Entretien avec Abdallah Bouanou, chef du groupe PJD à la Chambre des représentants
Pour Abdallah Bouanou, les prochaines échéances électorales doivent être démocratiques et transparentes. Il n’est donc pas question de revenir aux pratiques de 2009, «inadmissibles».
Quelles perspectives pour les prochaines échéances électorales?
Nous n’avons pas cessé, depuis 2012, d’évoquer ce dossier des élections, sachant qu’il y a des discours royaux qui appellent au parachèvement du chantier de la construction et de la mise en œuvre des institutions constitutionnelles, à leur tête bien sûr la Chambre des conseillers.
Est-ce que tout cela a été reporté?
Le chef de gouvernement a effectivement penché pour le report.
Et votre réaction?
Nous en avons effectivement discuté. Aujourd’hui, alors que nous sommes à une année des échéances électorales, nous avons (PJD) interrogé le gouvernement sur les préparatifs concernant ces échéances électorales.
Le chef de gouvernement l’a annoncé officiellement devant les parlementaires. Quelle a été votre réaction?
Nous avons effectivement pris note de l’annonce faite par le chef du gouvernement…
Et votre réaction ou vos remarques?
En fait, nous avons trois remarques. La première concerne le retard de cette opération. La seconde a trait au retard des préparatifs politiques pour discuter de nombre d’aspects, non seulement en ce qui concerne la régionalisation, mais également le chantier de l’ensemble des échéances électorales. La troisième et dernière remarque est que les préparatifs juridiques se poursuivent jusqu’à un mois avant les élections. Cet état de fait nous a beaucoup interpellés.
Le PJD s’est réuni, dit-on, pour en débattre…
Effectivement, nous avons tenu une réunion au PJD avec la participation de toutes ses institutions concernées, principalement le Secrétariat général et la Commission permanente chargée de ce dossier des réunions. Le retard des échéances électorales a été au centre du débat. Nous préparons activement une note sur ces rencontres et c’est sur la base de cette dernière que nous discuterons ce dossier électoral, en tant que Parti de la Justice et du développement (PJD) et veillerons à sa mise en œuvre.
Prévoyez-vous d’en débattre avec vos alliés de la majorité gouvernementale?
Nous avons effectivement prévu des consultations avec nos alliés de la majorité gouvernementale et, ensuite, avec les autres acteurs pour dégager une idée claire qui nous permettrait de participer à ces élections en connaissance de cause.
Qu’attendez-vous de ces prochaines échéances électorales?
En tout état de cause, ce qui nous importe au PJD, premièrement, c’est que ces élections soient frappées du sceau de la transparence et de la démocratie, en rupture totale avec ce qui s’est passé en 2009, en 2003 et en 1997. Spécialement pour ce qui a trait aux élections des collectivités territoriales. Deuxièmement, nous sommes obligés d’arriver à un consensus sur une plate-forme de réformes juridiques et organiques.
Quelles réformes plus particulièrement?
Il y en a des dizaines.
Un exemple concret ?
Il y a la nécessaire supervision des élections, le problème du seuil, le découpage électoral, les bureaux de vote, les listes électorales… Toutes ces thématiques seront au centre des concertations avec les partenaires politiques.
Il persiste cependant des doutes quant à la possibilité de mettre sur pied, dans les délais, l’arsenal juridique et législatif qui accompagnera ces élections. L’opposition émet des doutes…
Ecoutez, au PJD, nous avons soulevé ce point d’importance bien avant l’opposition. Nous avons une expérience, à savoir qu’après la Constitution que les Marocains ont approuvée en juillet 2011, nous avons entamé les élections en novembre, c’est-à-dire après moins de quatre mois et nous avons réussi à mettre sur pied et à faire adopter au Parlement cinq lois organiques, y compris la loi sur les collectivités territoriales que nous avons approuvée en octobre 2011. Nous accumulerons certainement du retard si nous suivons une chronologie, à savoir, passer de la mise en œuvre politique à la mise en œuvre juridique et autre. Plus particulièrement en ce qui concerne les listes électorales du fait qu’elles accuseront un retard qui ira vers la période entre janvier et avril 2015. Ce retard est donc inadmissible.
