FMDH : Fête et boycott

Aminatou haidar

La deuxième édition du Forum mondial des droits de l’homme (FMDH) se tient à Marrakech, du 27 au 30 novembre.
En principe, cet immense évènement que le Maroc est le 2ème pays à accueillir, après le Brésil l’année dernière (décembre 2013), est une rencontre internationale qui réunit 5.000 participants de 94 pays et qui doit faire le point des droits de l’Homme, dans le monde, pour en évaluer les avancées et les insuffisances, voire les régressions.
La majorité des participants –pour qui la portée internationale de la rencontre est une évidence- s’est donné rendez-vous à Marrakech, afin de célébrer les droits de l’Homme dans l’intelligence, la réflexion, l’échange…
Quand d’autres n’ont voulu y voir qu’un événement se tenant au Maroc et ne concernant que le seul Maroc. Aussi, chacun pour ses raisons propres, en ont-ils décidé le boycott.
Boycott des séparatistes du Sahara, qui ont changé de stratégie après avoir frénétiquement réclamé la participation.
Boycott de certains fonctionnaires internationaux dont le soutien aux séparatistes est de moins en moins contenu.
Boycott, enfin, d’ONG marocaines d’extrême gauche, connues pour leur «front du refus» systématique (l’AMDH, notamment).

Les droits de l’Homme qui sont au centre de cette grand-messe de Marrakech, posent-ils les mêmes exigences à tous les pays, quelles que soient les circonstances et les époques ?
A priori, la réponse est oui.
Cependant, la réalité –si différente d’un pays à l’autre- montre qu’il n’en est rien. C’est ce que soutiennent les pays se qualifiant de «démocraties en construction»… Dont le Maroc.
Pour ces pays, il est évident que l’on ne peut pas avoir la même intransigeance envers les démocraties occidentales -globalement données en exemple en matière de respect des droits de l’Homme- qu’envers eux-mêmes où l’Etat de droit est encore davantage un objectif qu’une réalité.

D’autant que le strict respect des droits de l’Homme devient difficile lorsque se pose le problème de l’atteinte à la sécurité de l’Etat, ou celui de l’intégrité territoriale… Sans parler des problèmes de communautés ou de races.
Tous les Etats le constatent aujourd’hui, bien malgré eux. Il est difficile de respecter rigoureusement les droits de l’Homme lorsqu’on fait face au terrorisme des jihadistes, ou à toute autre violence, qu’elle explose pour des raisons politiques ou sociales (cas, il n’y a pas longtemps, de vandalisme dans les banlieues de France, ou plus récemment de clash racial aux Etats Unis, à Ferguson).
Indulgence signifie-t-elle pour autant laxisme ?
Les démocraties en construction s’en défendent.

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Le Maroc mérite-t-il cet honneur ?

Le Maroc, qui s’enorgueillit d’abriter, au nom du continent africain, la deuxième édition du Forum mondial des droits de l’homme (FMDH) -la première ayant eu lieu en Amérique latine, au Brésil, en décembre 2013- mérite-t-il d’avoir été choisi pour cela ?
Les organisateurs du Forum ont, certes, expliqué le chemin parcouru par le Royaume, depuis la mise en place, en 2004, de l’Instance équité et réconciliation (IER) qui a eu pour objectif de tourner la page des années dites de plomb, jusqu’à la Constitution de juillet 2011 ; en passant par le Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH) qui a été remplacé par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), la réforme du code du statut personnel (Moudouwana)… Ils ont rappelé la création et le rôle de l’Instance centrale de prévention contre la corruption (ICPC), du Conseil économique, social et environnemental (CESE), du Conseil de la concurrence et de tout l’arsenal institutionnel et juridique destiné à rapprocher le processus de démocratisation du Maroc des standards internationaux (y compris en matière d’immigration avec la régularisation des sans-papiers, ou de Justice avec la fin des procès de civils devant les tribunaux militaires).
Pour autant, ils n’en ont pas moins rappelé que la tâche était loin d’être achevée et que des occasions, comme celle qu’offre cette semaine le FMDH, permettaient justement de mettre à plat les idées, d’en débattre et de sortir avec des objectifs précis.
Interrogé sur le boycott du Forum par quelques associations, le Président du CNDH, Driss El Yazami, a répondu en substance que s’il fallait attendre que tous les problèmes soient résolus en matière de droits de l’Homme pour tenir un Forum, il n’y en aurait pas… et qu’il fallait au contraire profiter de ce genre de rencontres pour exprimer son point de vue.

L’occasion de s’exprimer…

C’est ce que certaines associations ont fait. Ainsi, par exemple, le «Forum Marocain Vérité et Justice» et le «Comité de coordination des familles des disparus et des victimes de la disparition forcée au Maroc» ont saisi l’occasion du FMDH pour rendre public un communiqué exprimant leur position sur les droits de l’Homme. Pour eux, «La vérité est toujours absente… notamment sur le sort des disparus (…), l’impunité dont jouissent les criminels demeure la règle absolue, les droits humains sont à nos jours sérieusement malmenés et les associations des droits humains dans notre pays sont systématiquement et méthodiquement entravées dans leurs activités». Ils rappellent donc leurs revendications, dont, entre autres: «la ratification intégrale du protocole international concernant la disparition forcée ; la divulgation du sort de tous les disparus y compris ceux des présumés décédés sous la torture dans les centres de détention clandestins et la vérité sur toutes les conditions de perpétration de ces crimes ; l’ouverture des archives aux victimes, à leurs familles et aux historiens et chercheurs ; l’adaptation de la législation nationale aux conventions et au droit international concernant les droits humains afin de se prémunir contre toute répétition…».

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Les boycotteurs

D’autres, par contre, ont maintenu leur boycott.

Il s’agit de l’AMDH (Association marocaine des droits humains) qui a publié un communiqué, au lendemain d’une réunion de son bureau, le 15 novembre dernier, expliquant les raisons de ce boycott décidé «après avoir constaté… le refus de l’Etat de répondre à la demande d’assainissement du climat politique avant la tenue du forum, pis encore, après avoir enregistré la poursuite de l’agression à l’encontre des défenseurs des droits humains ; et suite à son constat de la volonté des organisateurs du forum de marginaliser les organisations des droits humains et de ne pas prendre en considération leurs propositions et projets ; et suite à l’opacité délibérée et à l’absence de transparence concernant les programmes et la gestion».
Puis de la Ligue marocaine de défense des droits humains (LMDDH) qui a également annoncé sa non-participation au forum, dénonçant «l’absence d’un climat de confiance et les entraves à l’organisation d’activités associatives dans des espaces publics».
De leur côté, les associations sahraouies prônant le séparatisme (comme CODESA que dirige Aminatou Haidar), après avoir insisté pour participer, ont annoncé à leur tour leur boycott.
Dans un communiqué, elles ont expliqué qu’elles avaient envoyé leurs demandes entre le 5 et le 13 novembre ; que le 18 novembre, quatre d’entre elles (dont CODESA) ont reçu «un même message leur notifiant l’acceptation de leurs demandes de participation d’une manière ambiguë et pas claire» ; que les autres «n’ont pas eu de réponse»… Et, dans la droite ligne de leur instrumentalisation du dossier du Sahara, faisant le lien entre la question du Sahara et le Forum, elles ont annoncé qu’elles ne participeraient pas au FMDH de Marrakech.
La fête pour les uns, la chaise vide pour les autres. Une chose est sûre, les absents ont toujours tort.

BA

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