La plus grande campagne de vaccination dans l’histoire du Maroc est sur le point d’être entamée. Dix mois à peine après l’apparition du virus lié à la pandémie du nouveau coronavirus, le Maroc s’apprête à injecter ses premières doses de vaccin anti-covid très procahinement.
Le Maroc a depuis quelques jours intensifié sa préparation de cette campagne de vaccination exceptionnelle. Selon nos informations, depuis quelques jours, un comité logistique s’est mis à évaluer les moyens logistiques disponibles pour garantir la qualité du vaccin dès son arrivée sur le terrain national. «C’est un chantier immense, ce chantier de la vaccination. L’exécutif avait besoin d’assurer des super-congélateurs pour stocker le produit, lequel doit être maintenu à – 80 degrés», soulignent des sources médicales.
Selon ces mêmes sources, «Si tout marche comme c’est prévu par le plan mis en place pour concrétiser cette campagne de vaccination d’envergure, le Maroc pourrait théoriquement vacciner 80 % de sa population, soit plus de 20 millions de Marocains, avec deux doses pour chaque personne».
Les premières livraisons sont déjà arrivées au Maroc, avec un million de doses prodiguées par le groupe Sinopharm. D’autres livraisons vont arriver via neuf vols pour atteindre dix millions de doses prévues par l’accord conclu avec ce groupe chinois. A en croire nos sources, «aucune date n’est encore fixée pour dire que toutes ces quantités vont arriver telle journée parce qu’il y a encore un travail logistique à faire entre maintenant et ce moment-là». A rappeler que le Maroc a également passé des commandes pour le vaccin développé par le laboratoire AstraZeneca. Il est aussi en négociation avec Pfizer-BioNTech.
Le plan expliqué par Aït Taleb
Dans un premier temps, les staffs soignants se trouvant en première ligne de la guerre contre la Covid-19, notamment le personnel de la santé, les autorités publiques, les forces de l’ordre, le personnel de l’éducation nationale seront vaccinés en priorité, compte tenu du nombre limité de doses qui seront disponibles au démarrage de la campagne de vaccination.
Cette opération concernera aussi prioritairement les personnes âgées et vulnérables, ayant certaines maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension avant qu’elle ne soit élargie au reste de la population. C’est ce qu’a annoncé le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, qui intervenait à la Chambre des représentants dans le cadre des questions orales.
Le responsable gouvernemental assure qu’un plan très concret pour la future campagne de vaccination a été mis en place. Il a d’ailleurs livré quelques détails sur les modalités de l’organisation de cette campagne nationale, laquelle, dit-il, sera menée exclusivement par le secteur public. Il a précisé que 2.888 espaces de vaccination seront installés à cette fin et seront déployés dans tout le pays.
Dans ce sens, des commissions centrales ont également été installées afin de préparer l’ensemble des documents et plans ainsi que les outils nécessaires pour la mise en œuvre de la stratégie nationale. Parmi celles-ci figure la commission technique chargée de l’élaboration des guides techniques sur le vaccin et de la formation des équipes de vaccination avant le début de l’opération.
Sur un autre volet, le ministre a déclaré qu’une stratégie nationale de vaccination contre l’épidémie sera mise en place dans l’ensemble des régions du Royaume. La préparation de cette stratégie nécessaire pour mobiliser l’ensemble des acteurs sera confiée à un comité de communication. Le ministre évoque également le comité de suivi et d’évaluation chargé de préparer les mécanismes d’enregistrement des bénéficiaires et de suivre leur état de santé pendant et après la période de vaccination.
Compte tenu de l’importance de cette campagne nationale et dans le souci de faciliter sa concrétisation sur le terrain, il a été procédé sur le plan national à la mise en place d’une commission technique mixte où sont représentés les départements de l’Intérieur et de la Santé. Cette commission devra se réunir de façon périodique pour vérifier les aspects opérationnels de cette opération d’envergure.
