16 candidats sont en lice pour la présidentielle afghane. Aucun des candidats n’a fait réellement campagne pour cause d’insécurité. Personne ne croit que l’élection du 28 septembre apportera une amélioration à la situation du pays.
La rupture inattendue du dialogue entre l’administration Trump et les Talibans n’a fait qu’aggraver les choses. Les Talibans menacent les électeurs potentiels et refusent, bien sûr, de reconnaître les résultats du scrutin. Et pendant ce temps, attentats et bavures se multiplient, aggravant le martyr de la population civile. L’élection présidentielle afghane a pris une importance nouvelle depuis l’abandon, le 7 septembre par Donald Trump, des pourparlers avec les Talibans sur un retrait des forces américaines. Le gouvernement afghan a été tenu à l’écart de ces négociations et ses responsables voient dans le scrutin du 28 un moyen de revenir dans le jeu. «Toute voie vers la paix» doit passer «par le gouvernement», a déclaré le porte-parole du président, Sediq Sediqqi.
Tous les observateurs constatent une flambée de violence des Talibans, qui sont déterminés à miner d’emblée la légitimité du futur chef de l’Etat en décourageant un maximum d’électeurs (sur 9,6 millions) de se rendre aux urnes.
Ils ont par exemple revendiqué un attentat contre un meeting électoral du président Ashraf Ghani qui a fait au moins 26 morts près de Kaboul.
Dans ce contexte sous haute tension, la question de la participation sera cruciale. Encore faudra-t-il assurer la sécurité des opérations, a-t-elle ajouté. Près de 500 bureaux de vote ont été exclus parce qu’elle ne peut y être garantie, ce qui en laisse 4.942 au dernier décompte. Qui mobiliseront pas moins de 72.000 membres des forces de sécurité, selon le ministère de l’Intérieur. Une «élection crédible constituera un socle politique important pour l’avenir du pays et confèrera une légitimité et une autorité au président élu», a souligné la semaine dernière le chef de la mission de l’ONU en Afghanistan, Tadamichi Yamamoto. Mais cela participe largement de la méthode Coué.
«Le bilan de l’attaque à l’hôpital de Qalat est monté à 39 morts et 140 blessés», a dit à l’AFP le porte-parole du gouverneur de la province, Gul Islam Seyal. Le chef du conseil de la province, Ata Jan Haqbayan, a pour sa part fait état de 41 tués et 185 blessés. L’attentat avait été revendiqué par un porte-parole des talibans, Qari Yousuf Ahmadi : «Nous avons mené une attaque martyre contre le NDS», avait-il déclaré dans un message, affirmant que le bâtiment avait été complètement détruit.
Ce nouveau bilan fait passer à 91 morts les victimes d’attentats du mardi 17 au jeudi 19. Ce regain de violence, à moins de dix jours de l’élection présidentielle prévue le 28 septembre, était attendu par de nombreux observateurs. Les Talibans n’ont pas fait mystère de leur intention de perturber la tenue d’un scrutin qu’ils jugent illégitime. Le premier attentat de ces trois derniers jours, qui a fait 26 morts, est survenu aux abords d’un meeting du président Ashraf Ghani, candidat à sa réélection. Dans leur revendication de l’attaque, les Talibans avaient expliqué qu’elle visait «une réunion faisant la promotion d’élections fantoches».
Parallèlement, au moins neuf ouvriers agricoles ont été tués jeudi dans la province de Nangarhar (dans l’est du pays) par des tirs de drones. Cette frappe «était censée viser des combattants de l’Etat islamique, mais a touché des civils par erreur», a reconnu le porte-parole de la police pour la province, Mubarez Atal. Contacté par l’AFP, le ministère afghan de la défense s’est refusé à commenter l’information, disant enquêter à ce sujet. Les frappes aériennes en Afghanistan ne peuvent être le fait que des armées afghane et américaine.
Tout cela solde tragiquement un échec diplomatique.
Le dialogue exclusif entre la délégation américaine, menée par l’ambassadeur Zalmay Khalilzad et des Talibans de haut niveau, avait, en effet, permis, ces derniers mois, de s’accorder sur les grandes lignes. Mais il achoppait sur un point: savoir si les Etats-Unis laisseraient sur place une force «antiterroriste» après leur départ, fin 2020. Un choix défendu par le Pentagone et des ténors républicains. Les Talibans n’en voulaient pas, considérant qu’ils s’étaient engagés à lutter contre les terroristes. Jusqu’au dernier moment, le Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo et M. Trump ont pensé pouvoir trouver une solution et organiser, en grande pompe, une signature d’accord, à Camp David. En vain. C’est l’épilogue du processus de paix en Afghanistan qui aura eu, à ce jour, le plus de chance d’aboutir puisque les deux principaux protagonistes de cette guerre se retrouvaient face à face. Mais cette année de tractations, essentiellement conduites à Doha, au Qatar, aura avorté sur l’autel de la complexité afghane.
Et l’élection présidentielle du 28 septembre n’y changera pas grand chose, hélas.
Patrice Zehr