Tournant le dos à près d’un demi-siècle dans le giron européen, le Royaume-Uni a entamé vendredi, en même temps que 2021, sa nouvelle vie d’après le Brexit, sans perturbations immédiates, mais avec de nombreuses inconnues.
Grand artisan du Brexit, le premier ministre Boris Johnson a promis dans le Daily Telegraph « une année de changement et d’espoir », quatre ans et demi après le référendum ayant déchiré le Royaume-Uni, vantant l’accord de libre-échange conclu juste avant Noël avec Bruxelles.
Officiel depuis fin janvier et aboutissant jeudi à 23H00 locales et GMT à la fin de l’application des règles européennes à l’issue d’une période de transition, le Brexit offrira des « opportunités pour transformer » le pays, selon lui.
Tout est « normal »
Vendredi matin, alors que les premiers ferries sont partis vers la France, le port anglais de Douvres est resté plongé dans le calme, sans les encombrements tant redoutés après la sortie du Royaume-Uni du marché unique et de l’union douanière, et l’entrée en vigueur de nouvelles formalités des deux côtés de la Manche.
Près de 200 camions ont aussi emprunté le tunnel sous la Manche dans la nuit, « sans aucun problème » malgré le rétablissement de formalités douanières, selon son exploitant Getlink.
Le routier roumain Alexandru Mareci, 29 ans, a fait le chemin inverse, arrivant à Douvres à l’aube avec son camion chargé de 23 tonnes de tomates marocaines. « Tout était normal », explique-t-il à l’AFP. « Bien sûr, combien de personnes connaissez-vous qui travaillent pour le Nouvel An? Nous ignorons comment (le Brexit) se passera à l’avenir », relève-t-il, avouant ne pas connaître les nouvelles formalités introduites par les autorités britanniques pour le transit dans le sud de l’Angleterre.
Si l’accord commercial conclu in extremis avec Bruxelles ne prévoit ni quotas ni droits de douane et évite un « no deal » dévastateur, le bouleversement est réel. La libre circulation permettant aux marchandises comme aux personnes de passer sans entrave la frontière a cessé – sauf entre l’Espagne et l’enclave britannique de Gibraltar, ainsi qu’entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.
« Pagaille »
Malgré ces nouvelles contraintes avec le principal marché du Royaume-Uni, le conservateur Boris Johnson a fait miroiter à ses compatriotes une nouvelle ère pleine de promesses et une place renforcée dans le monde pour son pays, comme champion du libre-échange.
Avec la présidence du G7 et l’organisation de la grande conférence sur le climat COP26 cette année, 2021 sera « une année très importante » pour le rayonnement du Royaume-Uni, a-t-il assuré sur Twitter.
Des accords commerciaux ont déjà été signés avec une soixantaine de pays, dont le Japon, mais le compromis tant convoité avec les États-Unis pourrait buter sur le départ de Donald Trump, Brexiter convaincu contrairement à son successeur à la Maison-Blanche, Joe Biden.
Dans l’immédiat, c’est un pays gravement endeuillé par la pandémie – plus de 73 500 morts, l’un des pires bilans en Europe – et frappé par sa pire crise économique en trois siècles qui a quitté l’orbite européenne.
Boris Johnson doit aussi tourner la page d’une saga orageuse qui l’a emmené au plus haut de l’échelle politique, mais a déchiré les Britanniques. L’unité du Royaume est fissurée, en particulier du côté de l’Écosse qui a voté à une large majorité pour rester dans l’UE et rêve d’indépendance.
Et si le calme règne vendredi, des perturbations autour des ports sont anticipées avec la reprise d’activité à plein régime la semaine prochaine, si les nouvelles formalités ralentissent la circulation et allongent les files de camions.
Ainsi, le port de Holyhead, important terminal au Pays de Galles, proche de l’Irlande, pourrait connaître « des retards au cours des prochaines semaines », a prévenu sur Twitter le centre d’information routière gallois. Six chargements y ont été refusés vendredi, car ils n’étaient pas en règle.
« Nous allons désormais voir les 80 milliards d’euros d’échanges commerciaux à travers la mer d’Irlande entre le Royaume-Uni et l’Irlande perturbés par beaucoup plus de contrôles et de déclarations, de la bureaucratie et de la paperasserie, et des coûts et retards », a regretté le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney, sur la BBC.
En Irlande, une association de transporteurs a dit craindre des semaines de « pagaille » dans les ports.
Contrairement à l’UE, le gouvernement britannique a décidé de mettre en œuvre graduellement les contrôles douaniers, qui ne concerneront toutes les marchandises qu’à partir de juillet.
L’accord de libre-échange prévoit aussi, pour éviter toute concurrence déloyale, des sanctions et des mesures compensatoires en cas de non respect de ses règles en matière d’aides d’Etat, d’environnement, de droit du travail et de fiscalité.
LR/AFP