Ghali, 72 ans, retraité, est marié et père de deux enfants. Cet homme qui vit dans une petite ville, voit dans la crise sanitaire un point positif: la quasi-disparition de la mafia des faux mendiants.
«De quoi parler sinon encore et encore de ce qui se passe en cette période de coronavirus. Bien qu’il soit invisible à l’œil nu, il nous en fait voir de toutes sortes. A cause lui, l’ambiance planétaire est mise sens dessus-dessous. Et ce n’est pas peu dire qu’en l’espace de quelques mois, il a foutu la pagaille dans toute planification, secteurs, bureaux, brisé des familles et ruiné de nombreux secteurs d’activités. Tant et si bien que tous, nous espérons «le» miracle pour un retour à la normale. La gravité de cette situation fait peur et plombe le moral.
L’insolite bienfait dans le glauque, c’est que la lutte acharnée pour limiter la propagation du virus a cloué aussi l’activité d’une mafia très récalcitrante. Il s’agit ni plus ni moins d’un des fléaux de notre société qui se nomme: mendicité. Franchement, de ce côté le rêve est que cela perdure avec ou sans la pandémie.
Moi, j’habite une ville de la province située non loin des capitales du Royaume. Je suis un papi à la retraite, et ce Covid-19 ne change pas beaucoup ma routine. Je fais tout comme avant sauf que par précaution, j’évite la foule et je m’en tiens rigoureusement aux consignes. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde ici, mais à chacun sa part de conscience. Je jure que la distanciation sociale est restée maintenue chez nous, malgré la levée du confinement. Il n’y a que mes enfants et mes petits-enfants qui ont été les bienvenus à la maison.
Eux-mêmes, continuent de s’abstenir de va et vient comme ils le faisaient avant. Bien sûr, nous restons en contact illimité grâce à internet. Ma femme et moi, on adore! Il me semble que nous avons eu raison, vu la montée en flèche des cas de contamination. Quoiqu’on en dise, ça ne rigole pas avec ce virus bizarroïde. Et puis à bien y réfléchir, qu’importe tout ce qui circule à son sujet comme infos scientifiques et leur contraire. L’idée de se retrouver dans un camp pour recevoir des soins, est à elle seule un puissant argument pour ne pas cesser de se prémunir.
Pour le moment j’ai zappé de mon planning quotidien, le papotage avec les amis, le rituel du café pris à la terrasse, les courses au supermarché, le souk, et même la salle de sport. Je leur préfère ma maison ainsi que tout espace commercial aéré et peu fréquenté. Je fuis comme la peste l’éventualité de me trouver au coude à coude avec des tordus ou avec des rebelles.
Pour comprendre entre autre ce pourquoi je garde mes distances, je peux citer l’exemple ceux qui portent un masque médical pour professionnels de la santé qui coûte bonbon seulement lorsqu’ils montent en voiture… Ils ne se désinfectent pas les mains et ils fricotant sans retenue avec tout le monde. Mais conduire sans «l’kmama du chirurgien très très chère» pas question! Sidérant, non? Attention, mon âge avancé ne m’a pas encore rendu sot.
Bref, aussi pour continuer de me maintenir en forme, je marche. Ca me plait beaucoup, je ne saurais mieux expliquer ce bonheur de respirer un air tellement moins pollué! La réduction massive du trafic routier en est l’explication la plus évidente. Quant au port du masque, tous les conducteurs l’on adopté. Là, on ne va pas se mentir, nous savons tous pourquoi ! Le coup de sifflet de l’agent de police est dissuasif !
Pareil pour les quelques passants qui se trouvent sur mon chemin. L’absolument navrant étant la monotonie ambiante que les rideaux fermés de nombreuses boutiques accentue.
Ce qui est frappant aussi, c’est la disparition totale de ces pauvres tarés ou clochards qui ont pour habitude d’errer sur la voie publique. Vraiment, il n’y en a plus du tout.
En revanche, je ne me suis pas inquiété de l’absence d’un type très particulier de mendiants qui s’improvisent de force en gardiens de voiture. Je les hais tous ces vauriens!
Les vraies personnes indigentes, malgré leur condition, ne se comporteront jamais de la sorte. Par dignité, elles préfèreront proposer n’importe quoi à vendre ou bosseront même pour trois sous, plutôt que de tendre la main.
Par contre ces racketeurs qui déambulent partout, ils s’accrochent à vous comme la glue. Et le pire, c’est que cette calamité est devenue agressive, business oblige! Malheur, à celui qui ne cède pas à leur cinéma. Ma pauvre belle-fille a été agressée pour avoir résisté au quémandage d’un voyou qui se faisait passer pour gardien de voiture.
Beaucoup de commerçants peuvent témoigner de leurs échanges avec cette mafia… Du moins, avant le confinement.
Un épicier, pas loin de la gare, m’a raconté qu’il voyait déambuler tous les matins et tous les soirs le staff de la mendicité. Selon lui, tous arrivaient et repartaient correctement habillés. Jeunes ou vieux avec enfants ou pas, une fois déguisés, ils devenaient méconnaissables.
Chacun, tous les jours, pouvait échanger contre des billets, entre 200 et 400 pièces de monnaie ! Il m’a dit que les disputes entre eux levaient toujours le voile sur leur provenance et leur vraie identité.
En majorité, ils débarquent de la capitale. Ils sont organisés pour quadriller la ville. A chacun son secteur et ils rackettent les pauvres gens à leur manière. Nombreux sont même propriétaires de maison et ne sont absolument pas dans l’indigence.
Je l’ai cru volontiers, parce que j’avais moi-même déjà été accosté par un mendiant que j’ai vu plus tard partir au volant d’une voiture.
Ok pour aider les nécessiteux, mais pas ceux-là ! Heureusement, je n’en vois plus beaucoup, voire pas du tout… Sans le confinement partiel et le contrôle des autorisations pour circuler, ces bandits en seraient encore à nous plumer».
Mariem Bennani