, encore une fois, Abou Hamza a su nous convaincre d’aller travailler, cette fois-ci, à Doha, au Qatar. Il nous a même promis -si nous acceptions son offre- de nous donner tous nos droits que nous n’avions pas eus, en échange de notre travail aux EAU, comme le stipule le contrat de travail que nous avons signé avant de venir travailler dans ce pays arabe».
Déception, salaire retardé et exploitation
Ainsi, «après trois mois passés au Maroc, nous sommes donc venus à Doha pour commencer notre travail comme plâtriers dans le nouveau palais de l’Emir du Qatar, dont la réalisation a été confiée à une société internationale de construction. Les actionnaires de cette firme sont des Emiratis et des Italiens. Cette entreprise, qui emploie actuellement 1.000 ouvriers, a confié une partie de ce grand projet à la société d’Abou Hamza. Malheureusement, encore une fois, nous avons été déçus par le comportement de ce dernier qui n’a pas voulu respecter ses engagements», précisent les mêmes travailleurs avant de souligner: «Cela fait six mois que nous sommes arrivés à Doha et cette personne continue de faire la sourde oreille devant nos réclamations. Salaires retardés, exploitation sur le chantier… Bref, la situation était la même que lorsque nous étions aux EAU. Aussi avons-nous décidé de faire entendre notre voix. C’est pourquoi, chaque mois, pendant trois jours, on refusait de travailler en guise de protestation, ce qui n’a pas manqué de retarder l’avancement des travaux du projet. Au lieu d’honorer ses engagements, cette personne, Abou Hamza -qui était notre seul interlocuteur à Doha- nous a menacés de sanctions si nous continuions de revendiquer nos droits. Lesquelles sanctions pouvaient aller jusqu’à nous retrouver sans documents et sans passeport dans ce pays. Ce qui veut dire: finir en prison ou être refoulés vers la Maroc sans aucun dédommagement».
Dans ce pays du Golfe, comme dans tous les autres pays de la région, le droit au travail est régi par la «Kefala» (sponsorship). Le «Kefil» ou sponsor a donc tous les pouvoirs, nous explique l’un des jeunes plâtriers. Car, ajoute-t-il, il détient le pouvoir de permettre ou non aux ouvriers étrangers de quitter ce pays à la fin du contrat. Un système qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives. «Puisque, à la fin du contrat, on aurait pu ne pas pouvoir rentrer au Maroc si le »Kefil » avait décidé de garder nos passeport. Heureusement que cela n’est pas arrivé», a lancé ce même ouvrier. Lequel a souligné que les travailleurs marocains avaient comme seul interlocuteur Abou Hamza et qu’ils n’avaient jamais eu de contact avec leur «Kefil» (Al Khayate Littijara oua Al Moukaouala ».
Vivement une enquête
En clair, les jeunes ouvriers marocains ont souligné différents abus dont ils ont été victimes: dettes, logements précaires, confiscation de passeport, salaires retardés, exploitation sur le chantier… Ils n’ont pas manqué de rapporter également les conditions effroyables de quelque 1.000 Marocains employés sur des chantiers. Ces travailleurs seraient actuellement toujours exploités par des mafias. Les mêmes sources pointent du doigt Abou Hamza pour les conditions de travail horribles des ouvriers marocains dans les chantiers qui sont actuellement en cours de réalisation au Qatar. Ils ont déclaré que cet entrepreneur n’hésiterait pas à exploiter d’autres ouvriers qu’il continuait de faire venir de différentes régions du Royaume. Car, «en quatre mois, le nombre des ouvriers pouvait atteindre quelque 5.000 personnes pour la réalisation du nouveau palais de l’Emir à Doha», disent-ils.
Les mêmes ouvriers implorent le gouvernement marocain d’ouvrir une enquête sur ces mafias qui exploiteraient actuellement des ouvriers marocains dans les chantiers qui sont lancés dans les pays du Golfe, dont le Qatar. «Pour l’obtention des »visas libres » leur permettant d’aller travailler dans ce pays arabe, ces ouvriers sont disposés à donner deux voire quatre millions de centimes à ces mafias. Lesquelles n’hésitent pas à falsifier les documents requis pour l’obtention de ces visas. Le gouvernement marocain doit absolument agir pour protéger les droits des travailleurs marocains dont plusieurs sont exploités par ces mafias et font l’objet de licenciements abusifs, une fois le chantier fini», martèlent les mêmes ouvriers.