Pour l’heure, indique aussi le haut responsable gouvernemental, l’opération prévoit de toucher 80% des Marocains de plus d 18 ans, soit 20 millions de personnes avec 50 millions d’injections.
Le royaume, notons-le, a opté pour le vaccin chinois produit par Sinopharm et sera l’un des premiers pays à l’administrer aux patients covid. Il s’agit, en effet, de l’injection d’un virus «désactivé» qui permet au corps de produire les anticorps nécessaires pour le combattre. Les essais cliniques et les tests menés dans plusieurs pays pour ce vaccin, dont le Maroc, ont abouti à des résultats positifs et efficaces, rassure le ministre dans son intervention au parlement. Ceci laisse place, d’après lui, à beaucoup d’optimisme quant à l’atteinte de l’immunité collective recherchée par le Maroc, pour que ce cauchemar du nouveau coronavirus soit enfin derrière nous.
Plusieurs questions restent posées…
Dans la région de Casablanca-Settat qui, à elle seule, totalise plus de 40% des cas déclarés – ceci sans parler de la saturation de ses unités hospitalières-, les préparatifs pour entamer la campagne nationale de vaccination exceptionnelle vont bon train, indique-t-on à la délégation régionale de la Santé. Quelque 800 espaces sont destinés à cette campagne d’envergure dans la région.
Mais cette campagne qui s’organise en un temps record, moins d’un an seulement après le début de la pandémie dans le Royaume, suscite de nombreuses questions.
Le vaccin contre le coronavirus sera-t-il disponible gratuitement pour tous les Marocains ? Quels critères pour les premières vaccinations ? Comment seront choisis les premiers vaccinés ? Et selon quels critères, les premiers bénéficiaires seront-ils répartis sur les trois mois que prévoit le ministre pour cette campagne nationale de vaccination ? Ces questions restent en tout cas posées, et plusieurs citoyens se disent inquiets.
Si l’on croit ce que racontent les habitants de certains quartiers Casablancais, ce qui jette le trouble parmi les populations, c’est surtout l’attitude et les démarches de certains Moqadems.
Alors que le ministre déclare que ce sont surtout les personnes vulnérables qui auront la priorité dès les premiers jours de l’opération, certains citoyens disent qu’ils ont été contactés par le Moqadem de leur quartier. Celui-ci a demandé leurs données personnelles et leurs coordonnées pour la vaccination pourtant, disent-ils, ils ne sont pas atteints d’une maladie chronique. Comme cette dame qui témoigne: «Le ministre a annoncé que la vaccination n’est pas une obligation. Or le Moqadem nous a approchés, il y a quatre jours, pour prendre nos coordonnées et nous aviser qu’il va nous appeler d’ici quelques jours pour se faire vacciner. Mais je ne suis pas une personne vulnérable et aucun membre de ma famille ne souffre d’une maladie chronique».
Un autre Casablancais se pose lui aussi la question: «Certains citoyens ont été avertis qu’ils doivent se faire vacciner, mais d’autres, par contre, n’ont pas été contactés par le Moqadem. Comment se fait-il que ces personnes n’aient pas été contactées ? Le week-end dernier, une femme, qui habite le même immeuble que ma famille, a été informée qu’elle a été sélectionnée par un système électronique pour être vaccinée. De quel système s’agit-il ? Et pourquoi cette femme a-t-elle été la seule à être contactée parmi tous les habitants de l’immeuble ?», s’étonne notre interlocuteur.
Et celui-ci de conclure: «La réalité, c’est qu’il y a plusieurs vaccins potentiels, et franchement je ne veux pas être vacciné par le produit chinois. Comme je ne suis pas une personne éligible pour cette première phase, je veux donc attendre l’arrivée du produit allemand. Mais le Moqadem a pris mes coordonnées et m’a informé que je dois être prêt pour la vaccination. Et si je refuse, il m’a dit que je serai obligé de payer une amende !».
Naîma Cherii