Tunisie Trois ans de printemps pourri

Tunisie 3 ans apres printemps arabe

La venue à Sidi Bouzid du chef de l’Etat, Moncef Marzouki, du Premier ministre, Ali Larayedh et du président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar, a été annulée en Tunisie «pour raison de sécurité».

La ville où est né le printemps tunisien, modèle des printemps arabes, est plus que désabusée, à l’image du pays tout entier. À Sidi Bouzid, berceau de la révolte déclenchée par l’immolation, le 17 décembre 2010, de Mohamed Bouazizi excédé par la misère et les brimades policières, les rassemblements contre le pouvoir n’ont connu qu’un succès très mitigé. La Tunisie a donc marqué, sans entrain, le troisième anniversaire de la révolution et du Printemps arabe. Et, malgré un contexte de tensions sociales et politiques, les manifestations n’ont guère rassemblé. Tout le monde paraît dans une très inquiète expectative.
Un millier de militants syndicaux et de partis de gauche ont manifesté en ordre dispersé dans la matinée. Du côté des partisans du pouvoir, le parti Ennahda a rassemblé quelque 300 manifestants.
Les célébrations du 17 décembre n’ont pas connu plus de succès dans la capitale. De plus, l’anniversaire de la révolte intervient dans un contexte politique complexe. Après deux mois de tractations et malgré le refus d’une partie de l’opposition, le ministre de l’Industrie, Mehdi Jomaâ, un indépendant, a été désigné pour prendre la tête du gouvernement. On ne sait pas ce que cela peut donner. Le président tunisien, Moncef Marzouki, a prononcé une allocution à l’adresse du peuple tunisien. A la veille du troisième anniversaire de la révolution, il a félicité les Tunisiens pour la désignation d’un nouveau chef de gouvernement, Mehdi Jomâa. Il s’est réengagé à faciliter le Dialogue national. Il a rappelé, en conclusion, que l’Assemblée nationale constituante et les institutions qui en découlent demeurent les seules sources de légitimité.
Alors que les Tunisiens s’attendaient à des jours meilleurs, ils ont au contraire été les otages d’un marasme politique et économique et d’une insécurité grandissante et les témoins et victimes de droits de l’Homme bafoués. La Tunisie ne s’attendait pas à une montée du terrorisme. Ces derniers temps ont été meurtriers. Une vingtaine de militaires et de gendarmes ont été tués dans des opérations contre des terroristes. Deux opposants au régime actuel ont été assassinés. Les touristes réfléchissent à deux fois avant de visiter la Tunisie. Et les investisseurs traînent du pied. Depuis juillet et l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi, la police a procédé à de multiples arrestations pour affaiblir la mouvance djihadiste, notamment Ansar Asharia, après lui avoir attribué de nombreuses attaques contre la police et l’armée.

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Longtemps, les islamistes du parti Ennahda, arrivés au pouvoir avec les élections d’octobre 2011, ont cherché à transiger avec les djihadistes, si bien que l’opposition les accuse de laxisme, voire de complaisance. A l’inverse, la mouvance salafiste accuse désormais Ennahda de mener une répression injustifiée.

En ce 17 décembre 2013, des sit-in se sont aussi tenus dans les villes de Béja et de Medjez-El-Bab; avec encore une fois des sans-emploi aux premières loges, pour mettre en garde le prochain gouvernement contre la poursuite de l’indifférence face à leurs revendications.
Salah Ayari, membre du Bureau exécutif national de la Ligue de défense des droits des sans- emplois, a affirmé: «Ces mouvements de protestations sont un message délivré au prochain gouvernement, pour l’inciter à se pencher sur le problème de l’emploi».
Depuis la publication par le président tunisien d’un livre sur le système de propagande du régime de Ben Ali, la polémique enfle. Les critiques sur la méthode se doublent d’une dénonciation de la lenteur de la transition démocratique. Le chercheur français Vincent Geisser, ami de Moncef Marzouki avec qui il a co-écrit «Dictateurs en sursis», a ouvertement pris ses distances, dénonçant sur Facebook «les dangers de l’amalgame et la culture de l’anathème» de l’ouvrage. Le Livre noir a ainsi relancé un enjeu mis de côté dans les débats politiques: le manque d’avancée dans le cadre du processus de la justice transitionnelle, c’est-à-dire les moyens à mettre en œuvre pour faire face aux exactions massives commises dans le passé, établir les responsabilités, rendre la justice et permettre la réconciliation.
De toute évidence, on reste plus dans un esprit de vengeance que dans un esprit Mandela. C’est peut être la raison de l’échec de l’évolution tunisienne.

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Patrice Zehr

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