Dans la rubrique des droits de l’homme, le Maroc vient de frapper fort. Coup sur coup, il a annoncé des décisions qui, si elles aboutissent, marqueront un remarquable tournant. Il s’agit de l’interaction entre le gouvernement et le CNDH et, plus encore, de la réforme de la Justice militaire.
Vendredi 14 mars, à peine de retour d’Afrique, SM Mohammed VI a présidé un Conseil des ministres au cours duquel a été examiné et approuvé un projet de loi relatif à la justice militaire.
Ce projet a eu l’effet d’une bombe. Et pour cause, il prévoit d’exclure les civils de la compétence du tribunal militaire, quels que soient les crimes commis.
De même qu’il prévoit d’exclure les militaires de la compétence du tribunal militaire s’ils commettent des crimes de droit commun.
Un communiqué du Cabinet royal explique: «Ce projet introduit des changements profonds visant à promouvoir la justice militaire, en la distinguant du modèle du tribunal d’exception ; et de l’inscrire parmi les institutions judiciaires spécialisées, garantes des droits et des libertés, en ce qui concerne la compétence, l’organisation et les procédures, ainsi que la composition de la Cour du tribunal militaire».
C’est une grande innovation et une première dans un pays arabe qui a été unanimement saluée par la communauté internationale.
Pour le Maroc, il s’agit, comme le précise le communiqué du Cabinet royal: «d’harmoniser la législation nationale relative à la justice militaire avec les dispositions de la Constitution (2011) et avec les principes et les normes internationaux en vigueur dans ce domaine ; de traduire dans les faits les engagements constitutionnels et internationaux du Maroc en matière d’édification de l’Etat de droit, de protection et de promotion des droits de l’Homme dans toutes leurs dimensions».
Cette décision marque un grand tournant dans le domaine des droits de l’homme… Juste après celle qui l’a précédée, 24 heures auparavant.
La veille, jeudi 13 mars, en effet, le gouvernement, réuni sous la présidence du Chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, a annoncé avoir décidé d’«interagir rapidement» et de «répondre efficacement» aux plaintes et propositions émanant du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et de ses délégations régionales au niveau national, particulièrement celles des provinces du sud, à Laayoune, Dakhla et Tan-Tan.
Dans le même sens, le gouvernement a décidé d’établir des points de liaison permanents et de désigner des interlocuteurs au sein des ministères concernés par ces plaintes, tout en fixant un délai maximum de trois mois pour y répondre. Cette annonce a été faite, suite aux exposés, présentés en Conseil de gouvernement, des ministres de l’Intérieur et de la Justice, qui ont porté sur le bilan et les perspectives de la coopération entre le gouvernement et le CNDH et ses délégations régionales.
L’Exécutif s’engage donc désormais à réagir aux plaintes que les citoyens adressent au CNDH et à ses commissions régionales sur tout le territoire national pour répondre à leurs attentes et clarifier les allégations d’éventuelles violations et d’établir la vérité.
A titre indicatif, le nombre des plaintes reçues par le CNDH et ses commissions, entre le 1er mars 2011 et le 31 mars 2012, a dépassé les 50.000 ! Elles seront donc toutes traitées par le gouvernement dans les plus brefs délais.
Avec de telles décisions, qui doivent encore aboutir (mais nul doute qu’elles aboutiront, le Roi y veillant personnellement), le Maroc fait d’une pierre deux coups.
D’une part, il réalise un saut qualitatif dans le domaine des droits de l’homme. Ce qui sera d’abord bénéfique au pays-même.
Et d’autre part, il se présente devant le Conseil de Sécurité (pour le rapport annuel sur le Sahara) et le Conseil des droits de l’homme (dont il est membre pour deux ans) avec deux nouveaux pas en avant –et des moins négligeables- coupant par là-même l’herbe sous les pieds de ceux qui concentrent leurs attaques sur la question des droits de l’homme.
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Flashs
*Dans une déclaration à la MAP, Driss El Yazami qui préside le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), se félicite «de l’adoption d’un projet de loi pleinement conforme aux dispositions de la Constitution de juillet 2011 et des principaux instruments du droit international des droits de l’Homme et à la jurisprudence accumulée en la matière par la communauté internationale».
*De Genève, l’experte suédoise, Al Kodra Alhir, a déclaré que le Maroc a conforté son registre dans le domaine des droits de l’Homme par des initiatives exceptionnelles à l’échelle arabe, en s’engageant en faveur de la réforme de la justice militaire et du traitement des plaintes soumises au Conseil national des droits de l’Homme.
*Pour le président du Centre d’études en droits humains et démocratie (CEDHD), Lahbib Belkouch, l’adoption du projet de loi relatif à la justice militaire constitue une «décision historique qui complète l’arsenal de protection des droits humains, respecte les engagements du Maroc et s’inscrit dans le cadre de la réforme déjà en cours du système judiciaire pour le mettre au diapason des nouvelles donnes constitutionnelles qui renforcent l’indépendance de la justice et consacrent le droit à un procès équitable garantissant l’ensemble des prérogatives inscrites dans les conventions internationales ratifiées par le Maroc».
*De leur côté, les Chioukhs et notables des tribus sahraouies à Laayoune se sont dit satisfaits de ces mesures importantes qui constituent une exception et un modèle à suivre dans le monde arabe et matérialisent l’engagement du Maroc sur la voie de la promotion et la protection de la culture des droits de l’Homme.
*Le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Casablanca, Omar Oudra, a dit avoir enregistré avec «satisfaction» l’adoption du projet de loi relatif à la justice militaire, dans lequel il voit «un pas vers l’abrogation de la justice d’exception qui n’existe plus dans les pays démocratiques».
*Pour le Président de l’association Droit et Justice, Me Reda Oulamine, l’adoption du projet de loi sur la justice militaire constitue «une bonne avancée pour le Maroc. Il y voit «visiblement, de la part des autorités, une volonté de faire progresser les choses en matière de justice militaire».
*Aux yeux de Mohamed Sebbar, secrétaire général du CNDH, une interaction régulière de l’exécutif avec les recommandations du Conseil est l’aboutissement d’un processus plus global de consolidation des mécanismes de surveillance des droits de l’Homme et d’extension du champ des libertés. Elle permettra de «surmonter les difficultés de communication avec les départements ministériels et de rendre possibles les enquêtes et différentes voies de recours».
(Avec la MAP)