Adil, 46 ans, fonctionnaire et divorcé depuis 18 ans, est père d’un garçon. La drogue s’est présentée dans sa vie et il ne sait pas comment faire pour s’en débarrasser.
«Je me suis marié il y a 10 ans avec celle que l’on m’avait choisie. Aux yeux de ma mère, de mes sœurs et de mes tantes maternelles c’était la seule, l’unique personne jugée digne d’être mon épouse, la mère de mes enfants et, surtout, de faire partie de notre famille. Je ne l’avais jamais fréquentée, ni vue. Je devais seulement obéir, un point c’est tout. Des petites amies, j’en avais toujours eu, même que j’en avais présenté quelques-unes à mes parents, mais ma mère ne souhaitait avoir aucune d’elles comme bru. Elle me répétait souvent que celle qui deviendrait un jour mon épouse, ce serait elle qui me la choisirait. Je la laissais dire ce qu’elle voulait, parce que je n’avais pas comme projet immédiat de me marier et de fonder une famille. Seules mes études comptaient.
Dès que je fus capable de gagner ma vie, on s’empressa de me présenter celle qui allait quelques mois plus tard devenir ma femme. Tout avait été arrangé dans le secret absolu. Il était impossible de tenir tête aux femmes de la maison et de refuser une pareille décision. Il faut reconnaître que j’avais accepté parce qu’à ce moment précis de ma vie, j’étais seul. Et puis, je trouvais la jeune fille en question jolie, douce et soumise. On ne m’avait pas laissé le temps de réfléchir. Je me retrouvai marié et obligé de vivre sous le même toit avec une parfaite inconnue. Étant donné que je ne pouvais changer le cours des choses, je préférais alors essayer de m’en accommoder. Peu à peu, nous avions appris à vivre ensemble. Hélas, je remarquais de jour en jour que je n’allais pas pouvoir faire semblant d’être heureux trop longtemps. Je redoutais aussi que le pire arrive… Il arriva quand même. Quelques mois plus tard, mon épouse m’annonçait qu’elle était enceinte. Je ne pouvais accueillir cette nouvelle avec joie parce que, pour moi, ce mariage était un ratage complet. L’arrivée d’un enfant ne pouvait en aucun cas arranger les choses. J’avais essayé de parler à ma mère de mes sentiments et de mes craintes, mais elle n’avait jamais rien voulu savoir et m’avait interdit de ré-aborder ce sujet qu’elle considérait comme une offense.
Que faire? J’allais être père et il était de mon devoir d’assumer ce nouveau statut. A ce stade, aucun membre de ma famille n’aurait jamais pu m’aider à me défaire de cette union. La venue d’un enfant relève du sacré, on ne badine pas chez nous avec la moralité et l’honneur de la famille.
Je n’en pouvais plus de sa présence à mes côtés et, pour ne pas faire souffrir cette femme qui portait mon enfant, je l’avais installée chez mes parents jusqu’à ce qu’elle accouche.
Cette décision n’avait plu à personne. J’avais mis tout le monde dans un grand embarras d’autant que ma femme, très contrariée de se voir délaissée, avait dû repartir dans sa famille. C’est d’ailleurs là-bas qu’elle a mis au monde notre enfant, un fils. Or, jamais je n’aurais pu imaginer que cette nouvelle allait me rendre heureux au point que je voulus tout de suite leur retirer mon enfant. Je voulais mon fils, ma chair et mon sang, mais je ne voulais plus être lié à sa mère. Il a fallu engager une grosse bataille juridique pour que je puisse le reprendre. Je finis par avoir gain de cause deux années plus tard, parce que mon ex-épouse se remariait.
