Le scorpion, dit-on, dès qu’il réalise qu’il est encerclé par le feu et que sa fin est inévitable, retourne son dard contre lui-même et se pique, s’injectant son propre venin. Il choisit la mort qu’il se donne plutôt que celle dont il se sent menacé.
C’est ce même réflexe qu’a eu le terroriste de Tanger qui, il y a trois semaines, fonçait -épée à la main- sur un groupe d’étudiants attablés au café Lhafa, tuant l’un d’entre eux et blessant les deux autres (voir «le Roi et le fou», in Le Reporter du 21 avril). Les forces de l’ordre qui ont réussi à le «coincer», à un moment où il était dans son domicile, n’ont pas pu le capturer vivant. Dès qu’il a senti l’étau policier se resserrer autour de lui, il s’est tranché les veines du poignet gauche, sous les yeux de son épouse et de sa sœur et s’est poignardé en pleine poitrine, ne se donnant aucune chance de survie. Fin de l’affaire du café tangérois Lhafa. Le coupable est mort, devant témoins, de sa propre volonté.
Oussama Ben Laden n’a pas eu le temps d’avoir le réflexe du scorpion. Le commando américain de Navy seals, envoyé au Pakistan sans autorisation préalable des autorités de ce pays pour en finir avec le chef de file d’Al Qaïda, l’a «explosé» avant même qu’il ne réalise ce qu’il lui arrivait et enveloppé son corps pour l’embarquer dans l’hélicoptère qui devait le ramener sur le porte avion chargé de l’opération. Le tout en moins de temps qu’il ne faut pour le dire…
Les membres du commando ont tous été décorés pour autant d’efficacité. Et le commanditaire de cette mission spéciale, le Président Obama, se félicitera toute sa vie de cette mort foudroyante de Ben Laden… Si elle a bien eu lieu dans ces circonstances… Mais c’est un tout autre sujet…
Fort heureusement pour nous, l’auteur de l’attentat de Marrakech n’a pas eu non plus le loisir de recourir au réflexe du scorpion (si tant est qu’il y eût songé). Les limiers de la DST l’ont «cueilli» vivant et en un seul morceau. Ce n’est malheureusement pas l’état dans lequel cet obscurantiste a permis à ses 17 victimes de sortir du café Argana.
Pour les autorités, le bénéfice de l’avoir pris vivant est double. D’abord, il pourra payer pour ses crimes. Et encore, il ne paiera jamais assez pour ce qu’il a fait aux familles endeuillées et au pays !
Ensuite, il pourra témoigner de sa forfaiture, l’expliquer et balayer définitivement toutes les autres théories. Aussi bien celles des conspirationnistes, toujours prompts à pointer un doigt accusateur sur les pouvoirs publics quels que soient les malheurs qui frappent le pays ; que celles des tenants du complot étranger qui voient dans tout acte barbare, la main de l’ennemi extérieur.
Hélas, l’auteur de l’attentat de Marrakech n’était qu’un Marocain. Un Marocain sous l’influence de l’idéologie d’Al Qaïda, certes, mais juste un Marocain qui, n’ayant pas réussi à semer la mort sous d’autres cieux, au nom de cette idéologie, a décidé de réaliser ses macabres projets dans son propre pays. Il a tenté de rallier les troupes d’Al Qaïda en Chéchénie, en Irak… Il s’est retrouvé, chaque fois, expulsé vers le Maroc. Il s’est alors autoproclamé bras armé d’Al Qaïda au Maroc. La petite ville (Safi) où les gens le connaissent dans le rôle d’un paisible vendeur de chaussures usagées, bientôt père de famille (sa femme est enceinte de trois mois), s’acquittant de ses prières dans une mosquée, comme nombre de ses concitoyens et s’adonnant au sport, le plus sainement du monde, ne suffisait pas à ses ambitieux objectifs obscurantistes. Il lui fallait plus… Pour un plus grand nombre de morts et de dégâts. Il s’est rendu à la capitale touristique la plus proche: Marrakech. La première fois pour un repérage, la seconde pour l’exécution de l’attentat.
Aqmi peut bien démentir son implication. Organiquement, notre cordonnier ne lui appartenait pas. Mais il était bien à elle, de toute son âme. Et c’est cette appartenance –quand bien même idéologique- de certains de nos citoyens à l’islamisme violent dont il nous faudra venir à bout, pour notre quiétude et celle de nos touristes.