La pandémie actuelle ne doit pas nous faire occulter une autre pandémie, celle-ci chronique et en permanente évolution. Je parle de la Sédentarité.
L’homme est malade. Malade d’inactivité. Si nous sommes nés pour marcher, même pour courir, nous courons à notre perte en restant assis. De fait, faute de ne plus faire d’efforts physiques, d’exercices, nous en subissons les conséquences, de plus en plus mortelles.
Dans nos sociétés, nous sommes arrivés à un stade où il n’est pratiquement plus nécessaire de fournir des efforts physiques pour se déplacer ou ramener de la nourriture: tapis roulant, escalator, ascenseur, véhicules, livraisons à domicile, tout est fait dans notre société moderne pour nous dispenser de marcher, nous offrir une sédentarité forcée.
D’une part, je voudrais focaliser sur l’une des conséquences du sédentarisme, sur un mal qui touche plus spécifiquement et fréquemment les femmes, sous différents visages et dans différents contextes, et en tout cas dont on ne parle peut-être pas suffisamment, accueilli comme s’il s’agissait d’une fatalité. Je veux nommer les Varices, qui sévissent chez 70 % de la population adulte féminine.
Et de l’autre, je voudrais rappeler les effets bénéfiques du sport et de l’exercice physique, comme arme de lutte contre ce mal qui ronge l’esthétique et le bien-être physique des dames, donc leur bien-être tout court.
Leur coexistence est-elle condamnée, d’autant que leurs rapports ne sont pas clairs pour toutes et que certaines patientes s’estiment interdites de sport ? L’issue victorieuse de l’un des deux est-elle inéluctable ? Sont-ils vraiment des frères ennemis ?
Qu’en est-il des protagonistes et de leur confrontation ?
Des veines détournées de leur rôle originel
Notre cœur, double pompe, se vide en éjectant dans les artères et se remplit en aspirant les veines: on parle de retour veineux. Autant ce retour veineux se fait relativement aisément au niveau de l’abdomen et encore plus à celui du thorax, par un système de pression négative qui aspire et qui aide ce retour veineux. Autant au niveau des membres inférieurs notre système circulatoire a besoin de recourir à des adjuvants.
En fait notre système veineux des jambes est constitué à hauteur de 80 % d’un système profond, situé entre les muscles ; et de 20 % d’un système superficiel sous cutané, sous forme de veines visibles pour les patientes et dont elles se plaignent, alors que les signes fonctionnels relèvent des deux types de systèmes veineux. Il est important de considérer les muscles comme une contention naturelle pour les veines profondes. Car les veines profondes et superficielles communiquent par les veines perforantes, tout le long de la jambe. Lorsque les veines dans les muscles se dilatent, la quantité de sang dans ces veines augmente et la pression aussi. Cette pression se reporte au niveau des veines superficielles qui se dilatent aussi. En position debout prolongée, ce sont les parois des veines qui doivent résister à la pression. En cas d’insuffisance veineuse, les veines vont avoir tendance à se dilater sans bénéficier d’une bonne contention musculaire.
L’exercice physique, un sculpteur de jambes oublié
Du tendon d’Achille, à la voûte plantaire, en passant par les volumineux muscles fessiers et nos surfaces articulaires, plusieurs particularités anatomiques concourent à favoriser nos aptitudes à la marche.
Le pied, véritable chef-d’œuvre de la technologie et véritable œuvre d’art selon Léonard de Vinci ; et sa production, la marche, véritable caractéristique de l’homme dont elle conditionne l’autonomie et qui est à l’origine de l’exploration de notre monde ; sont les victimes inavouées de cette épidémie d’inactivité et de son mauvais usage.
