Les derniers instants avant l’engloutissement du terrain de football au Douar Tizirt
Les crues du village de Tizrt n’ont rien épargné sur leur passage
Les restes de l’autocar renversé à l’entrée de la ville de Rissani
La province de Taroudant a été frappée, mercredi 28 août 2019, par des inondations après de violents orages. Neuf personnes y ont perdu la vie. Une semaine après, la province d’Errachidia a connu un drame plus grave encore. Le 8 septembre, un autocar reliant Casablanca à Rissani a été emporté par les eaux. Bilan provisoire: 18 morts et 29 blessés. Plusieurs questions restent aujourd’hui posées, dont la principale: et maintenant ?
Ce 28 août, au Douar Tizirt, deux équipes locales disputaient un match de football, quand soudain, les riverains ont été surpris par la montée brutale des eaux de la rivière asséchée d’Imi Natiar. S’en est suivi un impressionnant mouvement de panique.
Les familles et proches des victimes, s’interrogent sur les mesures qui auraient dû être mises en place par les pouvoirs publics et les autorités locales pour éviter un tel drame. Les inondations qui ont touché le village de Tizirt a remis au goût du jour la question de la prévention et de la gestion des inondations entre autres risques liés aux catastrophes naturelles. Aussi, le manque de stratégies d’accompagnement des populations sinistrées est aujourd’hui sujet à débat. Les vidéos postées sur les réseaux sociaux, font froid dans le dos. Sur ces séquences, filmées par des vidéastes amateurs tous habitants du village sinistré, on voit des dizaines de personnes prises au dépourvu par la montée des eaux avant d’être emportées par les flots d’un oued que l’on croyait définitivement asséché, tari. La force du courant a été si forte qu’elle a tout emporté et détruit sur son passage. Le mini terrain de foot qui abritait, comme chaque année, un tournoi amateur local, n’a pas été épargné. Comme montré dans plusieurs clichés pris au moment et après la catastrophe, cette infrastructure sportive de proximité à été emportée tel un fétu de paille.
Après le choc, l’indignation
Passé le choc de l’annonce de la catastrophe qui a plongé les habitants de Tizirt dans la tristesse et l’incrédulité, l’heure est à l’indignation. Les familles et les proches des victimes qui ont péri dans ces inondations spectaculaires, exigent des réponses claires de la part des autorités aux questions qui les taraudent depuis plusieurs jours. Ces derniers veulent, en effet, que la lumière soit faite et que toute la vérité soit enfin connue sur les circonstances exactes de cette catastrophe, de même qu’ils réclament des sanctions sévères contre les responsables qui ont failli à leurs devoirs vis-à-vis du citoyen. Pour les habitants du village de Tizirt, aucune mission d’information n’a été effectuée dans ce village pour alerter la population du drame qui se profilait à l’horizon en cette fin de journée du 28 août 2019. Effectivement, les avis sont unanimes pour dire que du fait que la Direction de la Météorologie Nationale (DMN) a émis un bulletin météorologique spécial pour alerter les habitants de l’imminence de la catastrophe, les élus locaux devaient relayer l’information, sachant qu’il est difficile pour une population rurale pour la plupart analphabète, de saisir les contenus des bulletins d’alerte météo. De l’avis des spécialistes en gestion des catastrophes naturelles, les inondations qui ont frappé la province de Taroudant témoignent de l’échec des politiques sociales du gouvernement. Les mêmes spécialistes estiment qu’au Maroc, la proximité entre les représentants de l’Etat et les citoyens est quasi inexistante, excepté en période pré-électorale. Or, dans les pays développés, l’intérêt du citoyen est, en permanence, placé au cœur des préoccupations. En France par exemple, les élus locaux sont en contact permanent avec les citoyens. En cas d’inondations ou de tout autre événement climatique exceptionnel, la population est tenue informée en temps réel, outre l’accompagnement dont elle bénéficie de la part des pouvoirs publics. Au Maroc, force est de constater que les citoyens confrontés à ce genre d’événements sont livrés à eux-mêmes, ne bénéficiant d’aucun soutien de la part des responsables (centres d’accueil et d’hébergement en cas d’événement climatique exceptionnel, assurances couvrant tout type de catastrophes naturelles…).
