Prince Moulay Hicham : Quelle contribution au débat ?

Prince Moulay Hicham

Le 4 avril dernier, le quotidien français «Le Monde» publiait un entretien avec le Prince Moulay Hicham intitulé: Le règne de Mohammed VI, «un rendez-vous raté avec l’Histoire».
Dans cet entretien, signé Isabelle Mandraud et réalisé à l’occasion de la sortie, annoncée pour cette semaine, d’un livre du Prince, édité par Grasset, dont le seul titre (Journal d’un prince banni) donne le ton, Moulay Hicham présente l’ouvrage comme «le couronnement» de sa «libre pensée» et dit vouloir «éclairer les gens, contribuer au débat» et «faire comprendre une partie de l’histoire contemporaine» de son pays… Focus.

Bien que quelques courts extraits aient déjà fuité ici et là, ne présumons pas du contenu de l’ouvrage dont la parution a été annoncée pour le 9 avril, mais qui aura vraisemblablement un ou deux jours de retard (selon ce qu’en a confié l’éditeur à l’un de ses confrères).
Limitons-nous à cette interview accordée au journal «Le Monde».
Cependant, comme d’habitude, lorsqu’il s’agit du Prince Moulay Hicham, nous nous trouvons devant un sacré dilemme. Où s’arrête la vie familiale du Prince, sur laquelle nous nous interdisons tout droit de regard, au nom du respect de la vie privée auquel a aussi droit la famille royale ? Et où commence sa vie politique qui nous interpelle parce qu’elle met en jeu notre pays et ses institutions et, de ce fait, nous autorise à entrer dans le débat ?
La difficulté vient du fil ténu qui sépare ces deux vies dans les propos de l’intéressé lui-même. Trop souvent, il donne l’impression, non pas de développer des idées politiques, mais de régler des comptes avec sa famille. Il n’est que de voir comment il a justifié ce livre à la journaliste qui lui a demandé pourquoi avoir décidé de le publier aujourd’hui, alors qu’il en a commencé l’écriture en 2007… Le Prince répond: «Dès le début des années 1990, j’ai peu à peu conquis ma liberté, ma liberté critique et ma liberté intellectuelle. Non seulement je l’ai conquise, mais je l’ai défendue bec et ongles. Ce livre est le couronnement de cette libre pensée à laquelle je suis très attaché. Petit à petit, j’ai subi une transformation qui m’a rendu étranger, non au Maroc, mais étranger à la famille et au milieu dans lesquels j’ai grandi».
Le titre-même du livre «Journal d’un Prince banni» ne renvoie pas à une idée politique, mais à son statut personnel de «Prince banni». «Journal d’un Prince libre» eût été plus approprié, si la liberté était son premier combat… Dans «Prince banni», il y a une connotation de dépit et de volonté de revanche.
C’est sans doute pour cela que les idées politiques défendues par le Prince Moulay Hicham sont sujettes à caution. Parfois excessives, parfois injustes et quelques fois troublantes.
Suivons ses développements politiques dans cette interview.
Son propos est troublant quand il parle de son rôle dans la vie politique marocaine. A la question: «Vous affirmez ne prétendre à aucun rôle, mais vous ne vous interdisez rien…», il répond: «C’est exact. On ne sait pas de quoi est fait l’avenir. Si l’occasion se présentait, j’apporterais ma contribution, mais je ne crois pas que cela viendra du Palais. Cela dépend de l’interaction de forces à un moment particulier : va-t-on vers un scénario de rupture, de changement apaisé ? Aucune idée ! Mais j’ai quitté ma maison, et je n’y reviendrai pas».
Sa tirade sur le Makhzen laisse pantois. Il n’y va pas de main morte lorsqu’il clame que «La mise à mort du Makhzen est indispensable», avant de le définir comme «un pouvoir néo-patrimonial qui empêche le développement économique, un système de prédation et de subjugation…». On croit entendre parler un enseignant universitaire occidental qui n’aurait qu’une connaissance livresque des réalités marocaines et qui ne saurait pas que pour le Marocain lambda, le Makhzen, c’est tout ce qui représente l’autorité de l’Etat. C’est donc aussi la Justice, la police, la gendarmerie, les forces auxiliaires, les préfets, les gouverneurs et même les agents de la municipalité du coin… Les mettre tous à mort ? Quelle est la démocratie qui a fait cela ?
Le Prince dit prêcher pour «la création d’un véritable Etat moderne, un Etat de droit». Et son propos est des plus excessifs et des plus injustes quand il analyse les progrès du Maroc dans ce sens, nuls à ses yeux. «Sous Hassan II, il y a eu une alternance avec un gouvernement socialiste coopté. Cela aurait pu mener à la démocratie. Or qu’a fait Mohammed VI ? Il a abandonné la logique démocratique pour un gouvernement de technocrates en 2002», a-t-il dit à la journaliste du quotidien «Le Monde», oubliant qu’à l’époque, ce choix avait été dicté par la volonté de barrer la route aux Islamistes dont personne ne voulait ; et que le gouvernement avait un technocrate à sa tête, Driss Jettou, mais était majoritairement constitué de partis politiques.
Personne ne voulait des Islamistes en ces années où les seules références de pays dirigés par les islamistes étaient celles de l’Iran des Mollah et l’Afghanistan des Talibans…
