Les médias français se sont intéressés au vote des quelque 800.000 Algériens résidant en France et inscrits sur les listes…
Les caméras de télévision, notamment, ont filmé les lieux où les Algériens sont venus déposer leurs bulletins et ont interrogé les électeurs. Pour la plupart, ceux qui se sont exprimés l’ont fait en faveur du président Bouteflika, les opposants, peu loquaces, jetaient des regards un peu inquiets.
L’impression donnée était celle d’un vote joué et sous contrôle. On remarquait cependant un électorat âgé et l’absence de jeunes qui, interrogés dans la rue, manifestaient leur désillusion et leur condamnation d’un mandat de trop pour un président diminué. Tous ces éléments se retrouvent dans les analyses de la presse française.
Une presse cependant un peu frileuse, comme toujours, dans tout ce qui concerne l’Algérie, comme si au regard du passé commun, on était un peu disqualifié pour parler du présent. Il y a un complexe français vis-à-vis de l’Algérie qui perdure au-delà du raisonnable. Mais cette fois, tout de même, la situation a fait sortir les commentaires de leurs réserves.
Le Nouvel Observateur constate: «Souffrant encore des séquelles d’un AVC subi il y a un an, qui a réduit ses capacités d’élocution et de mobilité, le président sortant devrait malgré tout être réélu. Durant la campagne du 23 mars au 13 avril, les Algériens ont pu le voir à trois reprises à la télévision recevant de prestigieux invités. Sa maladie l’ayant empêché de mener lui-même cette campagne, il a chargé sept de ses proches de sillonner le pays pour convaincre les électeurs».
Le Monde souligne sur le vote en France: «Ils sont 815.000 inscrits sur les listes électorales. Mais c’est en fait très peu, rapporté à la taille de la diaspora forte d’environ 5 millions de personnes, selon l’Association internationale de la diaspora»…
Une coalition de cinq partis d’opposition appelle au boycottage du scrutin, plaidant en faveur d’une «transition démocratique», tandis que le mouvement Barakat («Ça suffit»), hostile à un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, juge que cette élection est «un non-événement».
Certains s’expriment vivement comme le relate encore Le Monde: « »On refuse d’être gouvernés par un mort-vivant, lance Samira, une étudiante de 27 ans. On n’a pas le choix: il faut s’opposer au quatrième mandat ». Victime d’un accident vasculaire cérébral en avril 2013, M. Bouteflika, 77 ans, laisse ses lieutenants faire campagne pour lui et son état de santé demeure un mystère. Aux yeux de Samira, Ali Benflis constitue la seule option crédible. Affilié au FLN, le parti au pouvoir depuis l’indépendance, cet homme du sérail se positionne désormais en »homme du changement »».
Libération propose un reportage très critique, «Voyage en Algérie, le pays qui a perdu toute espérance»:
«Kaddour Chouicha, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), professeur de génie civil à la fac d’Oran… explique que le pouvoir déroule sa propagande sécuritaire: »Voyez les événements de Ghardaïa [aux portes du Sahara, à 600 km d’Alger, la ville est le théâtre d’affrontements depuis décembre entre les communautés mozabites (berbères musulmans) et arabes, ndlr], c’est cela que vous voulez? Une situation sécuritaire instable? Un pays qui va se morceler comme en Libye? Le spectre syrien? Non. Eh bien votez pour la paix et la stabilité, votez Bouteflika », ironise cet ex-militant communiste qui dit se tenir à l’écart »de tous les appareils politiques d’opposition qui ont intégré que les élections ont toujours été truquées et s’arrangent de cette situation car la campagne est leur seul moment de prise de parole »».
Le Figaro note pour sa part des mécontentements également régionaux:
«Le président sortant peut s’appuyer sur le vote des habitants des campagnes qui se prononcent traditionnellement pour le candidat du pouvoir. Mais il devra compter cette fois avec les frustrations des électeurs de l’est du pays qui reprochent à l’État de favoriser l’ouest, la région d’origine du camp présidentiel dans la redistribution de l’argent de la rente des hydrocarbures.
De son côté, Ali Benflis, né à Batna dans les Aurès, espérait créer la surprise. Issu lui aussi du sérail, il se présente comme une alternative à l’immobilisme et entend réformer et démocratiser l’Algérie».
Les «printemps arabes» permettent au pouvoir de verrouiller au maximum une population qui ne veut pas voir le désordre s’installer. Une population qui garde en mémoire les violences qui ont coûté la vie à plus de 100.000 personnes pendant la «décennie noire» des années 1990. Elle tient à préserver la paix civile parachevée par Abdelaziz Bouteflika à la fin de l’insurrection islamiste.
L’immobilisme ne concerne pas en Algérie que l’Etat du président.
Patrice Zehr