Autre report! Mais est-ce bien le dernier?
En effet, le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, vient d’annoncer le report au mois de septembre prochain de la date des élections. C’est «en réponse à la demande des partis politiques», a-t-il souligné, que cette décision a été prise. Cependant, les partis politiques, notamment l’Istiqlal, continuent de refuser de porter le chapeau précisant qu’ils sont pour le maintien de la date de juin et que si report il faut, c’est plutôt parce que le gouvernement a mal géré ce dossier. Ils en veulent pour preuve, ces listes électorales qui peinent toujours à être finalisées, ces lois afférentes qui sont encore loin d’être prêtes et certains partis dans l’incapacité de suivre… Outre un manque flagrant de concertation, ajoutent-ils, avec les parties concernées et le parti pris d’une certaine commission de contrôle.
La décision prise déclenche la polémique et ils se demandent encore: pourquoi le report? Décryptage.
«La plupart des partis politiques, à l’exception de deux formations, ont demandé le report de ces élections (…). Nous avons donc accédé à la demande de ces partis politiques». Voilà comment Abdelilah Benkirane a argumenté cette décision de report de la date des élections. Il s’est basé sur une information émanant du ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad.
Pourtant, il y a un an…
L’an dernier, lors d’une séance mensuelle sur la politique générale du gouvernement tenue par la Chambre des représentants, Benkirane annonçait que le calendrier général des prochaines échéances électorales débuterait en mai 2015 avec l’élection des représentants des salariés, suivie de celles communales et régionales qui devraient se tenir en juin 2015, des Chambres professionnelles (juillet 2015) et des conseils des préfectures et provinces (août 2015), tandis que les élections de la Chambre des conseillers devraient se dérouler en septembre 2015.
Le chef de gouvernement affirmait que les préparatifs concernant ces échéances se déroulaient dans de bonnes conditions et que toutes les lois encadrant ces élections allaient être adoptées dans les délais fixés!
Pas si fixés que cela, puisque aujourd’hui on parle de concomitance avec le baccalauréat, le Ramadan… Petits détails apparemment omis lors de la fixation de la date! Certains n’y trouvent que de simples prétextes. C’est surtout le manque -voire l’absence- de toute concertation et de consultation des partis et la décision unilatérale qui ont suscité la colère et donc le refus de cette date «imposée». Certains partis ont fait preuve d’honnêteté en se disant «pas prêts». Cette attitude n’est pas partagée, parce que d’autres se disent fins prêts et que c’est le cadre législatif qui ne l’est pas.
Certes, des réunions ont été organisées à cet effet avec le ministère de l’Intérieur, mais celles-ci, reproche-t-on (surtout du côté de l’Istiqlal), ont été axées sur des détails techniques, l’Intérieur estimant que c’est au Parlement que les détails politiques doivent être traités. Ce qui n’a pas eu lieu.
Le contrôle et pas la censure
Pour ce qui est de la gestion du processus électoral, Benkirane a souligné: «Le gouvernement veillera à faire montre de neutralité durant toutes les étapes de ce processus, afin de réunir les conditions d’une concurrence libre, sans distinction entre candidats ou partis et d’instaurer les bases d’une pratique démocratique qui soit au niveau des réalisations tous azimuts du Royaume, sur les plans national et international, sous la conduite de SM le Roi Mohammed VI». Oui, mais… Le Parti de l’Istiqlal est revenu à la charge en rejetant la manière dont se fera le contrôle administratif et estimant qu’il s’agira plutôt d’une «censure» qui agira en faveur de certains partis au détriment d’autres…
Rappelant d’anciennes pratiques, le Groupe istiqlalien a relevé l’absence de toute garantie de neutralité et pourtant… Benkirane se réfère aux travaux du conseil des ministres, tenu le 14 octobre 2014, lors duquel, conformément aux Hautes orientations de SM le Roi, le Souverain, en sa qualité de garant du choix démocratique national, avait donné ses instructions aux ministres de l’Intérieur et de la Justice et des libertés pour veiller à la réussite du processus électoral et lutter contre toutes les pratiques nuisibles. Une commission centrale du suivi des élections, présidée par ces deux ministres, a été activée. Preuve que sur ce plan, il n’y a rien à dire et que le processus de contrôle est là, en attendant la tenue des élections. L’administratif suit bien… Surtout qu’au niveau territorial, des commissions régionales et provinciales composées des walis, gouverneurs, procureurs généraux et procureurs du Roi ont été activées pour la même finalité.
Des listes incomplètes
Ne fallait-il pas procéder par usage de la CIN, plutôt que de se lancer dans une campagne interminable de révisions des listes électorales? La mise au point de ces listes ayant pris plus de temps qu’il ne fallait, c’est donc aussi une cause de report. Chose que Benkirane rejette en précisant, pour ce qui est de la révision des listes électorales, que les mesures organisationnelles et techniques nécessaires ont été prises pour réussir cette opération.