Personne ne me croyait lorsque je disais que j’étais heureux pour elle. Ils continuent de ne pas me croire parce que je ne me suis jamais remarié. Pourtant, c’est la pure vérité, je ne suis pas attaché à cette femme que je n’ai jamais aimée et qui m’avait été imposée. Je lui avais causé assez de malheur comme ça. Et puis, ce qui me réjouissait le plus dans cette tournure du destin; c’était que j’allais enfin avoir mon fils pour moi tout seul. Il est toute ma vie, d’ailleurs. Depuis, je m’en suis toujours occupé seul. Pour lui, je n’ai jamais voulu fonder une nouvelle famille. J’étais persuadé qu’aucune autre femme que sa vraie mère ne l’aurait porté dans son cœur et qu’il pourrait même -qui sait- courir un danger… Les histoires d’héritage peuvent rendre criminel…
Je n’aurai jamais pu imaginer alors que le péril pouvait naître d’ailleurs. A son adolescence, mon fils, qui connaissait sa mère, se mit à vouloir me délaisser pour aller passer tous ses week-ends et toutes ses vacances scolaires chez elle.
Il venait me raconter que la vie chez elle était belle, intéressante, pas comparable avec celle qu’il avait avec moi; qu’avec ses autres demi-frères, il s’amusait et sortait beaucoup. Ces révélations me mettaient dans tous mes états. J’avais peur que mon fils ne soit sous l’influence de mauvaises fréquentations dans les parages. Ses résultats scolaires devenaient désastreux et je n’avais aucune possibilité d’engager une quelconque discussion avec la partie adverse. Je croyais aussi qu’on essayait de m’arracher mon fils par vengeance.
Au début, totalement aveuglé par mes obsessions et mes phobies, j’essayais de lui faire comprendre que cette vie, qui lui paraissait si jolie, n’était que de la poudre aux yeux. Il ne voulait rien entendre et, fatalement, il arrivait qu’il m’excède au point que je le frappe. Il m’abandonnait alors pour aller vite se cacher chez sa mère et se plaindre. Je n’arrivais pas à comprendre qu’il pouvait me trouver minable et jaloux, alors que je lui ai donné tant d’amour, tant d’attention et tout ce qu’il a toujours voulu. Un cruel ressentiment s’emparait de moi à cause de cette désastreuse situation.
Un soir, un coup de fil du beau-père de mon fils allait me permettre de comprendre d’où venait mon malheur. Le mari de mon ex-femme m’avait appelé et me sommait d’interdire définitivement à mon fils de leur rendre visite, sans quoi il se trouverait dans l’obligation d’aller porter plainte contre moi. Selon lui, mon fils avait appris à ses jeunes demi-frères à consommer de la drogue et à fumer des joints et qu’il dealait pour les mettre à sa merci. Il traitait mon fils de voleur parce que bon nombre d’objets précieux avaient disparu de sa maison. Pour cet homme, j’étais la cause de tous leurs actuels problèmes, aussi devais-je cesser immédiatement de pourrir leur vie avec mon chien de fils.
Le ciel me tombait sur la tête, je faillis m’évanouir: je ne pouvais croire en ce tissu de mensonges. Je voulus en avoir le cœur net pour défendre mon fils. Je trouvais une excuse pour lui faire des analyses sanguines. Les résultats, malheureusement, m’imposèrent une vérité insoutenable. Il fallait aussi expliquer à mon fils qu’il n’était plus le bienvenu chez sa mère parce qu’on l’accusait de vol. Je voyais mon fils mentir et jouer la comédie du calomnié pour cacher sa misère.
Il a très vite oublié sa mère et les accusations de son mari. Par contre, maintenant, il invente mille et un prétextes pour me soutirer chaque jour de l’argent. Je refuse une fois sur deux: j’ai conscience de l’usage qu’il en fait et j’essaye de limiter les dégâts d’une consommation excessive. Ce qui le pousse à ne pas avoir de retenue, ni d’orgueil pour aller en soutirer à tous les membres de la famille qu’il va visiter exprès pour ça. Je n’ose aborder le sujet avec lui tant que je n’ai pas trouvé une solution pour le sortir de cet enfer. Je passe des nuits blanches à me poser des questions pour savoir comment il en est arrivé là et pourquoi. Je suis terriblement abattu, je ne sais pas vers qui me tourner pour aider mon fils qui n’est pas près de se confier».
Mariem Bennani