L’opposition –qui a manifestement la ferme intention de camper son rôle, sans concessions- n’a eu de cesse de rappeler que le gouvernement Benkirane, nommé le 3 janvier dernier, n’était pas encore définitivement investi au regard de la nouvelle constitution. Celle-ci prévoit, en effet, dans son article 88 que le gouvernement n’est investi qu’après avoir présenté son programme devant les deux Chambres du Parlement et obtenu la confiance de la Chambre des Représentants par vote favorable de la majorité absolue des membres de cette Chambre.
L’équipe Benkirane, qui en a pris bonne note, s’est donc gardée de mettre en marche de quelconques décisions ou projets, en attendant le vote du parlement.
La période d’attentisme –que vivent avec plus ou moins d’impatience les Marocains- en a été prolongée d’autant.
Cette semaine donc, fin du stand by. Le gouvernement, dont le programme est enfin ficelé d’un commun accord entre les quatre composantes de la majorité, soumet sa déclaration à l’approbation du parlement (jeudi 19 janvier).
Le vote favorable obtenu, les choses sérieuses commencent, cette fois-ci pour de bon.
Deux points nous semblent aujourd’hui importants à rappeler. Le premier concerne les détracteurs du gouvernement Benkirane. Le second concerne le gouvernement Benkirane lui-même.
S’agissant de ceux qui s’opposent d’ores et déjà à l’équipe Benkirane, parlant d’amère déception avant même que cette équipe n’ait mis la main à la pâte, ils sont, certes, libres de leur opinion. Mais il faut juste qu’ils se souviennent dans quel contexte –régional et national- cette équipe est arrivée ; quels déficits le Maroc a aujourd’hui à combler et quels espoirs sont placés dans cette équipe pour le faire.
Nous devons tous, bien sûr, rester vigilants parce que les islamistes qui dirigent cette équipe ont aussi des objectifs dogmatiques qui ne sont pas ceux de tous les Marocains. Mais ils ont également, concrètement sur le terrain, des défis qu’ils se lancent à eux-mêmes et ce serait une chance qu’ils puissent les relever ! Depuis que les islamistes ont gagné les élections, les Marocains n’ont qu’une phrase à la bouche: «Jab Allah elli ynakki addounia. Khalliouhom ikhadmo!» (on a enfin des gens pour faire le ménage. Laissez-les travailler!).
Nombreux, parmi ces Marocains, ceux qui pensent qu’une réussite des islamistes bénéficierait aux islamistes, oui, mais aussi au pays et à son Roi. Parce qu’il y a désormais un 4ème pouvoir dont il faut constamment tenir compte et se méfier, qui n’est pas celui de la presse, mais celui de la rue !
Quant au second point, il concerne l’équipe Benkirane ; et plus particulièrement ses membres du PJD.
Nous avons eu, depuis leur victoire aux élections, à voir et à lire leurs interventions dans les médias. Et s’il est un argument qui frappe, tant il revient dans leurs propos, c’est celui de la légitimité populaire. Nous avons plus d’une fois entendu: «Le peuple est derrière nous», «nous sommes forts du soutien du peuple», «pour la première fois, le Maroc a un gouvernement que le peuple a voulu»… Tout cela est bien beau, mais si la légitimité populaire peut être un élément de fierté, tout le monde sait qu’elle est aussi une lourde responsabilité, de par les attentes qu’elle génère. L’Histoire en apporte mille preuves: le peuple qui place aujourd’hui sa confiance en vous, attend beaucoup de vous et, à la moindre désillusion, se retourne contre vous. C’est connu, il n’y a rien de plus fragile que la légitimité populaire!
Abdelilah Benkirane et les siens devront donc, après s’être tant enorgueillis de leur légitimité populaire, garder une vigilance de tous les instants afin qu’elle ne leur file pas entre les doigts, juste parce que le Smig n’aura pas atteint les sommets prévus, que des corrompus auront continué de sévir dans les hôpitaux et les tribunaux, que le coût de la vie se serait renchéri, ou que la pauvreté n’aurait pas reculé…