Que faut-il faire maintenant ?
Le gouvernement est plus que jamais interpellé sur sa manière jugée inadéquate, de gestion des risques liés aux inondations. L’histoire ne ment pas. Le Maroc a connu plusieurs épisodes de crues aussi violentes que spectaculaires. Dans la nuit du 25 au 26 juillet 2019, la région d’Al Haouz a été secouée suite à l’effondrement du pan d’une montagne suite aux fortes précipitations qui se sont abattues sur la région. Prises au piège sous la boue et les roches, quinze personnes ont péri. Parmi elles, onze femmes, trois hommes et un enfant. Là encore, des témoins de l’accident ont estimé qu’il suffisait d’interdire la circulation sur ce tronçon routier pour éviter la catastrophe, sans parler des secours qui ont été accusés d’être arrivés en retard sur les lieux.
Le long-termisme ne convainc plus grand monde
Les stratégies gouvernementales à long terme ne convainquent plus. De nos jours, les attentes des citoyens sont tellement grandes que les plans de colmatage ne suffisent plus. Dans une volonté d’apaisement, l’Exécutif a annoncé, jeudi 29 août 2019, à l’issue de la réunion hebdomadaire du Conseil de gouvernement, la mise en place prochaine d’une direction centrale au ministère de l’Intérieur. Sa mission consistera à assurer la gestion des risques liés aux catastrophes naturelles. L’exécutif prévoit, en outre, de renforcer les procédures d’urbanisation en milieu rural. Une loi-cadre y afférente est pour l’heure en cours d’élaboration. Enfin, le gouvernement a indiqué qu’une carte exhaustive des zones et sites classés à risque, verra le jour incessamment sous peu.
A la question de savoir si le drame du Douar Tizirt, dans la province de Taroudant, pouvait être évité, la réponse est oui. Encore faut-il que gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés conjuguent leurs efforts pour que ce genre de catastrophe ne se reproduise plus jamais.
En l’absence d’une prise de conscience, quant aux dangers des crues occasionnées par les mauvaises conditions climatiques, un nouveau drame a eu lieu, dimanche 8 septembre 2019 au niveau du pont «Oued Damchan» (commune d’El Khank) dans la province d’Errachidia, lorsqu’un autocar de transport de passagers s’est renversé au niveau du barrage Hassan Addakhil, à l’entrée de la ville de Rissani. Face à l’ampleur de la catastrophe et sur Hautes instructions de SM le Roi Mohammed VI, une délégation de haut niveau, formée du ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, du ministre de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, Abdelkader Amara et du Général de Corps d’armée Mohamed Haramou, commandant la Gendarmerie Royale, a effectué le même jour une visite sur place pour s’enquérir de la situation.
Mohcine Lourhzal
Construction en zones inondables Ce que dit la loi L’article 117 du dahir n°1-16-113 du 10 août 2016 portant promulgation de la loi n°36-15 relative à l’eau, prévoit qu’il est «interdit d’établir, sans autorisation, dans les terrains submersibles, des digues, constructions et autres aménagements susceptibles de gêner l’écoulement des eaux d’inondation, sauf pour la protection des habitations et propriétés privées attenantes. L’agence du bassin hydraulique peut, si elle a été sollicitée, fournir l’assistance technique pour la réalisation des digues, constructions ou des aménagements autorisés».
Crues des fleuves Après Taroudant, Imlil envahie par les crues Quelques jours après les inondations de Taroudant, qui ont coûté la vie à huit personnes, la région d’Imlil a connu un scénario presque identique sauf que cette fois-ci les vies humaines ont fort heureusement été épargnées. Les forts orages, qui ont touché dimanche 1er septembre 2019 cette commune rurale de la Province d’Al Haouz dans la région Marrakech-Safi, ont causé des dégâts matériels considérables et perturbé la circulation. Un peu tôt, pour un exécutif qui n’avait décidé de passer à l’acte que trois jours auparavant et pour lequel, apparemment, même la nature n’arrange pas vraiment les choses!