Mali : Une guerre peut en cacher une autre

Mali contre les djihadistes

Au Mali, la France a fait la guerre contre les djihadistes pour sauver ce pays. Mais si la victoire militaire française est incontestable, le danger n’est pas définitivement écarté.

Pour sauver l’Etat malien, la France a fait la guerre au Mali contre les djihadistes. Cette guerre a repoussé les terroristes dans l’extrême nord du pays et dans des zones frontières mal contrôlées. La victoire militaire française incontestable reste partielle et le danger, s’il est amoindri et contenu, n’a pas été éradiqué.
Et voilà que la situation se complique encore! Face à la terreur imposée au nord par les émules d’Al-Qaïda, les noirs sédentaires au pouvoir à Tombouctou se sont appuyés sur les Touaregs contre lesquels ils luttaient depuis des décennies et qui, eux, rêvent cependant d’autonomie ou d’indépendance.

Les ennemis de mes ennemis sont devenus mes amis, mais ce genre d’alliance est forcément temporaire. Il semble que la réalité des rapports nord-sud ait été mal intégrée dans le logiciel de l’intervention française et, aujourd’hui, Paris se retrouve face à un nouveau risque de guerre.
Deux villes du nord du Mali, Kidal et Menaka, ont été prises par les rebelles touaregs, selon l’ONU. L’armée malienne a été facilement défaite et une vingtaine de ses soldats ont été tués. Les premiers combats ont éclaté le 17 mai à Kidal entre forces maliennes et groupes armés touaregs, à l’occasion d’une visite du Premier ministre, Moussa Mara. Environ 45 soldats français étaient présents, mais leur rôle s’est borné à assurer la sécurité du Premier ministre malien. Pour Bamako, des «groupes rebelles» touaregs sont responsables de l’attaque, mais avaient reçu le soutien de «terroristes d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et de narcotrafiquants».
Les dernières violences ont suscité à Bamako et dans plusieurs villes des réactions d’hostilité envers les forces françaises de l’opération Serval et les Casques bleus de la Minusma ne sont pas intervenus. Paris, qui avait l’intention de réduire ses effectifs déployés au Mali, dans le cadre de l’opération Serval, a annoncé le 21 mai l’envoi d’une centaine d’hommes supplémentaires.
La France s’est impliquée militairement dans le conflit, en janvier 2013, pour stopper puis repousser les djihadistes qui s’étaient emparés du nord du Mali après en avoir évincé leurs ex-alliés touaregs. Là aussi, bien sûr, l’alliance était de circonstance et aurait été temporaire si Aqmi s’était emparé du Mali.
Officiellement, l’opération française Serval a pour vocation de lutter contre les groupes terroristes et non d’intervenir dans les affaires maliennes, selon le Quai d’Orsay. «C’est aux Maliens qu’il appartient de mener à bien ce processus de dialogue pour parvenir à un accord de paix global et définitif, dans le respect de l’intégrité territoriale du pays», a-t-il ajouté, alors que les pourparlers entre Bamako et les groupes touaregs du nord sont au point mort depuis des mois. L’historique éclaire tout.
Depuis l’indépendance du Mali, en 1960, Kidal est le creuset des différents mouvements de la rébellion touarègue qui ont pris les armes pour contester l’autorité de Bamako sur cette région du nord-est du pays. En partant, le colonisateur confie les clés du pouvoir à l’élite locale, issue pour l’essentiel des tribus noires et sédentaires du sud, que méprisent les fiers guerriers nomades touaregs. Des «caporaux noirs», selon leur expression, remplacent les officiers français: les dominés d’hier deviennent les dominants. Pour aggraver ce choc de civilisation, le nouveau président du Mali est fortement imprégné de marxisme. Aussitôt, la jeune administration se comporte chez les touaregs du nord comme en pays conquis, muselant les revendications des hommes et maltraitant leurs femmes. En 1963, les victimes se rebellent. Le pouvoir échoue à neutraliser la résistance armée… Elle n’a jamais cessé.
En automne 2011, plusieurs factions -dont des groupes chassés par la guerre en Libye- se sont rassemblées au sein du MNLA pour déclencher une nouvelle offensive militaire contre les troupes de Bamako et arracher leur indépendance. Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que les services français ont cru pouvoir s’appuyer sur le MNLA pour conduire le combat contre Aqmi et récupérer les otages français du Sahel. L’allié a filé entre les doigts de ses protecteurs et, en janvier 2012, il s’est lancé dans une offensive contre l’armée malienne avec l’aide des islamistes.
Quelques mois plus tard, le MNLA était taillé en pièces par ses alliés de la veille et disparaissait de la scène malienne. Il devait y revenir en janvier 2013 à la faveur de l’opération Serval. La France interdisait alors à l’armée tchadienne de désarmer ses protégés et à l’armée malienne de reprendre pied à Kidal.
Une neutralité qui risque d’être vite intenable : le piège malien n’est peut-être pas là où on l’attendait.

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Patrice Zehr

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