D’autres travailleurs satisfaits
Mais à Doha, on ne voit pas que des travailleurs dans des conditions de vie déplorables et dont l’expérience a été un échec. On y voit aussi des ouvriers marocains satisfaits de leur expérience. Et, fort heureusement, l’échec, ce n’est pas ce qui arrive à la grande majorité, lance Yassine Chahiri, chef cuisinier dans un grand palace de Doha, «Souk Waqif Boutique Hôtels ». Yassine, que nous avons rencontré ce mercredi 11 décembre au cœur de Doha, est un jeune homme marocain (28 ans) qui, depuis un mois et demi, vit dans cette ville où il travaille dur dans le domaine de la restauration. Célibataire et diplômé de l’Institut supérieur de l’Hôtellerie à Marrakech, il s’y plaît. Il compte faire sa vie et même fonder une famille dans ce pays qui serait le pays le plus riche du monde. Yassine, qui dit n’avoir jamais envisagé de quitter le Maroc, affirme qu’il compte rester le plus longtemps possible dans ce pays où le taux de criminalité est l’un des plus bas au monde.
«De plus en plus, il y a des Marocains qui viennent ici pour travailler. On voit des journalistes, des couturiers, des cadres bancaires et aussi des ouvriers du BTP. Et, s’il y a de plus en plus d’immigrés marocains au Qatar, c’est parce que les salaires sont plus attractifs, que les conditions de travail sont généralement bonnes pour les travailleurs qualifiés et qu’on travaille souvent sous contrat. Cela veut dire que ces Marocains sont à l’abri de tout problème», a expliqué Yassine Chahiri.
Un autre Marocain, Abdelaziz, a voulu tenter l’aventure, il y a deux ans, sous d’autres cieux. Il a choisi de s’installer au Qatar. Et il ne l’a pas regretté. Aujourd’hui, il se dit très satisfait de son expérience à Doha. «Travailler dans un pays du Golfe comme le Qatar, c’est un plus. Je suis bien payé. En tout cas mieux qu’au Maroc», a-t-il souligné. Depuis qu’il est dans ce pays, il est gérant à «Tagine», un restaurant connu pour ses tagines et différents plats traditionnels marocains offerts aux clients. Il se trouve à «Souk Wakif», l’un des plus anciens souks de Doha; un marché qui date de 90 ans et qui reste l’une des destinations les plus prisées des touristes. Le restaurant «Tagine», dont le propriétaire est un qatari fol amoureux du Maroc, Jamal Kerraoui, emploie 19 Marocains dont quatre chefs cuisiniers qualifiés. Les clients de ce restaurant, qui ouvre ses portes à 6 heures et jusqu’à une heure tardive de la soirée, y viennent pour savourer le thé à la menthe et déguster le couscous marocain, ainsi que d’autres plats traditionnels du Royaume. Il y a deux semaines, le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, a été parmi les hôtes du restaurant «Tagine». Avant lui, il y avait aussi le Premier ministre turc, Rajab Tayeb Erdogan, a affirmé Abdelaziz, non sans fierté.
La fuite des cadres marocains vers les pays du Golfe, dont notamment le Qatar, a fait parler d’elle en 2007. En effet, certains techniciens aéronautiques, pour ne citer que ces cadres de la RAM, y sont allés en 2006, dans le cadre des procédures internes de l’entreprise. Ils étaient surtout attirés par les salaires attrayants que ces pays proposaient. A souligner que plusieurs professions sont touchées par cette immigration de Marocains vers les pays du Golfe.
Reportage de notre envoyée spéciale à Doha : Naîma Cherii
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Bonjour,
je suis une jeune marocaine diplomée d’un master et j’aimerai bien trouver un emploi à Qatar mais je sias pas comment faire.
pourriez svp me donner quelques informations apropos?