Ramadan : Y a-t-il une place pour les non jeûneurs?

Rue deserte maroc

Ramadan est là. «Ramadane moubarak», se souhaite-t-on un peu partout. Convaincus ou pas, c’est la formule qui revient chaque fois. Il y en a d’autres, certes, mais elles sont réservées à des gens plus sincères et plus convaincus dans cette affaire qui, au-delà de la croyance, est plutôt question de foi.

Ramadan, mois du jeûne et 4ème précepte de l’Islam, est un «pilier essentiel» de la religion et ce, pour différentes raisons. D’abord, il est cité dans toute sa grandeur dans le Coran, comme un mois sacré, le mois privilégié par Dieu et choisi d’ailleurs pour inspirer le Livre Saint. Ensuite, dans un Hadith, il est dit que Dieu souligne: «Toute l’œuvre de l’être humain lui appartient, sauf le jeûne. Il m’appartient et je récompense en conséquence». Enfin, il est dit, selon les us et coutumes, tout comme la sounna, que c’est le mois du pardon et de la générosité. Un mois plein de sens qui permet aux gens de se rapprocher et de sentir les malheurs et la misère des autres.
C’est le mois de la générosité, d’où d’ailleurs cette autre formule de souhait: «Ramadane karim». Une générosité que l’être manifeste même vis-à-vis de sa propre personne à travers l’humilité, le recueillement et la méditation.

C’est aussi le mois dont une nuit est sacrée (le 26 Ramadan au soir), la «Nuit sacrée» ou «Laylat Al Qadr», citée dans le Coran comme une nuit exceptionnelle où se libèrent anges et esprits et où tous les vœux sont exaucés… D’où les mosquées qui sont archi pleines pendant ce mois et le sont encore plus pendant cette nuit. On a l’impression que tout le monde fait sa prière, bien qu’il soit dit que près de 14% des Marocains ne la font pas.
Scientifiquement, médecins et diététiciens se sont toujours accordés à dire que ce mois est bénéfique pour la santé. Le «jeûne», de manière générale, est conseillé pour l’équilibre des métabolismes. Maintenu régulièrement, il aide à bien se sentir et se porter. La sounna préconise même de jeûner deux jours par semaine en dehors du Ramadan, une pratique qui a été récemment soutenue par des scientifiques.

Les non-jeûneurs et la loi

Il est pourtant certaines gens qui ne font pas le Ramadan. Bien sûr, comme le stipule la loi, on ne parlera pas de ceux qui sont dans l’obligation de manger pour des raisons de santé, d’âge ou autre. Ceux que même la religion autorise à cette pratique, parce qu’ils sont malades ou parce qu’ils entament un long périple. Le Coran souligne à cet effet: «Le jeûne vous a été prescrit comme il l’a été à ceux qui vous ont précédé. Pourvu que vous soyez vertueux. Pour quelques jours. Celui parmi vous qui est malade ou entame un voyage le fera un autre jour. Celui qui le fait volontairement le fait pour son bien. Jeûner est mieux pour vous si vous êtes croyant» (Sourat Al Baqara Ver.182 à 184). Donc, des gens entourés par la Clémence divine et qui sont ainsi autorisés à «transgresser» cette loi.
Cette volonté qui va au-delà de la foi et de la conviction, d’autres l’exploitent selon leur bon vouloir et dans le sens de ce qui les enchante, c’est-à-dire de ne pas observer le jeûne! Des non-jeûneurs attitrés et convaincus et qui font cela sans avoir aucune des excuses précitées.
Certains, moins courageux, plutôt hypocrites, accourent chez leur médecin et mangent sous prétexte qu’ils sont malades, hépatiques, ulcéreux ou diabétiques. Ceux-là ont quand même une excuse. Mais que dire de ceux qui le font en dépit des instructions religieuses, de la loi et des convenances sociales?
Depuis 2009, ces gens-là ont tendance à entrer dans l’ordre et à se cacher pour faire cela. Du moins, c’est ce qu’on voit puisque, depuis cette date, les non-jeûneurs -qui rompaient le jeûne en public-, se font plus discrets.
C’est à croire que ces gens ont compris que la religion, tout comme la société marocaine sont tolérantes et admettent que chacun fasse ce qu’il entend, sans toutefois que cela ne dérange ou nuise à la société entière, à sa quiétude, à ses croyances, à sa foi et à sa paix. «Si par malheur vous êtes atteint d’une tare, soyez discret». C’est ainsi que la religion traite ce genre de cas. En ce sens que la personne peut faire ce que bon lui semble, mais dans son intimité et loin des regards. Le contraire serait plutôt de la pire provocation.
Une provocation que la loi ne pardonne pas. L’article 222 du Code pénal marocain stipule d’ailleurs: «Tout individu connu pour son appartenance à l’Islam qui rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le Ramadan est passible de un à six mois d’emprisonnement et d’une amende…». Il est ainsi condamné pour «atteinte à l’ordre public». Ce qui laisse entendre le non respect des autres, puisqu’en temps de jeûne, tout mangeur en public fait preuve de manque de respect aux sentiments et aux convictions de ses concitoyens, surtout que dans la conscience collective, jeûner est un acte social plus que religieux et ne pas jeûner est plus répréhensible que de ne pas prier. Manger en public est passible d’une peine de 1 à 6 mois de prison,

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La société face aux exceptions

Il est ainsi évident que la majorité des Marocains, par conviction religieuse ou conformisme social, jeûnent pendant le Ramadan. Mais il faut reconnaître qu’il y a aussi des milliers de Marocains qui refusent de le faire, pour une raison ou une autre. Tant que ceux-là le feront discrètement, l’on dira que cela ne regarde qu’eux, pour renforcer cette idée de tolérance et de pardon. La tolérance qui a fait un grand pas!
Les étrangers et non musulmans vivants au Maroc respectent parfaitement la loi du pays d’accueil, sa religion et sa société dans ses traditions et ses convictions. De nos jours, même les Marocains sont plus pointilleux sur cela.
Depuis quatre ans déjà, on n’a plus entendu parler de «dé-jeûneurs» en public. C’est-à-dire, depuis la fameuse sortie, en septembre 2009, un jour de Ramadan, du Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (MALI).
Ce qui n’était pas une première! Puisque dans les années 60, un autre groupe de jeunes, dont des fils de ministres et de députés, s’était réuni dans un café à Rabat (Café Chergui), pour la même raison. La loi était déjà à l’époque intransigeante. C’est une lettre d’excuse qui a sauvé ce beau monde des poursuites judiciaires… C’est à croire que toutes les 40 années environ, certains pensent que le Ramadan et l’observation du jeûne ont fait leur temps! Mais ils ont vite compris que, à cause de la loi qui pénalise ceux qui s’aventurent à manger dans les lieux publics et d’une société très intransigeante quant à la pratique de ce rite religieux, leur place, pendant ce mois surtout, n’est pas dans les lieux publics et qu’ils n’ont qu’à se débrouiller dans la discrétion et à l’abri des regards des pratiquants. De la sorte et sans le vouloir, ils sont conformes aux prescriptions, notamment pour ce qui est de la discrétion et bien à leur place.

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Hamid Dades

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