Tout le monde en convient, nous sommes à la veille d’élections déterminantes. Si l’expression n’avait été aussi galvaudée, nous dirions même «élections historiques».
Une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum le 1er juillet dernier. Elle apporte des innovations sans précédent au Maroc, dont un élargissement substantiel des pouvoirs du Premier ministre qui s’appellera désormais «chef du gouvernement».
Des élections en application de cette Constitution seront la première expérience du genre et la compétition entre les partis politiques aspirant à remporter le siège du chef du gouvernement devrait être «hard», comme disent les jeunes branchés.
Bien, bien… Tout cela est bien.
Seulement, voilà. La date des élections a été fixée au 25 novembre prochain (elle n’est pas encore parue au bulletin officiel, mais le ministère de l’Intérieur l’a annoncée, ce qui lui donne toute la crédibilité nécessaire).
Qu’est ce qui nous sépare du 25 novembre ? A peine deux mois et demi ! Or, ce que l’on constate dans le pays, aujourd’hui, ne prête guère à l’optimisme.
Soyons clairs. Certes, les lois électorales sont sur le grill. Les projets de textes font l’objet d’âpres négociations entre le ministère de l’Intérieur et les partis politiques (y compris les petits qui se battent pour continuer d’être pris en compte).
Quelques polémiques éclatent, ici et là, donnant l’impression d’une effervescence (tantôt une joute entre Istiqlal et PAM, tantôt une levée de bouclier contre le PJD…).
Mais en réalité –et cette réalité personne ne veut la voir- les électeurs, eux, ne se sentent pas véritablement concernés par tout cela.
Comment le dire ? …La curiosité du Marocain lambda dont on attend qu’il se rende aux urnes le 25 novembre n’est pas piquée au vif. Son intérêt n’est pas suscité et il ne risque pas de l’être par ces querelles de chapelles dont il a le sentiment qu’elles se déroulent sur un autre terrain que le sien, pour d’autres intérêts que les siens.
Ces négociations entre le ministère de l’Intérieur et les partis lui paraissent techniques, sans véritable enjeu pour lui.
En d’autres termes, l’électeur lambda -et c’est lui qui constitue la majorité des votants- ne voit pas l’intérêt de ces élections.
L’électorat (potentiel) marocain se divise aujourd’hui en 3 catégories.
Une catégorie d’électeurs conscients qui savent qu’ils iront voter pour tel ou tel parti, ou tel ou tel candidat, parce qu’ils en sont des militants, sympathisants, ou amis.
Contrairement à ce qu’on pense, cette catégorie n’est pas large. Elle est juste surmédiatisée.
Tout comme la deuxième catégorie, d’ailleurs. Celle qui annonce d’ores et déjà qu’elle n’ira pas voter par choix politique. Cette catégorie, constituée de militants de partis d’extrême gauche, d’associations connues pour leur positionnement «front du refus» et de néo-révolutionnaires apparus avec le printemps arabe, est très présente sur les sites web, mais ne peut objectivement espérer faire pencher la balance…
Par contre, la troisième catégorie, celle de la majorité silencieuse, elle, peut réellement agir sur le taux de participation aux prochaines consultations électorales. Et cette catégorie, à deux mois et demi des législatives, vaque à ses occupations, indifférente ou, au mieux, campant sur l’idée générale qu’elle se fait des élections au Maroc: des élections pour opportunistes menteurs qui veulent un ticket pour entrer au Parlement où ils font des affaires qui rapportent des milliards…
Lorsque l’on admettra que l’on n’a encore rien fait pour impliquer cette dernière catégorie, alors le travail pourra commencer. Et ce travail-là n’est pas facile !