Mais, même en revenant à la logique démocratique, SM Mohammed VI n’a pas trouvé grâce aux yeux de son cousin qui a traité par le mépris la direction du gouvernement par l’Istiqlal, puis par le PJD. Et d’en arriver à une conclusion totalement erronée: «Hassan II avait trop de passion pour le métier de roi, ce qui l’a poussé vers l’absolutisme. Avec Mohammed VI, c’est le contraire : un manque de passion qui a fait que la démocratisation n’a pas abouti. Un même résultat avec deux personnalités différentes»… Le Roi Mohammed VI n’ayant pas de passion pour son métier de Roi ? Lui qui sillonne le pays, lançant des projets comme le Maroc n’en a jamais connu et qui s’échine, en deçà et au-delà des frontières pour booster le statut du Maroc ? Le Prince Moulay Hicham, qui s’est exilé aux Etats Unis depuis 2002, suit-il encore régulièrement l’actualité de son pays ?
Cette conclusion est non seulement erronée, mais aussi frappée au coin de la contradiction. Car il faut savoir: le Roi Mohammed VI est-il celui qui ne se passionne pas pour son métier de Roi, ou celui qui a installé une monarchie avec une constitution (c’est-à-dire une monarchie absolue) au lieu d’une monarchie constitutionnelle (régime démocratique) ?
Ne cessant de jouer les cassandres, le Prince dit «Rouge», après avoir affirmé qu’«il n’y a pas d’exception marocaine, il y a un avantage monarchique», ajoute: «C’est un système qui n’est pas entièrement fermé : il y a des vannes et des soupapes. Mais je pense que les soupapes ne sont pas assez grandes pour évacuer la pression. Le changement de génération, de classe moyenne, la récession en Europe, sont autant de nouveaux paramètres. La vraie exception, ce n’est pas le Maroc. La vraie exception du monde arabe, c’est la Tunisie et ça le reste. Mais la fascination pour l’autoritarisme dans la région s’est cassée. Le sentiment d’impuissance aussi».
Et pour couronner le tout, répondant à la dernière question de la journaliste, sur le conflit du Sahara, il remet une couche à propos de la démocratisation, faisant fi de l’Histoire de son pays et ignorant les enjeux réels de ce conflit. Il lance, doctement: «Le Maroc bute sur le Sahara parce qu’il n’a pas de projet de démocratisation. Le problème du Sahara est le même que celui du Maroc: au lieu d’engager les gens sur une base citoyenne, on les a engagés sur des bases clientélistes. Et le clientélisme ne donne rien. Cette décentralisation va forcément devoir intégrer des principes de droit international. Je veux m’en tenir là, parce que si je dis ‘autodétermination’, nous allons entrer dans des qualificatifs de ‘traître à la patrie’». L’erreur du clientélisme existe, certes, elle est l’héritage de l’ère Basri. Mais faut-il pour autant verser aussi inconsciemment dans les théories qui occultent le problème de l’intégrité territoriale du Maroc et l’instrumentalisation de ce dossier par ceux dont les motivations sont connues ?
La question reste la même: dans quelle mesure les positions que défend le Prince qui se dit «banni» sont-elles influencées par ce sentiment de bannissement ?
Dans ces conditions, quelle réelle contribution au débat ? Un débat biaisé à la base…
Moulay Hicham se plaint de ce qu’on s’acharne au Maroc contre lui. Mais qu’en est-il de son acharnement à lui contre son cousin, le Roi Mohammed VI ?
Un acharnement auquel les Marocains ne peuvent être indifférents, parce qu’il s’agit du chef de leur Etat.
Si le Prince Moulay Hicham va jusqu’au bout de son acharnement et publie son livre prétendu autobiographique, alors, il n’y aura plus rien à espérer de lui. Le livre passera… Les «voyeurs» des quatre coins du monde se régaleront de ce que le site Rue89 appelle déjà «le linge (très) sale de la famille»… Mais le point de non-retour aura été atteint et c’est affligeant !

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Bahia Amrani

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2 Commentaires

  1. Le pédagogue

    Le pédagogue :

    Pur produit du mkhzn, l’écrivain souligne que :
    La mise à mort du Makhzen est indispensable.
    C’est un pouvoir néo-patrimonial qui empêche le développement économique, un système de prédation et de subjugation. Il ne peut donc pas libérer les énergies économiques et donc il ne pourra pas, non plus, faire monter l’eau de la source. Le deuxième volet, c’est la création d’un véritable Etat moderne, un Etat de droit. Aujourd’hui, nous avons une monarchie avec une Constitution. Nous n’avons pas une monarchie constitutionnelle.

  2. Le pédagogue

    Le pédagogue:

    C’est un pur produit du mkhzn qui pense que:
    La mise à mort du Makhzen est indispensable, tranche-t-il sans autre forme de procès. C’est un pouvoir néo-patrimonial qui empêche le développement économique, un système de prédation et de subjugation. Il ne peut donc pas libérer les énergies économiques et donc il ne pourra pas, non plus, faire monter l’eau de la source. Le deuxième volet, c’est la création d’un véritable Etat moderne, un Etat de droit. Aujourd’hui, nous avons une monarchie avec une Constitution. Nous n’avons pas une monarchie constitutionnelle.

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