Un très inquiétant dialogue de sourds

Commemoration du debarquement en normandie juin 2014

«Ils se parlent, mais ils ne s’entendent plus». Cette réflexion d’un diplomate concernait les présidents Obama et Poutine. Mais plus largement, elle peut s’appliquer aux relations entre les USA et leurs alliés, d’un côté, et à ceux de la Russie, de l’autre.

Pourtant ils se sont parlé en Normandie… Poutine et le président Ukrainien, Poutine et Obama… Le premier entretien presque normal -un progrès – le second glacial. Il ne faut surtout pas en conclure que cette courtoisie obligée est le début d’un dégel. Le président Hollande peut se féliciter cependant d’un frémissement et il a passé objectivement sa meilleure journée diplomatique et politique depuis longtemps.
Il n’y aurait pas eu de débarquement américain en Normandie, il y a 70 ans, si les Soviétiques n’avaient payé le prix le plus fort sur le front de l’est. C’est pourquoi l’invitation de Poutine aux cérémonies commémoratives était incontournable.

Cela étant, sa présence a souligné la gravité de la nouvelle fracture internationale, d’une sorte de nouvelle guerre froide qui s’est exposée à Paris, malgré les efforts du président français pour en atténuer l’image désastreuse. Le G8 est redevenu pour la première fois depuis 17 ans un G7. La réalité est là. Le président Obama a profité de l’occasion pour hausser le ton. Il voulait en réalité répondre aux critiques aux USA sur son impuissance face au retour de la Crimée à la Russie.
Intervenant devant une quarantaine de chefs d’État et de dirigeants réunis devant le château royal de Varsovie, pour célébrer le 25ème anniversaire des premières élections démocratiques en Pologne, le président américain a dénoncé «l’agression» de la Russie en Ukraine. «Nous n’accepterons jamais l’occupation de la Crimée par la Russie, ni les violations de la souveraineté de l’Ukraine», a-t-il averti. La veille, Barack Obama avait annoncé un plan de sécurité à un milliard de dollars «pour rassurer l’Europe», prévoyant le déploiement de nouvelles forces américaines, terrestres, aériennes et navales en Europe de l’Est.
La réponse de Poutine n’a pas tardé; elle a été cinglante. Elle représente le fond des choses, au-delà des gestes et des sourires de circonstance par la suite.
A plusieurs reprises, dans un entretien radio télévisé, Vladimir Poutine s’en est pris aux visées hégémoniques américaines, dont il a incité les Européens à se préserver. Il a souligné que «la politique la plus agressive, la plus sévère» était celle des Etats-Unis, évoquant l’existence de «bases militaires américaines partout dans le monde» qui «pèsent sur le destin d’autres peuples». Le président russe n’a pas manqué de rappeler le péché originel dans les relations récentes entre Washington et Moscou: les mensonges américains avant l’entrée en guerre en Irak, notamment la «poudre à laver» agitée au Conseil de sécurité des Nations Unies pour convaincre de l’existence des armes de destruction massive.
Il a également confirmé son soutien au régime syrien. «Ce qui nous inquiète, c’est que la Syrie devienne un deuxième Afghanistan: un nid de terroristes incontrôlables», a-t-il déclaré. «Nous tenons à conserver le pouvoir légitime, pour rendre la société plus moderne».
Allié du régime syrien, Moscou se félicite de la réélection de Bachar Al-Assad. La Russie considère que les Syriens ont fait le choix de «l’avenir du pays» en réélisant le président syrien, selon un porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch. «Il n’est pas possible d’ignorer l’opinion de millions de Syriens qui se sont rendus aux urnes malgré la menace (…) terroriste», a déclaré le porte-parole. «Nous n’avons pas de raisons de mettre en doute la légitimité de cette élection», a-t-il ajouté dans des déclarations retransmises à la télévision publique. Or, ce pouvoir n’est plus reconnu par les USA, ni par les Occidentaux.
Dans un communiqué publié après leur rencontre le 4 juin à Bruxelles, les dirigeants du G7 ont «dénoncé le simulacre d’élection» en Syrie. «Il n’y a pas d’avenir pour Al-Assad en Syrie», affirment en retour les Etats-Unis, le Canada, l’Allemagne, la France, le Japon, l’Italie et le Royaume-Uni, indiquant vouloir toujours voir s’appliquer le «Communiqué de Genève» qui appelait à la mise en place d’un gouvernement de transition.
Le président syrien Bachar Al-Assad a largement remporté l’élection présidentielle avec plus de 88,7% des suffrages. Dans un pays ravagé depuis trois ans par la guerre, 11,6 millions de personnes ont participé au scrutin, sur les 15,8 millions appelés à voter, selon le président du Parlement. Que va faire Al-Assad de sa victoire? Il devrait former un nouveau gouvernement, après sa prestation de serment prévue le 16 juillet, alors que sur le terrain, la reprise d’Alep, la deuxième ville du pays, est sa priorité. Favorables à une «réévaluation de la situation» avant même la présidentielle, certains pays, de leur côté, songent à renouer des contacts avec Damas. «Nous devons être réalistes, confie un dirigeant de l’opposition à l’extérieur. Nous ne sommes plus dans une optique de renversement du régime. Nous poussons à la tenue d’un Genève 3 ou d’une autre formule de négociations».
La crispation américano-russe ne facilite rien, ni en Syrie, ni en Ukraine, ni ailleurs. Et les gestes diplomatiques et mondains, un peu obligés, de Normandie, pour le moment, ne changent rien sur le fond.

La décision américaine s’inscrit dans la tradition d’amitié séculaire entre le Maroc et les États-Unis

Patrice Zehr

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