Le violent démantèlement par la police, lundi à Paris, d’un campement de migrants, a suscité mardi une levée de boucliers de l’opposition, de syndicats et d’associations qui ont fustigé une « dérive liberticide ».
Plusieurs centaines de migrants, en majorité afghans, et leurs soutiens, avaient installé lundi soir des tentes place de la République, dans le centre de la capitale, pour réclamer des places d’hébergement d’urgence. À peine une heure après, les forces de l’ordre ont commencé à enlever une partie des tentes, parfois avec des exilés encore à l’intérieur, sous les cris et huées de militants et de migrants.
Et c’est finalement sous les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement que quelques centaines d’exilés et leurs soutiens ont finalement été dispersés par les forces de l’ordre dans les rues de l’hypercentre de Paris.
Des journalistes ont rapporté avoir eux aussi été victimes de violences de la part des forces de l’ordre alors même que les médias dénoncent une proposition de loi en discussion au parlement revenant, selon eux, à entraver la liberté d’information et d’expression.
« On est là pour montrer qu’on n’a nulle part où aller. On ne veut pas vivre comme des animaux, on est juste venus demander l’asile », confiait lundi soir à l’AFP Murtaza, un Afghan de 20 ans.
La violence des événements a suscité une vague d’indignation, jusque dans les rangs de la majorité.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé mardi avoir demandé à l’IGPN, la « police des polices », de « remettre ses conclusions sous 48 heures ». Dans la nuit, il avait évoqué des images « choquantes ».
Parmi les faits soumis à l’examen de l’IGPN figurent les coups reçus par un journaliste du média en ligne Brut, qui a affirmé avoir été « molesté à plusieurs reprises par un policier », ainsi qu’un croche-pied à un migrant.
Une enquête a été ouverte pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique » à la suite de ce croche-pied, a appris l’AFP auprès du parquet de Paris.
Après l’évacuation la semaine dernière d’un camp insalubre de migrants près de Paris, plus de 3000 personnes avaient bénéficié d’une mise à l’abri. Mais selon les associations, entre 500 et un millier d’exilés ont été « laissés sur le carreau ».
Les ministres de la Citoyenneté Marlène Schiappa et du Logement Emmanuelle Wargon ont demandé mardi leur prise en charge « sans délai ».
Gauche et écologistes ont dénoncé des « images insupportables » du démantèlement.
« Les images sont extrêmement choquantes, on a vu des violences vis-à-vis de réfugiés en situation extrêmement difficile », a critiqué l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot, évoquant une « dérive liberticide dangereuse ».
« J’ai trouvé cela scandaleux, hallucinant, les gens occupent pacifiquement une place avec des tentes, ils ne font de mal à personne, tout simplement parce qu’ils ont un problème de logement, il n’y a pas de solution de relogement et il y a une intervention qui est totalement disproportionnée », a déclaré le leader du syndicat, CFDT Laurent Berger.
Pour Philippe Martinez, chef du syndicat CGT, « c’est une façon de faire scandaleuse » qui « pose la question de l’accueil des migrants » qui « sont déplacés, chassés ». « Quand on les traite comme ça, c’est digne d’un pays qui n’est pas la France ».
Le chef de file des députés Insoumis (gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon a dénoncé « des moyens d’une sauvagerie exceptionnelle » déployés, selon lui, par les forces de l’ordre. Il a demandé de « suspendre » le vote à l’Assemblée de la proposition de loi « sécurité globale », dénonçant à nouveau un article particulièrement controversé du texte qui pénalise la diffusion présumée « malveillante » de l’image de policiers.
Le député a fustigé le ministre de l’Intérieur: « C’est lui qui est responsable de tout ça, il se lève le matin et est choqué par des images, et veut l’après-midi interdire la possibilité de faire des images ».
« C’est un gouvernement qui perd les pédales dans son rapport aux libertés publiques, à l’éthique », a renchéri le porte-parole du parti socialiste, Boris Vallaud.
Droite et extrême droite ont au contraire apporté leur soutien aux forces de l’ordre et au préfet.
LR/AFP