Les bisous aux soldats

En suivant les événements de Tunisie, qui n’a pas été frappé, voire ému, par l’attitude de la population tunisienne vis-à-vis de l’armée ?

Il est vrai qu’après le départ du Président Benali, c’est l’armée qui a investi la rue.

Elle s’est, avec plus ou moins d’efficacité, chargée de la mission de maintien de l’ordre.

Elle a été, certes, critiquée lorsque les milices pro-Benali, cagoulées, ont terrorisé les Tunisiens en procédant à quelques règlements de compte, de nuit, tant dans les quartiers chics que populaires, sans que personne n’ait pu les en empêcher. Mais, c’est aussi vers l’armée que la population s’est tournée, à chaque fois, quand elle a été saisie de désarroi.

Lorsque les pillages et saccages des propriétés de la famille Trabelssi (famille de l’épouse du Président Benali qui contrôlait les plus importants secteurs économiques du pays) ont dissuadé les épiciers et boulangers d’ouvrir leurs commerces, il était frappant de voir les Tunisiens aller demander à l’armée de garantir la réouverture de ces commerces, parce que les ménages n’avaient plus rien à manger.

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Les images de la télévision tunisienne montraient (le 18 janvier) des soldats en faction, ici ou là. Et il n’était pas rare de voir tout à coup des jeunes faire «ami-ami» avec ces soldats, leur donner l’accolade, leur déposer des bisous sur les joues.

Spectacle insolite, assurément, dans ce pays où il y a moins d’une semaine l’armée était synonyme de répression et donc, était exécrée. Mais spectacle qui appelle à la méditation…

Qu’est ce qui fait qu’un peuple peut haïr ses soldats ou les aimer, si ce n’est l’emploi auquel ces derniers sont affectés ?

Lorsqu’ils ont pour mission de réprimer, ils sont voués aux gémonies. Et lorsqu’ils ont pour mission de protéger (la population ou le pays), ils sont adulés.

Une lapalissade ? Certes, mais il est quand même frappant de voir que ce sont les mêmes hommes qui peuvent être, la veille, détestés, le lendemain, glorifiés. Et c’est ce qu’il nous a été donné de voir en Tunisie.

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Nul ne sait quel rôle aura l’armée dans la nouvelle Tunisie et si elle aura encore longtemps l’occasion de fraterniser avec le peuple, mais il faudra bien que, tôt ou tard, elle rejoigne ses casernes, droite dans ses bottes. Les soldats, ça n’a pas vocation à recevoir les bisous du peuple en public !

Le moment aura juste été un moment historique que «les bisouteurs» et les «bisoutés» garderont en souvenir de cette «révolution des jasmins».

Quant au Président Benali, s’il regardait la télévision de son pays, à partir de son château d’exil (prêté par la famille royale saoudienne), il a dû frôler l’arrêt cardiaque. Pour lui, militaire en chef de cette même armée, les bisous aux soldats auront été des morsures de la vie.

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