Une idée terrible est en train de progresser. Une guerre n’est plus impensable pour sortir le monde des crises multiples qui s’accumulent et se mélangent.
Le monde est entré en guerre contre le groupe Etat Islamique. Mais on voit bien que, pour le moment, les frappes ne sont pas suffisantes pour éradiquer le pouvoir de nuisance des obscurantistes qui sévissent également au Nigeria et au Cameroun, en Lybie, en somalie ou au Yémen. Les horreurs perpétrées en Irak et en Syrie occupés par les djihadistes devraient entraîner une mobilisation militaire mondiale d’une autre ampleur. Le fait qu’un terrorisme, se réclamant de ces fanatiques qui dévoient l’islam et tuent les musulmans, menace des militaires en Occident même et les populations civiles, ainsi que le fondement des sociétés de tolérance devrait interpeller l’OTAN. Le bras armé des démocraties alliées des USA tragiquement regarde ailleurs.
L’OTAN prend des mesures pour contrer la Russie et ce qui intéresse Washington, c’est de contrer Poutine en Ukraine, pas d’en finir avec Daech. Ce pourrait être une erreur terrible, on est en train peut-être de se tromper d’ennemi principal.
Dans le même temps, le modèle économique libéral confronté à deux crises mondiales donne des signes de grande faiblesse. La construction européenne actuelle, sorte de régionalisation d’un globalisme économique anglo-saxon, est en train, de secousses en secousses, de buter sur la révolte interne des peuples. L’exemple grec est certes le plus frappant. On sait que la guerre est un moyen de dépasser le marasme économique. Le capitalisme, défié dans son hégémonie mondiale et fragilisé de l’intérieur, est un élément très inquiétant de l’actuel état du monde.
On peut difficilement juger plus dangereux la stratégie même belliqueuse de la Russie de contrôler son espace géopolitique historique et la déstabilisation du monde arabo-musulman par une organisation qui menace la sécurité de tous partout.
La barbarie, la sauvagerie sont un défi aux civilisés de toutes les civilisations.
L’exemple du pilote jordanien brûlé vif dans une cage, sous l’œil voyeur de vidéos de propagande visant à terroriser, est sans doute un choc salutaire. C’est un musulman qui est brûlé vif et la réaction de la Jordanie a été immédiate. Indignation bien sûr, mais surtout action.
Entre la Jordanie et Daech, la guerre est déclarée. Avant de brûler vif leur otage, ses geôliers lui ont extorqué les noms et adresses des autres pilotes qui bombardent les bases djihadistes en Syrie et en Irak, appelant leurs partisans en Jordanie à tuer ces «pilotes croisés». Les autorités hachémites ont promis, de leur côté, une «réponse terrible» à la mort de leur aviateur. Amman va s’impliquer davantage dans la guerre contre Daech, a juré le porte-parole du gouvernement.
Outre d’autres exécutions, après deux premières de prisonniers djihadistes, les services de renseignements vont intensifier leur lutte contre Daech. Avec deux cibles prioritaires: ceux qui ont tué le soldat (leurs visages apparaissent parfois sur la vidéo) et surtout les chefs de l’organisation terroriste. Avec l’exécution de Ziad Karbouli, un avertissement très clair a été adressé à la direction de Daech: ce responsable d’Al-Qaïda avait été en effet capturé en Irak en 2006 par «Les chevaliers du droit» (Al-Fursan al-Haq), une unité des Forces spéciales jordaniennes créée quelques mois plus tôt pour venger la mort des 60 victimes des attentats terroristes commis par Al-Qaïda en 2005 contre des hôtels d’Amman.
Nul doute que le commando antiterroriste va reprendre du service hors des frontières du royaume. Et grâce à ses contacts parmi les tribus sunnites, aussi bien en Irak qu’en Syrie, la Jordanie est bien placée pour traquer les chefs de Daech. En juin 2006, c’est grâce à l’infiltration d’agents jordaniens dans Al-Qaïda que les forces américaines avaient liquidé leur ennemi numéro un en Irak, le sanguinaire Abou Moussab al-Zarqawi qui dirigeait la succursale du groupe terroriste.
L’armée de l’air jordanienne, de son côté, multiplie les raids contre des positions du groupe Etat Islamique. Les pilotes entendent bien venger leur camarade.
Les manifestations-indignation se sont multipliées dans le royaume. Le roi Abdallah II a affirmé: «La riposte de la Jordanie et de son armée sera sévère».
La Jordanie donne l’exemple de la vraie guerre. C’est aux côtés de la Jordanie qu’il faut être, plutôt que de se déployer vers la Russie. Ce manque de hiérarchie de la diplomatie de la «communauté internationale» est objectivement inquiétant, dans un monde de plus en plus inquiétant.
Quand on ne peut éviter les conflits, il ne faut pas se tromper de guerre, surtout si l’on veut éviter un embrasement mondial qui, aujourd’hui, ne peut plus être exclu à moyen ou court terme.
Patrice Zehr