A l’approche de chaque élection, le débat autour de la désaffection des citoyens envers les forces politiques et son impact sur le taux de participation électorale, revient avec force.
Si 2020 a été marquée par une crise sanitaire sans précédent due à l’épidémie du nouveau Coronavirus (Covid-19), 2021 promet d’être tout aussi exceptionnelle, politiquement parlant.
Les motifs de la méfiance
Dans moins d’une année, les électeurs en âge de voter seront appelés aux urnes pour désigner leurs représentants dans les différentes régions, préfectures, provinces et communes du Royaume. 2021 connaitra également la tenue des élections législatives. A l’issue de ce scrutin, troisième du genre à être organisé au Maroc sous la Constitution de 2011, les 395 sièges de la Chambre des représentants seront renouvelés avec à la clé, l’émergence d’une nouvelle majorité.
S’il est indéniable que les urnes constituent un bel exercice démocratique, il n’en demeure pas moins vrai que le spectre de l’abstention plane sur les prochaines élections au Maroc. Cette menace est d’autant plus grande aujourd’hui si l’on sait qu’un grand nombre de citoyens n’éprouvent pas d’intérêt pour la politique. En effet, la crise de confiance entre citoyens et parole politique est à son apogée. La crise économique et sociale due à la Covid-19 a creusé le fossé déjà existant entre les citoyens et l’élite politique, y compris les chefs des partis politiques. Dans ce contexte exacerbé par les conséquences directes et indirectes de la crise Covid-19 sur le quotidien des Marocains, convaincre la population du bien-fondé de la participation électorale en 2021, sera très difficile, pour ne pas dire impossible.
Une pandémie révélatrice
A l’instar de tous les pays du monde, le Maroc a été fortement impacté par la Covid-19 dont les répercussions se font sentir à ce jour. Dès les premiers instants de l’épidémie et sur Hautes instructions de SM le Roi Mohammed VI, le Maroc a pris une série de mesures décisives sans lesquelles la situation aurait été beaucoup plus grave qu’elle ne l’est actuellement. Parmi ces mesures phare, la création d’un Fonds spécial-Covid-19 qui a permis de collecter des milliards de dirhams sous forme de contributions volontaires de la part de grands groupes et institutions financières nationales, outre des contributions de la part de simples citoyens. Pour faire face aux multiples répercussions de la crise sanitaire, un Comité de Veille Economique (CVE) a également été créé. Présidé par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun, le CVE a piloté l’opération d’octroi d’aides financières directes aux ménages les plus impactés. Il a également soutenu et appuyé les secteurs les plus touchés par cette crise, notamment les entreprises ayant été contraintes de suspendre leurs activités. Sans ces stratégies et mesures audacieuses suivies de très près par le Souverain, la situation de millions de Marocains aurait été beaucoup plus dramatique. Cela étant dit, les partis politiques n’avaient-ils pas un rôle à jouer dans la gestion de cette crise inédite?
Les défaillances persistent
Qui a dit que le citoyen n’est bon qu’à donner sa voix lors des élections? Oui, les partis politiques avaient un rôle à jouer, ne serait-ce que pour apaiser les craintes des Marocains et pourquoi ne pas aller à leur rencontre et les aider à traverser cette rude épreuve. Si certains acteurs de la société civile sont allés au contact de la population (distribution de denrées alimentaires…), force est de constater que l’écrasante majorité de nos partis politiques ont préféré jouer les intellos. Confortablement installés dans leurs fauteuils, la plupart des Chefs de partis ont fait quelques apparitions via les réseaux sociaux et les applications de messagerie instantanée, pour dire qu’ils partageaient le désarroi des citoyens sans pour autant proposer des alternatives ou des solutions immédiates de sortie de crise. Le comble, c’est quand l’Exécutif s’appropriait les réalisations et les chantiers lancés et s’en attribuer le mérite. Or, la population espérait une action concrète et une présence permanente de la part des partis dans les différentes villes, quartiers et patelins du Maroc. L’article 2 de la loi organique 29-11 relative aux partis politiques, définit les formations politiques comme des organisations permanentes qui œuvrent à l’encadrement des citoyens, à la promotion de leur participation à la vie politique et à la gestion des affaires publiques de leur pays.
L’arme de l’abstention
Dans ce contexte, le taux de participation aux élections de 2021 sera un élément clé qui déterminera avec exactitude le niveau de confiance ou de méfiance des électeurs à l’égard de l’élite politique. La crainte est de revivre le même scénario qu’en 2016. Lors du dernier scrutin législatif, les jeunes âgés entre 18 et 35 ans ne représentaient que 30% de la liste électorale, alors que le taux de participation n’a pas dépassé 43%. Il y a lieu de préciser qu’au Maroc, le taux de participation aux élections n’a cessé de régresser au fil des scrutins. De 71,79% en 1963, ce taux a augmenté sensiblement en 2011 (45,4%) avant de baiser à 43% en 2016. Sachant que le taux de participation aux élections générales a connu son niveau le plus bas en 2007 (37,50%).
De l’avis des observateurs de la scène politique nationale, même si on remarque que les électeurs sont de moins en moins susceptibles que par le passé de voter, ce constat n’est pas révélateur d’un total désengagement civique ou politique de leur part. Il s’agit selon les mêmes experts, de la traduction d’un profond sentiment d’inappartenance vis-à-vis des programmes électoraux proposés par les partis politiques. Les politiquo-sceptiques, considèrent le vote comme l’un des moyens les moins efficaces pour réaliser le changement escompté. Ils estiment que les nouvelles formes et canaux d’expression (réseaux sociaux et autres plateformes d’échanges), se sont avérés beaucoup plus efficaces pour influencer les décisions publiques.
A quelques mois des élections de 2021, les partis politiques sont appelés à se remettre en question et comprendre les nouveaux besoins de la population marocaine. Il est aussi grand temps de s’élever au-dessus des divergences et calculs politiciens qui ont fait perdre beaucoup de temps et énormément d’opportunités au Maroc. Ce gâchage de temps et d’opportunités n’est plus permis aujourd’hui, surtout pas en ces temps de crise! C’est en réinventant l’action sur le terrain surtout en cette période de crise, que nos leaders politiques peuvent se rendre utiles pour l’Etat et le citoyen, au-delà des petits calculs électoraux.
De plus en plus, les idées s’effacent avec les hommes, au rythme des élections. Au Maroc, l’élite politique peine à organiser la continuité de ses actions, au-delà de sa propre carrière.
Mohcine Lourhzal