Le Reporter : 18 ans déjà !

Le Reporter anniversaire

«Le Reporter» a tenu contre vents et marées 18 ans, certes, mais nous fêtons cet anniversaire avec autant de fierté que d’humilité et de prudence. Non seulement rien n’est jamais acquis, mais en plus les difficultés du secteur de la presse écrite sont telles, aujourd’hui, que le combat pour la survie est l’apanage de tous, petits ou grands.

Cette fin février 2015, l’hebdomadaire «Le Reporter» aura eu 18 ans. Tous ceux auxquels nous l’avons annoncé ont eu la même réponse: «déjà ?!».

Oui, 18 ans déjà entre la naissance du projet et la livraison de cette semaine ! On ne voit pas le temps passer. D’ailleurs, il ne passe pas, il file… Nous, nous n’avons pas compté les années. Nous avons juste essayé de réaliser notre rêve de l’époque: prouver que dans notre pays, on pouvait entreprendre en toute liberté, dans le secteur de son choix, fût-il aussi sensible que le secteur de la presse. Fort heureusement, nous n’avions pas conscience de l’immensité des difficultés qui nous attendaient. Nous en avons saisi l’étendue au fur et mesure des écueils, des crises vécues, des coups reçus…

Aujourd’hui, des obstacles se dressent encore devant nous, nous vivons encore des crises et nous recevons encore des coups. Mais nous ne sommes pas seuls dans cette situation. C’est l’ensemble du secteur de la presse écrite qui souffre. Et ce, à la fois, pour des raisons partagées par le monde entier et pour des raisons qui nous sont spécifiques.

Les raisons planétaires, tout le monde les sait. La chute de l’intérêt pour la lecture sur papier, la concurrence du web et, notamment, des réseaux sociaux, où l’information –exacte ou non- est pléthorique, instantanée et interactive…

Avec un simple abonnement internet, le citoyen du monde peut avoir toutes les catégories d’informations qu’il veut, en temps réel. Il peut y réagir quel que soit son statut et son niveau. Il peut en suivre l’évolution 24h sur 24, via un téléphone portable ou une tablette. Comment rivaliser avec ça ?

Pourtant, la presse sur papier reste le média par excellence de la crédibilité, de la réflexion et de l’analyse. Du reste, une bonne partie du contenu sérieux d’internet est prise de la presse sur papier.

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Quant aux raisons qui nous sont propres, il y aurait tellement à en dire… Mais, nous ne nous étendrons pas sur le sujet. Pas cette fois-ci. Résumons seulement.

La presse écrite marocaine vit d’abord les mêmes problèmes que ceux que subit la presse écrite de par le monde. Internet et les réseaux sociaux lui livrent la même rude concurrence. Sauf qu’au Maroc, le lectorat était déjà réduit du fait du fort taux d’analphabétisme, du faible pouvoir d’achat (l’achat d’un journal devient une dépense superflue, ou «discrétionnaire» comme disent les économistes), et de l’absence de tradition de lecture de journaux chez ceux qui ne sont ni analphabètes, ni dépourvus de moyens.

Sur tout cela se greffent d’autres problèmes…

Ce qui assure la bonne santé d’une entreprise de presse, ce sont deux postes de recettes: les ventes (en kiosque ou en abonnement) et les insertions publicitaires.
Or, les ventes de journaux sont en chute libre, pour les raisons évoquées. Et les budgets publicitaires se réduisent en peau de chagrin, à cause de la crise mondiale qui a fini par impacter l’économie nationale, malgré une longue période de résilience (pouvait-il en être autrement, quand on sait que nos principaux partenaires en ont été frappés de plein fouet ?).

Quand il y a crise, le premier budget que sacrifient les entreprises est celui de la «Com». Comme a pu dire un responsable d’agence de communication, «le gâteau (publicitaire) devient de plus en plus petit et les affamés, autour, de plus en plus nombreux». Donc, «les affamés» sont acculés à se livrer une féroce concurrence. Or, en termes simples, pour avoir la «pub» dans son journal, il faut bien le vendre et pour bien le vendre, il faut avoir l’«info» qui intéresse le lecteur. Et c’est là où le bât blesse… Car les règles du jeu sont souvent faussées.

Pour les médias qui veulent préserver leur sérieux et leur crédibilité (nous ne parlons pas de ceux qui vont chercher leur information dans la boue), l’accès à l’information n’est pas évident. Beaucoup de responsables pratiquent encore la rétention de l’information, confondent «information» et «opération de Com», ou continuent de traiter par le mépris la presse nationale, donnant leurs scoops aux «grands» médias étrangers (quand, aujourd’hui, une information donnée à un simple blog, si elle est exacte et explosive, se propage dans le monde comme une traînée de poudre).

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Mais ceux des responsables qui créent le plus de différence entre les médias, sont ceux qui en choisissent un pour lui donner des informations capitales, ce qui, du même coup, permet à ce média de surclasser tous les autres.

Ou ceux qui, grâce à leur manne publicitaire, permettent aux médias de leur choix de se développer sans grande difficulté, alors que les autres «rament» et sont quasiment acculés à mendier pour ramasser les miettes assurant leur survie.

«Le Reporter» n’a jamais été privilégié, ni par les uns ni par les autres. Mais il n’a jamais demandé de privilèges à qui que ce soit non plus.

Dans ce journal, nous avons juste essayé de faire notre travail, honnêtement, selon nos convictions, quelles que soient les difficultés. Aussi, avons-nous toujours été surpris –et profondément reconnaissants- quand un décideur ou un autre nous a spontanément tendu la main.

Nous avons le pays au cœur.

Nous rêvons d’un Maroc dont seraient éradiquées la pauvreté et l’ignorance.

Nous essayons d’apporter notre humble contribution à la mise à niveau du secteur auquel nous appartenons et qui n’est pas seulement un secteur pourvoyeur de mots et d’idées, mais aussi un secteur créateur d’emplois et de valeur ajoutée. Ce qui est très souvent oublié.

Nous n’avons pas relevé tous les défis que nous nous étions fixés. Mais nous nous y appliquons, dans la mesure de nos moyens. Et si nous fêtons aujourd’hui nos 18 ans, non pas pour nous gargariser d’en être là, mais pour nous arrêter un moment -le temps de dire merci à tous ceux qui nous ont apporté leur soutien, leur amitié, ou simplement leur attention au moment où nous la demandions- nous ne perdons pas de vue ces vers du poète Aragon, selon lesquels «Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse…».

Alors, on dit «Merci pour tout, chers amis» et on se remet à l’apprentissage, car ce qu’il y a de beau dans notre métier, c’est ce qu’on en apprend à chaque instant.

Bahia Amrani

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