Benkirane-Chabat Les raisons de la guerre

Benkirane Chabat 2014

Alliés d’hier, ennemis d’aujourd’hui, les choses entre le Parti de l’Istiqlal et le PJD ne semblent pas vouloir s’arranger. Ça pique chaque fois, d’un côté ou de l’autre, ça provoque, ça tire à bout portant…

Il faut bien s’occuper ! Et faute de réelles actions politiques, on fait la guerre. Une guerre sans merci où tous les coups sont permis et où rien n’arrête les antagonistes…

Une question se pose cependant et avec insistance: pourquoi cet acharnement de part et d’autre et pourquoi cette guerre?
Nul besoin de rappeler ce scénario qui a bloqué tout le pays pendant près d’un semestre, orchestré par Hamid Chabat et sa décision de retirer son parti du gouvernement sous prétexte qu’il n’appréciait pas la manière avec laquelle Abdelilah Benkirane gérait l’Exécutif…
Aujourd’hui, l’affaire prend une autre dimension entre un chef de l’Exécutif qui se comporte en opposant et le nouveau chef de file de l’opposition qui attroupe tous les «NON-istes», autour de lui dans le seul but de descendre son «ennemi» juré d’aujourd’hui (et de toujours d’ailleurs), le chef de gouvernement.
Ne se contentant pas de procès et de poursuites judiciaires, Chabat a poussé le bouchon trop loin en appelant même à une dissolution du parti au pouvoir et pour cause, ce même parti «est en relation étroite avec l’organisation internationale de la confrérie des Frères musulmans», a déclaré Chabat. Il est ainsi nécessaire de séparer aujourd’hui le PJD de son bras idéologique, en l’occurrence le Mouvement Unicité et Réforme (MUR), a aussi estimé le patron de l’Istiqlal. D’autant plus que le chef du MUR a reconnu que le parti de Benkirane reste sa branche politique… L’Istiqlal et l’USFP sont plus que jamais déterminés à s’unir pour ester en justice tous ceux qui assimilent l’action politique à la religion, annoncera encore Chabat.
Dissoudre un parti, qui de surcroît est à la tête du gouvernement, sur simple appel d’un autre parti connote bien des choses. Soit que Chabat ne pèse pas ses mots, ce qui est grave de la part d’un chef de parti. Soit qu’il ignore la loi, ce qui est encore plus grave… Soit tout simplement qu’il fait fi de toute «best practice» et toute bonne attitude digne d’une personnalité publique! Ça va fort de la part d’une personne qui veut à tout prix avoir la peau (politique) de Benkirane. Un Benkirane qui s’adonne au même jeu et oublie ce que son poste et sa position imposent comme respect des opinions, mêmes opposées aux siennes, et comme attitude d’homme politique de premier rang. Oublier tout cela est d’ailleurs expliqué par son dernier clash avec les députés de l’Istiqlal, lors de sa dernière sortie au Parlement.
Au lieu de se mettre au travail quant à l’application du programme de son parti et de son gouvernement et à la mise en œuvre des réformes très attendues et de la Constitution, Si Benkirane prend un autre cap et use d’un langage on ne peut plus burlesque et calomnieux, visant l’intimidation ou le dénigrement des partis de l’opposition, l’Istiqlal en tête.

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Qui ressemble à qui?

«Un navire n’avance jamais avec deux commandants à bord». Un adage assez souvent utilisé par les Marocains qui s’applique, selon les observateurs, à la chose politique au Maroc réduite à un ridicule et à un discrédit sans précédent, parce que Chabat qui, après avoir miraculeusement réussi à abattre les «Fassi», voulait tenter le même coup avec le PJD et prendre les rênes du gouvernement… La chose n’ayant pas réussi, malgré le manque d’expérience de ces nouveaux venus, il s’amusera à entraver leur action et à leur mettre les bâtons dans les roues… C’est à croire qu’il n’est tranquille que lorsque Benkirane est dans la tourmente! Et le chef du PJD le lui rend bien puisqu’à chaque fois, il joue le jeu et se défend tout en s’enorgueillissant d’avoir réussi le maintien! Là, c’est le grand jeu qu’il sort, se permettant même d’humilier ses opposants… Outre la tension que cela a créé, la scène politique s’en voit trop affectée et réduite à un niveau de décadence jamais vécu au Maroc… Comme réponse à cette attitude, Chabat ira jusqu’à comparer le comportement du chef du PJD à ceux de Morsi, Ghannouchi ou encore Erdogan! Mais aucun des deux ne veut se rendre à l’évidence que ces échauffourées politiques, dignes des écoliers, nuisent considérablement au paysage politique national.