Afin d’accompagner la révision exceptionnelle, les pouvoirs publics ont veillé à l’organisation d’une large campagne de communication, laquelle comprend des slogans de sensibilisation et des appels en la matière diffusés par la radio et les télévisions publiques, ainsi que la presse écrite et celle électronique.
Un total de 800.000 demandes ont été présentées jusqu’au 31 janvier, dont 218.000 ont été formulées via le site électronique. Oui, mais que représentent les 800.000 comme poids, reprochera-t-on encore et qu’est-ce qui garantit que ces voix potentielles ne sont pas manipulables, si elles ne l’ont déjà été?
Se mobiliser pour réussir
La réussite de ce rendez-vous majeur pour l’avenir du Maroc et des Marocains est tributaire, selon Benkirane, de la mobilisation des citoyens via l’inscription sur les listes électorales, le vote lors des élections et l’impératif pour les partis politiques de s’acquitter du rôle constitutionnel qui est le leur.
La Constitution stipule en effet, dans son article 7: «Les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et citoyens, à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques. Ils concourent à l’expression de la volonté des électeurs et participent à l’exercice du pouvoir, sur la base du pluralisme et de l’alternance par les moyens démocratiques, dans le cadre des institutions constitutionnelles». La question qu’on se pose aujourd’hui est de savoir si, au Maroc, nos partis répondent à cette description.
Plus aucun parti ne contribue effectivement et efficacement à la vie politique à travers l’encadrement des citoyens. En crise ou par manque d’élite en mesure d’assurer la relève et de jouer un rôle prépondérant dans la vie politique, ces partis se débattent pour continuer d’exister. Qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, leur seul rôle aujourd’hui est de surfer sur la vague de vaines polémiques ou de se ruer sur les techniques qui leur permettront d’avoir un nombre reposant de voix qui leur assure une place… Mais rien ne se fait pour «conquérir» ces voix. Les partis, tant celui au pouvoir que ceux de la majorité ou de l’opposition, vivent même des guerres intestines qui les gangrènent. Et pour dissimuler ces tares, certains «jouent» l’opposition. Une opposition qui n’a d’ailleurs de cela que le nom. Dans son article 10, la loi suprême affirme: «La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique». Mais, s’acquitte-t-on vraiment convenablement de ses missions? L’absence d’une action des partis éloigne de plus en plus ces citoyens qui doivent aujourd’hui s’inscrire sur les listes électorales pour qu’ils soient «de vrais acteurs dans la construction de leur avenir et de celui de leur patrie». Qui les y incite? N’est-ce pas là, une autre preuve que vraiment personne n’est prêt et que tout ce qui a bien pu se dire n’est que prétextes? Les lois tardent certes, mais est-ce le seul motif du report? Un report bien décidé sans qu’on ne sache réellement où ça a coincé et à qui est la faute?
Hamid Dades
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Le plus important, c’est la loi Les projets de lois régissant les prochaines échéances électorales visent à approfondir l’exercice de la démocratie locale basée sur le principe de la libre gestion énoncé dans l’article 136 de la Constitution. |
A qui la faute? La majorité estime et croit même dur comme fer que la réussite des prochaines élections découle de la responsabilité de toutes les parties concernées, alors que l’opposition insiste sur la responsabilité du gouvernement. |
HD
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Report des élections communales : Benkirane refuse de porter le chapeau
C’est devant les députés, à l’occasion d’un nouvel oral sur la politique générale du gouvernement, que le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, a mis fin au suspense. Il a annoncé lors d’une séance très animée le report des prochaines élections communales et régionales au mois de septembre 2015, au lieu du mois de juin. Refusant de porter le chapeau de ce report, Benkirane a préféré crever l’abcès en précisant: «Ce report a été décidé conformément à la demande de la plupart des partis politiques». Et, plus pointilleux, il a enfoncé le clou: «Le nouveau calendrier, c’est vous qui l’avez demandé et plus particulièrement les partis de l’opposition». Et se tournant vers M. Hassad, ministre de l’Intérieur: «C’est ce qui s’est réellement passé, oui ou non?».
Le chef de gouvernement a passé en revue les initiatives prises tant au niveau de l’arsenal juridique qu’à celui de la préparation matérielle des échéances électorales. «Elles concernent, a-t-il dit, les projets de lois organiques relatives aux collectivités territoriales, en plus d’un projet de décret qui définit les régions et leur appellation, ainsi que leurs centres, les préfectures et provinces».
Le débat qui a suivi l’exposé de Benkirane a été on ne peut plus animé. Une occasion pour le chef de l’Exécutif de s’adonner à sa pratique: malmener une opposition qui a du mal à éviter les coups qu’il lui assène.
Mohammed Nafaa