La France face au racisme et aux antiracismes

La France face au racisme et aux antiracismes

Manifestations contre le racisme en France – Juin 2020

La France, face au racisme, est skizophrène et parfois bipolaire. Pourtant les choses devraient être simples. La France est officiellement anti-raciste. Surtout, depuis qu’il a été décrété par le scientifiquement correct que les races n’existaient pas. Cette déclaration n’a bien sûr pas supprimé les racistes et semble avoir multiplié les antiracismes.

Personne ou presque ne se dit raciste en France et surtout pas ceux qui le sont, puisque cette opinion est considérée comme un délit et traîne devant les tribunaux. Cela n’empêche pas des sentiments ou comportements racistes, qui peut le nier ? Cela n’empêche pas le ressenti de discrimination de populations souvent de nationalité française, mais issues de l’immigration maghrébine ou africaine. Un sentiment qui est en hausse et qui dénonce le comportement de la police. La police, elle, reconnaît des brebis galeuses, mais s’affirme républicaine. La république, officiellement, c’est un universalisme qui reconnaît les mêmes droits à tout français quelle que soit sa couleur de peau ou sa religion. C’est ce qu’on appelle l’intégration qui a remplacé une assimilation devenue impossible et qui, elle-même, est en échec. La France ne peut reconnaître (contrairement à la GB ou aux USA) le communautarisme contraire à ses valeurs. C’est donc, dans ce pays, un problème très particulier.

Ce qui émerge dans l’actualité, c’est le militantisme efficace du comité Adama Traoré. Cela fait quatre ans que la famille d’Adama Traoré demande des éclaircissements sur sa mort lors de son interpellation. Une grande sœur charismatique, des militants expérimentés, des soutiens médiatiques: fort de quatre ans de mobilisation, le comité Adama Traoré est en France le fer de lance de la mobilisation contre les violences policières, revenue au premier plan depuis la mort de George Floyd aux USA. Le mouvement veut obtenir justice, ce qui bien évidement veut dire qu’ils exigent une décision de justice conforme à leur lecture de la mort d’Adama. La justice est sous pression. Elle le doit notamment à sa lenteur. Les années passent, aucune vérité ne s’impose, sauf un ressenti: on veut cacher la vérité pour protéger les policiers et les gendarmes auteurs d’une bavure raciste. Sur ce mouvement s’agglutinent des associations communautaristes ou d’extrême gauche. Un mouvement qui, au côté de l’extrême gauche, mène un combat de plus en plus politique avec un discours identitaire et victimaire de plus en plus affirmé.  Il y a aussi confusion des mémoires et des victimisations, mais une stratégie qui semble bien marcher. Derrière cette doctrine, dont les tenants se disent «antiracistes», «indigénistes» ou «décoloniaux», la notion de race fait son grand retour dans le débat public français. Elle semble même omniprésente parmi les jeunes générations. Dans la rhétorique progressiste, une nouvelle lutte des races s’imposerait à une lutte des classes qui semblerait vieillissante. La cible? Les «dominants» de la «France blanche» considérés comme privilégiés et on notera que les juifs y sont inclus comme blancs considérés parfois comme super privilégiés. Rien n’est simple dans le monde de l’antiracisme.  

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Les «décoloniaux», cette mouvance composite qui va du Parti des Indigènes de la République (PIR) au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) en passant par une kyrielle de microcollectifs, n’échappent pas à cette compléxité. Les politiques, les journalistes et les intellectuels en parlent de plus en plus souvent ; des porte-parole font des apparitions sur des plateaux télévisés où il est question de racisme, de discrimination ou d’islam. Mais tout se passe le plus souvent à mots couverts, dans une langue codée, un jeu de rôles auquel les militants décoloniaux se prêtent eux-mêmes volontiers, préférant souvent apparaître comme «militant associatif», «entrepreneur» ou encore «citoyen», plutôt que d’afficher explicitement leur raison sociale.

Tout cela procède dira t-on de bonnes intentions, mais attention danger.

 Les militants « décoloniaux » et leurs nouveaux alliés de la gauche multiculturaliste veulent, pour certains, en finir avec l’Occident, son Histoire, sa civilisation et ce qu’elle représente. Comme du temps du communisme, il s’agit de détruire un ancien monde dominant, de faire « table rase du passé » et de construire un avenir radieux, décolonisé, antiraciste, mais « racialisé » où la vigilance idéologique sera assurée par la police de la pensée. En politique, l’enfer est pavé des meilleures intentions. Relire d’urgence « 1984 » (Orwell) ou « Le meilleur des mondes » (Huxley).  Au Royaume-Uni, c’est désormais l’amiral Nelson, le vainqueur de Napoléon à Trafalgar, dont la statue trône en haut de la place du même nom, qui est dans le collimateur, de même que Churchill, la révérée icône de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi le chantre de l’Empire britannique. En France, après Colbert, ce sera bientôt au tour de Victor Hugo et du général de Gaulle. Souiller, déboulonner des statues, changer le nom des rues, changer le passé au nom des valeurs du présent, c’est un débat en France et dans tout le monde occidental, dans certaines sphères politico-médiatiques. Si loin des préoccupations de l’immense majorité de la population. Ceux qui luttent à juste titre contre la discrimination, prennent le risque de s’exclure encore plus. Mais c’est peut-être l’un de leurs objectifs dénoncés par le Président Macron, un séparatisme. On serait alors bien loin du simple combat antiraciste.

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Patrice Zehr

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