Un mari au foyer, ce n’est pas normal !

Rajae, 35 ans, ingénieur, est mariée et mère d’un enfant. Dans la famille de cette jeune femme, un mari au foyer, ça ne se conçoit pas. Pourtant…

Elle raconte.

«Ce que tente de m’imposer ma famille est absolument déraisonnable. Ils ne conçoivent pas que mon choix de vie soit complètement assumé et que leurs diverses manipulations restent stériles. De cette tenace opposition, il en a découlé foule d’épreuves qui nous ont guidés maintenant vers une impasse.

Je me suis mariée, il y a six ans avec un jeune homme dont j’étais très éprise. Et je continue de l’être, bien que de cette évidence tout le monde se fiche pas mal. Cela faisait des années que nous nous fréquentions dans le secret absolu. Nous avions été camarades de classe, mais lui a dû abandonner ses études beaucoup trop tôt. Il avouait tout le temps qu’il se sentait trop nul pour continuer. Et puis, il faut dire que les enseignants ne lui ont rendu aucun service en le lui rappelant à tout bout de champ. Moi, j’ai été son contraire. Je considérais les études comme étant ma seule issue de secours de ce patelin et de son écrasante ambiance.

Je me suis donc bien accrochée et j’ai continué jusqu’à obtenir mon diplôme d’ingénieur. Mes parents, des agriculteurs, ne m’ont pas rendu la tâche facile. Mais, je crois qu’à ce jeu, j’ai été pire qu’eux. Ils ont fini par rendre les armes parce que mes résultats étaient toujours très impressionnants pour eux. Cela ne les empêchait pas d’être constamment furieux de devoir percer leur bas de laine pour me permettre un logement décent et tous les frais nécessaires à ma vie d’étudiante. J’avais aussi sur le dos, mes grands frangins parce qu’ils ne supportaient pas que leur petite sœurette échappe à leur contrôle. Mais au final, dans cette voie, tout s’est relativement bien passé pour moi.

J’ai été leur fierté lorsque j’ai réussi, mais beaucoup plus quand j’ai été embauchée. Leur jubilation avait cependant stoppé net lorsque je leur avais annoncé, peu de temps après, que je désirais fonder mon foyer avec le jeune homme que je n’avais jamais cessé de voir. Un volcan avait littéralement explosé. J’avais reçu un «non» catégorique. Pour eux, il était hors de question qu’une telle union puisse se faire un jour. Clairement, mon époux n’était pas le genre d’homme qu’ils espéraient pour moi, maintenant que j’étais diplômée et de surcroit titularisée dans un job. Il était désœuvré, vivant aux crochets de sa famille qui en plus n’était pas en bons termes avec la mienne et ce, depuis très longtemps.

Pour les forcer à accepter, j’avais dû inventer une grossesse. Je me souviendrai toute ma vie de la raclée qui m’avait été assénée par ma mère d’abord et par mon père ensuite. De toutes les façons, je m’étais préparée à cette possibilité. Franchement, il n’y avait que mes blessures corporelles qui m’avaient horriblement fait souffrir. En mon for intérieur, je savourais mon allégresse parce que ma ruse avait marché. Mon mariage a finalement eu lieu, mais vraiment sans grande fanfare. Mon époux savait aussi que jamais personne dans ma famille ne lui porterait de la considération. Pour eux, grossesse ou pas, il n’était qu’un vaurien qui ne me méritait pas, point barre. Et durant toutes ces années écoulées, ils ne changèrent pas d’avis à son sujet. D’ailleurs, maintenant, ils ne se gênent pas pour me pousser à divorcer, alors que j’ai un enfant de 3 ans.

Il me semble nécessaire d’avouer que mon couple est bien à l’opposé de ce qu’on peut rencontrer généralement chez nous. A la seule différence que mon chômeur de mari ne se roule pas les pouces ou passe ses journées au café. Il s’occupe de tout ce qui concerne la maison à ma place. D’ailleurs pour faire cesser les cancans, je lui avais avancé de quoi ouvrir un commerce. Il n’a malheureusement pas pu s’en sortir à cause d’une concurrence déloyale dans ce domaine. Ce ne sont pas excuses que j’ai inventées, puisque je l’ai aidé intensivement, sans résultats. Quand il a mis la clé sous la porte pour éviter un crédit inutile, il en a plu des vertes et des pas mûres. Heureusement que le tout a été mis aux oubliettes un moment parce que nous avons eu notre bébé. J’ai  énormément de chance d’avoir un mari aussi dévoué et responsable. C’est lui qui assure la relève auprès du bébé quand je suis au boulot. Sauf que si mon mari, mon enfant et moi-même vivons très bien cet état de choses, ce n’est pas le cas dans ma famille.

Je suis sans arrêt agressée par des réflexions imbuvables. La disponibilité de mon époux ne se gobe pas. On y décèle du malsain, de la malignité. On ne cesse de me rabâcher à quel point je peux être sotte d’accepter d’entretenir un paresseux qui n’a pas honte de sa situation. Quand j’ai tenté de prendre sa défense en rétorquant qu’on se trompait lourdement sur son compte, je n’ai fait que stimuler le conflit. Maintenant ma mère m’assure qu’elle serait prête à garder mon enfant. Mes sœurs me somment de me débarrasser de mon époux qu’elles considèrent comme étant un bon à rien qui ruine l’image de la famille aux yeux de tous. Quant à mon père, il a décidé de ne plus m’adresser la parole, ni de voir notre enfant tant que je n’aurais pas mis fin à mon mariage. Il raconte à tout va que mon époux déshonore toute la gente masculine et qu’il est de loin le pire des goujats qu’il connaisse.

Personne ne veut admettre que je n’ai ni envie de priver mon enfant de son père, ni de quitter mon époux qui est un homme adorable et vraiment sans histoires. D’autant que je ne trouve pas du tout d’indécence dans le fait que ce soit moi qui assure sur le plan financier et pas mon époux. Je suis complètement épuisée par les vains pourparlers. Je ne vois pas comment régler au mieux cette situation parce que je n’ai pas envie non plus de faire un très pénible choix qui m’obligerait à couper les ponts avec ma famille».

Mariem Bennani

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