«Je ne dirai rien…»

Une allusion trop significative est celle de Benkirane à l’encontre de la députée de l’Istiqlal qui a d’ailleurs déclenché cette nouvelle grogne contre le chef de gouvernement et les procès auxquels il va devoir faire face.
En effet, devant la Chambre des représentants, le 31 décembre, Benkirane a indiqué de façon implicite que des membres de l’Istiqlal s’adonnaient à des pratiques frauduleuses. Selon lui, le PJD n’est pas comme certains partis «dont les membres ont des appartements à Paris et des milliards de dirhams sur des comptes». La réaction de l’Istiqlal ne s’est donc pas faite attendre. Chabat a invité Benkirane à publier la liste des présumés fraudeurs. Les députés istiqlaliens ont aussi demandé des explications au chef de gouvernement. Mais celui-ci ne semble pas vouloir divulguer la moindre information. «Je ne dirai rien de plus», a-t-il déclaré, avec juste l’idée, peut-être, de piquer subtilement ses ennemis! La subtilité n’étant pas un argument, il va devoir se heurter à des poursuites pour diffamation.
En effet, l’Istiqlal a décidé de porter plainte contre le chef de gouvernement suite aux accusations de ce dernier sur les transferts illégaux de devises à l’étranger. Chabat a qualifié les propos de Benkirane, lors de son dernier passage au Parlement, de «dangereux». Il a expliqué que cette plainte sera élaborée par un collectif d’avocats. Les militants du parti de la balance déposeront également des plaintes individuelles contre le chef de gouvernement. Il a été décidé aussi de demander, à travers les deux groupes parlementaires du parti, la constitution d’une commission d’enquête au sujet des marchés des vaccins aussi bien à l’époque du gouvernement El Fassi que sous l’actuelle équipe gouvernementale.
Chabat a même dénoncé, avec son acharnement habituel, le comportement et l’attitude de Benkirane dans sa confrontation avec l’opposition. «Nous acceptons la concurrence politique loyale et nous acceptons que le gouvernement use de tous les moyens constitutionnels légitimes, mais nous rejetons tout abus et toute tentative d’exploiter les institutions à des fins politiciennes», a-t-il déclaré, ajoutant que le recours à la Justice dans ce cas est une réaction civilisée.
Pis encore, comme partant de l’adage arabe, «se taire, c’est consentir», l’Instance nationale de protection des biens publics (INPBP) a appelé Benkirane à sortir de son silence sur cette question et de dévoiler la liste des prétendus fraudeurs. Elle a par ailleurs estimé que la responsabilité de Benkirane en tant que chef du gouvernement l’oblige à donner des instructions strictes aux autorités compétentes pour engager une poursuite judiciaire contre les fraudeurs, en application de la loi et conformément au respect des principes contre l’impunité.
L’instance a également appelé le chef du gouvernement à l’activation du principe de transparence dans la gestion des affaires publiques, à assumer ses responsabilités politiques et morales et à dévoiler les affaires de corruption connues à l’opinion publique nationale.
Le refus de dévoiler les noms le place sur la liste des «connaisseurs» de ces crimes financiers. Au vu de la loi, il y consent donc…

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Une opportunité pour Chabat

Restée dans les rangs de l’Istiqlal, aux côtés de Chabat, Yasmina Baddou est bien membre de cette famille que l’actuel chef du parti de la balance a tout fait pour radier de la scène politique. Elle est encore là et elle est implicitement pointée du doigt par le chef de file de la majorité. Selon certains, ceci gêne quelque part Chabat et son actuelle escalade et son insistance à ce que Benkirane s’arme de courage pour dévoiler la liste des fraudeurs montre que cela pourrait servir de prétexte, et pas des moindres, pour se débarrasser de Baddou et de tout mettre sur le compte de Benkirane! Ce dernier dont il s’est toujours servi pour rester au-devant de la scène politique et dont il va se servir maintenant pour régler ses comptes avec certains des siens, probablement Yasmina Baddou…
En somme, la guerre ne connaît pas de répit et les éternelles rixes opposant le Parti de l’Istiqlal au PJD prennent une tout autre dimension en se poursuivant maintenant devant la justice. Pourvu qu’elles ne durent pas à ne plus en finir et bloquent encore tout le pays!

Hamid Dades

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