Baha, mort en ministre d’Etat ?

Les circonstances dans lesquelles est survenue la mort du ministre d’Etat, Abdellah Baha, ont frappé de stupeur tous ceux qui en ont pris connaissance, ce dimanche 7 décembre. Et pour cause… Elles sont des plus consternantes. Tragiques et douloureuses, mais consternantes.
Abdellah Baha, «Numéro 2» du gouvernement ; plus que compagnon de route et homme de confiance: l’alter ego du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane ; l’homme du consensus, devenu central au sein du parti qui dirige la majorité, le PJD (Parti Justice et Développement) ; le sage parmi les sages, mort percuté par un train, alors qu’il s’apprêtait à traverser la voie ferrée à pied ?!
Non, certes, cette mort ne peut être celle d’un homme de cette envergure intellectuelle et politique.
Que s’est-il passé alors ?
Il arrive, de temps à autre –ce qui est déjà inadmissible et déplorable- que le train percute un passant imprudent ou inconscient, généralement du monde rural, qui s’engage sur la voie, sans réaliser le danger qu’il court…

Mais Abdellah Baha ? La matière grise du parti ? L’inséparable conseiller et consultant du chef de gouvernement ? Celui qui n’est ni ignare, ni inconscient ? Se retrouver sur une voie ferrée, à pied, à la tombée du jour, un dimanche, au passage d’un train ? Voilà qui justifie, pour le moins, la stupeur et la consternation.
Les messages laconiques du ministère de l’Intérieur, annonçant le drame, n’étaient pas pour dissiper le mystère: «Décès de M. Abdellah Baha, ministre d’Etat, dans un accident ferroviaire dans la région de Bouznika», indiquait un premier tweet de la MAP, répercutant les informations données par le ministère. Puis un deuxième tweet ajoutait: «La gendarmerie a ouvert immédiatement une enquête pour déterminer les circonstances exactes de l’accident». Aucune autre précision, les heures suivantes, n’était venue lever le voile sur cette tragédie. L’attente a duré jusqu’au lendemain.
Entre temps, les rumeurs les plus folles couraient…
Ce qui était clair, c’est qu’en tant qu’islamiste exemplaire, Abdellah Baha ne pouvait être soupçonné de rien. Pas même d’avoir voulu attenter à sa vie. En aucun cas, l’hypothèse du suicide, qui figure parmi les interdits de l’Islam, ne pouvait être retenue. Alors quoi ? Pourquoi le ministre d’Etat était-il à cet endroit désert, à mi-chemin entre Casablanca et Rabat la capitale où il réside et où, une heure auparavant, il venait de déposer sa fille à la maison ?
A cette question, personne ne pourra jamais répondre, Feu Abdellah Baha aura emporté avec lui le fin mot de ses motivations.
Certains médias ont avancé qu’il aurait eu l’intention d’aller voir l’endroit où était mort noyé le député usfpéiste Ahmed Zaïdi, un mois auparavant. D’où sa présence à quelques mètres de là.
Des sources plus crédibles ont indiqué qu’il était en ces lieux de Bouznika pour inspecter les dégâts des inondations.
Compte tenu de la nature de l’homme et de sa conscience professionnelle, c’est l’hypothèse la plus probable.
Assurément, Abdellah Baha ne méritait pas cette mort, bien que s’il avait pu être là pour la commenter, il aurait dit qu’on ne discute pas la volonté de Dieu. Non, ce n’est pas ainsi que finissent les hommes de sa stature…
Mais, si dans la forme, sa mort n’a pas été celle d’un ministre d’Etat. Dans le fond, elle l’a bel et bien été et même plus que cela ! Cet homme simple est mort en allant s’enquérir des intempéries qui ont frappé son pays et causé tant de pertes humaines et matérielles. Des pertes dont il ne savait pas –ironie du sort- que, par malchance (le train aurait pu ne pas passer à ce moment-là), elles allaient inclure sa vie également. Combien d’hommes politiques se déplacent sur le terrain, à leurs heures perdues, un dimanche soir, pour constater de visu ce qui leur est rapporté des catastrophes naturelles que leur pays a subies ? Ou même pour se recueillir sur l’âme d’un camarade disparu ? Le reste était écrit, comme disent les croyants. Mais l’imprudence (ou le mauvais concours de circonstances) n’enlève rien à l’hommage qui doit être rendu à sa mémoire. La disparition de Abdellah Baha, comme l’a dit le Roi, est une grosse perte pour le pays autant que pour les siens. A savoir, du reste, quel impact elle aura sur la vie politique ? Outre ses plus proches membres de la famille, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, sera celui qui la ressentira le plus. C’était, si l’on peut dire, son autre lui-même… Un important élément d’équilibre, de régulation… Ceux qui connaissent les deux hommes et savent l’étroitesse des liens qui les liaient ainsi que leur interdépendance, se demandent comment ce vide sera comblé ? C’est désormais le plus grand défi de Abdelilah Benkirane.

Le Maroc, en période pré-électorale

Bahia Amrani

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