Que proposez-vous alors?
Nous proposerons ou appellerons à un nécessaire rééchelonnement concernant la mise en œuvre des lois.
Quelles sont vos chances de vous placer en bonne position lors des prochaines échéances électorales?
Aujourd’hui, nous ne lançons aucun défi de nous positionner aux premières lignes ou aux dernières.
Quel est alors votre challenge?
Pour parler franchement, notre challenge, je crois, c’est celui aussi de tous les Marocains et Marocaines: que les élections soient démocratiques, honnêtes, transparentes et bien entendu crédibles.
Quelle place dans ces élections?
La place nous importe peu. Au risque de me répéter, je dirais que ce qui nous importe au plus haut degré, c’est le non-retour à la mainmise, c’est l’égalité de tous les acteurs dans cette bataille électorale et la transparence.
L’opposition estime que vos mesures impopulaires diminuent vos chances de gagner ces élections et de rester donc aux commandes…
C’est leur point de vue.
Et le vôtre, alors?
Nous, au PJD, nous voyons les choses autrement. Nous disons à l’opposition que ces mesures qu’elle qualifie d’impopulaires ont été prises en fait dans l’intérêt du pays, de l’économie nationale et de la société marocaine. Nous pensons que le peuple nous jugera positivement. Je dis aussi que le plus important acquis, c’est la confiance du peuple marocain dans l’opération politique dans sa globalité. De ce fait, je considère qu’il faut prendre les mesures prises par le gouvernement, depuis le début de son mandat et jusqu’au jour du prochain scrutin, dans leur globalité, à savoir les volets social, économique et financier. A mon humble avis, je dirais qu’ainsi, le peuple marocain jugera notre action dans sa globalité.
Il y a cette sortie médiatique du chef de gouvernement et leader du PJD, Abdelilah Benkirane, qui a proposé au Parti Authenticité et Modernité (PAM) de se dissoudre, ce qui a provoqué la colère de ce parti…
Pour le chef de gouvernement, il s’agissait d’un simple conseil du fait que les composantes qui ont permis la formation de ce parti ne sont pas homogènes. Aussi, réitérai-je ce que je dis: nous ne voulons pas voir se rééditer ce qui s’est passé en 2009. C’est donc un appel au PAM pour qu’il se remette en cause et reconsidère sa vision des choses.
Et si ce 2009 que vous craignez est cloné, quelle sera votre réaction?
Je dirais très sévère… Je ne dirais pas plus forte qu’en 2009.
Est-ce que vous quitterez la scène politique, peut-être?
Nous? Quitter la scène politique? (Rires). Jamais de la vie! Nous ne sommes pas venus pour laisser l’autre l’occuper. Au contraire, nous combattrons toute tentative de mainmise avec tous les moyens juridiques et politiques et nous ne ménagerons aucun effort pour la combattre dans les montagnes, les villages et les villes pour mettre fin à cette mainmise.
Pourquoi craignez-vous tellement le PAM?
Le PAM ne nous fait pas peur, au contraire!
Votre réaction dit plutôt le contraire?
Ce qui nous fait peur, par contre, c’est notre pays, car ce qu’a fait ce parti en 2009 est le résultat de la sortie du mouvement du 20 février. Aujourd’hui encore, ce parti bouge; demandez aux partis politiques marocains: les manœuvres du PAM pour s’approprier ses éléments et comment il se comporte dans les villages et les campagnes et de quelle manière il use du reste de l’influence dont il a joui.
Vos alliés au sein de la majorité, partagent-ils votre façon de voir?
Nous n’en avons pas discuté pour savoir s’ils partagent ou non notre point de vue. Certains d’entre eux ont été victimes de cette mainmise et il est donc tout à fait naturel qu’ils la partagent tacitement.
Interview réalisée par Mohammed Nafaa