Quand on veut détruire quelqu’un médiatiquement, on l’accuse de racisme. C’est pourquoi la petite phrase de Meghan sur des réflexions liées à la couleur de la peau de son premier enfant avec Harry a transformé une affaire privée en affaire publique, sinon affaire d’Etat.
Y a-t-il un cas isolé à Buckingham ou un cluster de virus raciste chez les Windsor ? L’insinuation était en tout cas bien préparée et l’étonnement scandalisé de la journaliste Oprah Winfrey était de toute évidence surjoué. Mais le mal est fait et a obligé la Reine à réagir sobrement mais fermement. Elle conserve son affection au couple et ses enfants et s’il y a un raciste dans la famille cela sera réglé dans la famille.
«Les questions soulevées, en particulier celle de la race, sont préoccupantes. Bien que certains souvenirs diffèrent, ils sont pris très au sérieux et seront traités par la famille en privé», a fait savoir le Palais, deux jours après la diffusion de l’interview. Tant que la Reine sera là, la dynastie n’a rien à craindre. C’est son successeur qui devra sans doute s’adapter aux valeurs de l’époque. Le Commonwealth, enfant chéri d Elisabeth II pourrait ne pas y résister.
Mais la Reine est insoupçonnable. Héritière d’un Roi combattant le nazisme, elle a toujours manifesté la plus grande attention aux problèmes raciaux. Elle s’est manifestée lors de l’indépendance du Ghana, elle l’a prouvé en refusant la Rhodésie des suprémacistes blancs derrière Ian Smith et surtout en soutenant le combat des noirs derrière Mandela contre l’apartheid en Afrique du sud. Cela a causé une crise gravissime avec la très «Whyte power» Margareth Tacher.
La Reine est guindée, insensible et froide dit-on, mais raciste certainement pas. La journaliste américaine d’ailleurs se rendant compte de l’énormité lâchée dans son entretien et de ses conséquences a tenu à préciser que le Prince Philip et la Reine n’étaient pas concernés par les propos racistes incriminés. Mais cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il n’y a pas de racistes dans l’entourage royal. Le Prince William qui, plus que le Prince Charles, incarne l’avenir de la monarchie est donc monté au front. En marge d’un déplacement dans une école londonienne pour faire la promotion d’un programme sur la santé mentale des enfants avec son épouse Kate Middleton, le fils aîné du Prince Charles a répondu à deux questions d’un journaliste de Sky News qui se trouvait sur les lieux. Les deux questions concernaient évidemment l’interview révélations accordée par son frère le prince Harry et son épouse Meghan Markle à Oprah Winfrey.
Le Prince William a affirmé clairement que la famille royale n’était «pas raciste», en réponse aux accusations portées par son frère le prince Harry et sa belle-sœur, Meghan Markle. Dans son entourage, on fait remarquer que Meghan a été très bien accueillie et que sa diversité avait été considérée comme une modernisation de la famille royale et son ouverture au monde nouveau. Mais il y a eu rejet, en tout cas la greffe n’a pas pris. Le mariage du Prince avec l’Américaine avait scellé, croyait-on, l’union de la monarchie et du cool, et contribué à dissiper à l’étranger une fâcheuse impression de repli sur soi, au profit de l’image moderne et ouverte d’un pays en paix avec ses traditions.
L’opinion britannique est très divisée, mais la majorité -surtout les plus âgés- reste aux cotés de la Reine et est choquée par les sorties médiatiques du couple si fortuné grâce a la monarchie, quoiqu’ils en disent. On dénonce leur train de vie, leurs caprices et la somme que l’entretien a rapporté à la journaliste américaine qui était, bien sûr, de «mèche».
L’opinion américaine, elle, prend fait et cause pour Meghan, compatriote éconduite par des Britanniques snobs, voire racistes. Le président Joe Biden lui-même a salué le courage dont elle a fait preuve avec ses dernières déclarations. Du côté de Meghan Markle, le soulagement est de mise. Car, après plusieurs années à souffrir en silence, l’ancienne actrice de Suits a semble-t-il pu dire ce qu’elle avait sur le cœur. Auprès du Daily Mail, une source qui se revendique proche d’elle a confié que l’interview était «la meilleure décision qu’elle ait jamais prise, à part épouser Harry». Si désormais la famille royale tente de faire face à la polémique, les accusations de Meghan et Harry auraient pu être bien plus importantes. «Meghan a déclaré que l’institution royale devrait être soulagée qu’elle n’ait pas nommé les personnes concernées, ou qu’elle ne soit pas entrée plus dans les détails de ce qui se passait dans ce huis clos», a ajouté la voix indiscrète.
Cette vague de soutiens a même atteint la sphère politique des États-Unis. Hillary Clinton en personne a ainsi apporté son soutien à la duchesse de Sussex lors d’un live diffusé par le Washington Post, le lundi 8 mars. «Cela m’a brisé le cœur de les voir tous les deux assis là, à devoir expliquer combien il a été difficile d’être acceptés, intégrés, a-t-elle déploré. Pas seulement au sein de la famille royale, comme ils l’ont dit, mais, encore pire, dans la société en général, dont les tabloïds vivent dans le passé». L’ex-candidate à l’élection présidentielle américaine a déclaré que la «cruauté» des médias britanniques envers Meghan Markle était «tout simplement scandaleuse». Jen Psaki, porte-parole de la Maison-Blanche, a également salué la bravoure du couple, en son nom et celui de Joe Biden. «Pour tous ceux qui s’expriment, évoquer leurs propres problèmes de santé mentale et leur histoire personnelle demande du courage, a-t-elle souligné. Et c’est tout à fait ce que croit le Président. Il a déjà parlé de l’importance de travailler sur ces sujets, ce à quoi il s’engage pour l’avenir».
Que restera t il de cette affaire dans quelques mois ? Impossible de le dire. Mais le coup porté est dur.
Patrice Zehr