La mort de Nelson Mandela a été accompagnée par un hommage international à celui qui est devenu une icône africaine. Cela a remis les «Afrique» sous les projecteurs de l’actualité et des analystes.
L’Afrique noire, bien sûr, avec les espoirs et les inquiétudes pour l’Afrique du Sud. Mais l’Afrique arabo-musulmane également avec l’exception marocaine.
En effet, en Afrique du Nord, le pays qui représente l’espoir de la communauté internationale, c’est plus que jamais le Maroc. La monarchie a anticipé le grand mouvement des masses arabes vers une émancipation et plus de liberté. Le tout avec un développement économique constant. Certes, il y a des problèmes, mais c’est le seul pays qui avance dans un ordre admis par presque tous. L’Algérie reste dans un glacis glaçant, la Libye n’existe pour ainsi dire plus en tant qu’état unifié, la Tunisie ne s’en sort pas et l’Egypte renoue avec un autoritarisme kaki, menacée par les frères musulmans et renouant avec le terrorisme.
Le monde entier devrait aider le Maroc à devenir, encore plus, un modèle de développement d’une modernité identitaire arabo-musulmane.
Pour l’Afrique noire, c’est encore plus complexe. L’Afrique du Sud est très au-dessous de l’idéalisation médiatique et la première puissance africaine sera bientôt surpassée par le Nigeria, pays pourtant en proie à des guerres civiles, ethniques et religieuses.
La situation en Centrafrique est une poudrière, le Mali toujours instable au nord et les désordres ont gagné le Sud-Soudan. Mais dans le même temps, le Ghana et le Burkina Faso semblent décoller alors que l’on a toujours des craintes pour la région des grands lacs et son Congo.
La dernière déstabilisation menace le Sud-Soudan. Dans le jeune Etat, la lutte pour le pouvoir politique entre président et ex-vice-président joue sur les appartenances communautaires.
Les hommes fidèles à Salva Kiir, le chef en place, sont issus de l’ethnie dinka, majoritaire, ceux de Riek Machar, l’opposant, sont nuer. Salva Kiir a ainsi accusé, lundi 23 décembre, Riek Machar de mobiliser des miliciens nuer, connus pour leurs raids brutaux contre les communautés rivales pendant la longue guerre civile Nord-Sud (1983-2005) qui a ravagé le Soudan avant la sécession du Sud. Ban Ki-moon, qui demande 5.500 soldats de plus, a une nouvelle fois appelé les deux camps à «cesser immédiatement les attaques contre les civils et les Casques bleus», sous peine de sanctions. La mission de l’ONU (Minuss) compte actuellement près de 7.000 soldats, ce qui porterait ses effectifs militaires à près de 12.000. Ces renforts seraient prélevés sur d’autres missions de l’ONU en Afrique (République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Darfour, Liberia). L’ONU et des dirigeants du monde entier sont engagés dans une course diplomatique pour éviter au Soudan du Sud de plonger dans la guerre civile, deux ans et demi seulement après son indépendance du Soudan. Les Etats-Unis, parrains de l’indépendance de juillet 2011, sont en première ligne.
Autour de la Centrafrique, mais aussi du Darfour et du soudan, se pose le rôle du Tchad. Idriss Déby, le président tchadien, est finalement plus important dans la région que François Hollande. Le Tchad, menacé sur toutes ses frontières (Libye, Soudan, Nigeria et Cameroun) -avec Boko Haram-, redoute la poursuite de l’instabilité chez son voisin méridional; un glacis sur lequel il estime avoir un droit de regard. À la tête d’un pays qui s’affirme comme la puissance régionale émergente, le président du Tchad tire depuis longtemps les ficelles centrafricaines. Le Tchad est présent, avec des conseillers dans les hautes sphères du pouvoir, mais aussi avec 7.000 à 15.000 ressortissants à Bangui. De nombreux Centrafricains originaires du nord du pays sont également désignés comme «Tchadiens». Ces «Arabes» sont souvent des commerçants qui tiennent un large pan de l’économie centrafricaine ou ce qu’il en reste. Un tiers des membres des ex-Séléka seraient des Tchadiens. La force africaine en Centrafrique (Misca) va être redéployée et quittera prochainement Bangui.
Ces incidents à répétition suscitent un ressentiment croissant chez de nombreux Banguissois qui voient les soldats de N’Djamena comme des «complices» des ex-rebelles Séléka. De l’avis de nombreux observateurs à Bangui, le contingent tchadien était sur le point de devenir un facteur d’instabilité. Son redéploiement vers les confins du nord, régions frontalières du Tchad et du Soudan, devrait se faire sans aucune difficulté avec les populations locales, majoritairement musulmanes, parmi lesquelles vivent de nombreux Tchadiens. Mais cela montre la difficulté et même la dangerosité des interpositions africaines dans des conflits ethniques et religieux.
