Bien sûr, ce n’est pas le moment de rigoler. L’heure est grave. Pas seulement au Maroc, mais dans tous les pays… Les pays arabes et au delà…
La Chine, l’Afrique, se sentent aussi menacés par cette tempête de contestation qui souffle sur le Maghreb, le Golfe et le Moyen Orient et qui a déjà emporté sur son passage deux chefs d’Etat –le tunisien Ben Ali et l’égyptien Moubarak- bientôt un troisième, le libyen Kadhafi. Voire un quatrième le yéménite, Ali Abdallah Saleh…
Ce n’est pas le moment de rigoler, parce que ces soulèvements ont leur lot de morts et de drames humains.
Oui, bien sûr, ce n’est pas le moment de rigoler, mais tout de même…
Parfois, au milieu de ce tourbillon de revendications, de contestations et de rébellions inédites, on s’arrête, consterné par le cocasse d’une situation. Qui ne rit des propos de Kadhafi, par exemple, au-delà de la tragédie que vit le peuple libyen ? Les manifestants eux-mêmes ont parfois l’intelligence de s’exprimer avec drôlerie. Nous avons tous souri aux pancartes pleines d’humour des Egyptiens campant sur la place Attahrir… Les caricaturistes, de leur côté, ne cessent de croquer les soulèvements des populations arabes et les déboires des dirigeants déchus. Sans oublier les anecdotes qui circulent déjà. Dont, par exemple, celle-ci, une des premières : l’ex-Président égyptien, Housni Moubarak, est sur son balcon d’où il voit tous les manifestants de la place Attahrir. Il demande au vice-Président qu’il vient de nommer «qu’est ce qu’ils font là ?». Prudemment, Omar Souleimane lui répond: «Ils attendent de vous dire au revoir, Mr le Président». Et Moubarak de rétorquer: «me dire au revoir ? Pourquoi, où s’en vont-ils ?»…
Au Maroc, certains communiqués de militants de gauche essaient bien de rendre compte des interventions de la police dans un style plus ou moins amusant. Mais les raisons de rire de la situation sont ailleurs. Les internautes en ont mille et une quand ils lisent tout ce qui s’écrit en ce moment. Quand les langues se délient, qu’est ce que ça donne !
Tout ne fait pas rire, bien sûr. On trouve, sur Internet, beaucoup d’excès, beaucoup de dérapages qui, non seulement n’enrichissent pas le débat, mais le dégradent. Il y a aussi tous ces «Monsieur Jourdain» qui découvrent qu’ils font de la politique sans le savoir… Quelques phrases d’eux et on en arrive presque à oublier la gravité de la situation… Et puis, pardon d’en rire un peu, mais quand on voit tous ceux qui s’improvisent porte-parole du peuple, avec leur pancarte ou banderole où s’inscrit la formule en vogue «Achaâb yourid» suivie de leur revendication personnelle ; quand on voit ceux qui se font prendre en photo, avec quelques enfants et un mégaphone à la main et qui se targuent ensuite d’avoir organisé un sit in ; quand on voit ceux qui accourent aux manifestations avouant le faire juste pour profiter de l’occasion de se défouler en public… On a du mal à garder son sérieux.
Certains manifestants -que tout cela ne fait absolument pas rire- disent craindre que «trop de revendications tue la revendication» et qu’au bout du compte, tout se banalise. Ils n’ont pas tort. On en rit peut être, mais on en rit parfois «jaune»…
Il faut juste espérer que dans tout cet embrouillamini, les vrais messages passent, qu’ils trouvent oreille attentive et que les fanfarons se contentent de nous avoir distraits avec leurs fanfaronnades…