Patrice Zehr
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Coups de Projecteur
Le Ghana, pays africain émergent
Le Ghana moderne n’a pas de liens géographiques ou historiques directs avec l’Empire du Ghana. Le premier, ancienne Côte-de-l’Or, a été renommé en hommage au second par Kwame Nkrumah au moment de l’indépendance. Le nom colonial de Côte-de-l’Or vient des très nombreuses mines d’or du pays qui, avant d’être exploitées par les colons britanniques, allemands, hollandais et français, étaient abondamment utilisées par l’ethnie Ashanti qui garde la tradition de splendides bijoux en or qui s’est propagée aussi chez l’ethnie voisine Abron. Comme nombre de pays africains, le Ghana est riche en matières premières, notamment en minerais et en pétrole. Son économie demeure cependant essentiellement basée sur l’agriculture. Il a longtemps été le premier producteur mondial de cacao (plus de 1,6 millions d’hectares de plantations villageoises) avant d’être largement dépassé par le pays voisin, la Côte d’Ivoire. L’industrie y est plus développée que dans le reste des pays de l’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, le Ghana va devenir dans les années à venir un pays producteur de pétrole grâce à la découverte, en 2007, de ressources pétrolières offshore non négligeables.
Burkina Faso, le réveil de la belle endormie
Le Burkina Faso est un pays en voie de développement. Il est le deuxième producteur africain de coton derrière l’Égypte, malgré l’aridité des sols. L’agriculture représente 32% du produit intérieur brut et occupe 80% de la population active. Il s’agit principalement d’élevage, mais également, surtout dans le sud et le sud-ouest, de cultures de sorgho, de mil, de maïs, d’arachide et de riz. En 2013, le pays est classé 153ème par le programme Doing business en ce qui concerne les affaires et est le 100ème pays où il fait le plus bon vivre (2010).
Le Burkina Faso compte une très forte diaspora. Par exemple, trois millions de Burkinabais vivent en Côte d’Ivoire. Selon la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, ces migrants rapatrient chaque année des dizaines de milliards de francs CFA au Burkina Faso. Il convient par ailleurs de citer quelques productions minières: cuivre, fer, zinc et surtout or (le pays vient d’ouvrir sa cinquième mine). A la fin des années 1990, les «compagnies juniors» canadiennes, investies dans plus de 8.000 propriétés minières dans plus de 100 pays, pour la plupart encore à l’état de projet, multiplient les contrats avec des pays africains. Au Burkina, elles ont pour nom Axmin, Orezone Resources, Goldcrest Resources ou Etruscan Resources et sont souvent présentes dans des pays voisins. Car le Burkina est un prolongement géologique de la riche zone aurifère du Ghana.
Région des grands lacs
Les Grands Lacs sont une succession de lacs orientés dans le sens nord-sud qui occupent la partie méridionale de la vallée du grand rift, formée par l’action du rift est-africain sur la plaque africaine. Les lacs sont situés dans la partie orientale du continent africain, grossièrement entre le 30ème et le 35ème méridiens, au niveau de l’équateur, entre 5° nord et 15° sud. Les principaux lacs sont le lac Victoria, second lac d’eau douce du monde en termes de superficie et le lac Tanganyika, deuxième plus grand lac en volume et en profondeur. L’ensemble des Grands Lacs n’est pas très bien défini. Dans la vision la plus restreinte, seuls les lacs Victoria, Albert et Édouard font partie des Grands Lacs, car ce sont les seuls qui se jettent dans le Nil Blanc. Les lacs Rukwa et Moero, bien que proches du Tanganyika et plus grands que le lac Édouard, ne sont généralement pas inclus. L’Afrique des grands lacs désigne quatre pays: le Burundi, la République démocratique du Congo, l’Ouganda et le Rwanda. C’est une désignation plus politique que géographique.
L’expression «Afrique des Grands Lacs» fut employée pour la première fois au XIXe siècle par les explorateurs britanniques partis aux sources du Nil (Richard Francis Burton, David Livingstone et Henry Morton Stanley).
Corne de l’Afrique, une crise permanente
La Corne de l’Afrique est une péninsule de l’Afrique de l’Est qui s’étend depuis la côte sud de la mer Rouge jusqu’à la côte ouest de la mer d’Arabie, en passant par le golfe d’Aden et dont la forme, sur une carte, évoque une corne de rhinocéros. Le terme désigne aussi la région occupée par quatre États, la Somalie, Djibouti, l’Éthiopie et l’Érythrée. De par sa position stratégique, elle est de longue date au cœur d’enjeux géopolitiques. La Corne de l’Afrique couvre environ 2 millions de km2 et compte 106,2 millions d’habitants (dont 90 en Éthiopie, 10 en Somalie, 6 en Érythrée et 0,7 à Djibouti).
La Corne de l’Afrique a traversé plusieurs crises. Une grande partie fut colonisée par l’Italie: l’Érythrée entre 1880 et 1941 et le protectorat de la Somalie italienne entre 1890 et 1960, ainsi qu’une brève occupation de l’Éthiopie de 1936 à 1941. La Grande-Bretagne s’installa au nord de la Somalie (Somalie britannique) et la France à Djibouti (Somalie française).
L’Éthiopie y occupe actuellement une place prépondérante de par sa démographie. Son histoire est parsemée de conflits entre chrétiens et musulmans autour de l’accès aux ressources et aux territoires, ainsi qu’entre nationalistes et marxistes et avec l’Érythrée. La Somalie peine à sortir du désordre engendré par la guerre civile qui sévit depuis la fin des années 1980.
Conclusion
L’Afrique est donc la terre de tous les espoirs et de toutes les craintes, avec un accroissement record de population qui va augmenter son poids mondial -pour le meilleur ou pour le pire?- 2014 apportera certainement des réponses, car le continent est plus que jamais à la croisée des destins.
PZ