Quand Hippocrate disait que la marche était la meilleure médecine pour l’homme, il ne réalisait pas que, des milliers d’années plus tard, de nouveaux bénéfices en pourraient être découverts quotidiennement. En sus de tous ses autres bienfaits, comme celui de diminuer le risque de crise cardiaque, la marche diminue l’anxiété et le stress, augmente le tonus musculaire, est bénéfique pour les articulations, diminue l’ostéoporose et augmente la capacité aérobique, pour peu qu’elle soit pratiquée correctement. L’attaque au sol doit se faire avec le talon et le déroulé du pied doit permettre une mise en action au maximum des muscles. C’est ainsi qu’est sollicité, au niveau de notre plante du pied, un lassis veineux, «la semelle plantaire de Lejars», véritable mini pompe auxiliaire de la pompe cardiaque.
La mode de l’auto-mesure, et en particulier la Pedometrie, est lancée et elle est appelée des vœux des cardiopraticiens. Mais les praticiens vasculaires et diabétologues ne sont pas en reste. (10.000 pas par jour pour la Société Canadienne de Cardiologie).
Consacrer 45 minutes du temps au quotidien à l’activité physique semble être un message difficile à véhiculer quand il se heurte à un paradoxe: préconiser un comportement que le progrès technique lui-même vise à éliminer. Aussi, n’est-il pas exagéré de préconiser la prescription du sport ou de l’exercice physique, «le sport sur ordonnance» ; et l’idée a déjà fait son chemin dans des pays comme la France. Faute de quoi on assiste à……
Une confrontation inéluctable entre varices et exercice physique
Et comme dans toute confrontation, il n’y a qu’un seul vainqueur.
• Envisageons tout d’abord l’issue que nous considérons comme étant la plus heureuse, celle où l’exercice physique a raison de l’apparition de la maladie variqueuse, surtout dans sa version préventive. La partie est gagnée.
• Ailleurs, la maladie veineuse s’installe, mais la partie n’est pas perdue pour autant.
C’est alors à l’exercice physique, agissant au niveau des muscles et des aponévroses de prendre le relais et de faire en sorte que le cercle vicieux soit brisé. Tous les sports de forme, faisant travailler le cœur et les poumons sont favorables et ont un rôle non négligeable dans le soulagement des fameuses sensations de jambes lourdes, des jambes sans repos (les fameuses «restless legs» des anglo-saxons), en renforçant les muscles. Comme elles sont traversées par les veines perforantes qui relient veines superficielles et profondes, lorsqu’elles perdent leur souplesse, le drainage du sang par les veines perforantes est moins bon. Ces critères permettent de définir une véritable gymnastique vasculaire posturale que nos collègues kinésithérapeutes et coaches sont à même d’enseigner.
• Ailleurs encore, les varices et leur préjudice sont d’installation confirmée. Les sports de fond sont alors toujours recommandés. Il convient de porter, de préférence, des semelles à coussin d’air pour amortir les à-coups de pression ; et d’ emprunter des chemins meubles plutôt que l’asphalte. On peut aussi marcher ou courir avec une contention en portant des chaussettes de contention qui montent jusqu’aux genoux.
• Ailleurs enfin, le recours thérapeutique est incontournable, eu égard à un handicap esthétique ou fonctionnel, ou à une menace que la maladie représente.
Celui-ci est tout d’abord Medical (phlebotoniques, bas de contention, injections sclérosantes, mesures hygiéno-diététiques).
Mais il est souvent chirurgical. Fort heureusement, nous, chirurgiens vasculaires, disposons actuellement de techniques ultra modernes, endovasculaires utilisant des procédés thermiques (ablation au laser ou par radiofréquence) ou chimiques, qui proposent des solutions esthétiques peu agressives.
Mais je souhaite que le mot de la fin revienne à la Prévention: car, in fine, des jambes nettes, musclées et silencieuses, sont le signe d’un combat et d’une victoire remportés, grâce à l’exercice physique, sur le fléau du siècle qu’est la Sédentarité et de ses dégâts, notamment cardiovasculaires, ainsi que le garant d’une vie saine.
Par Dr Mehdi Maazouzi
Chirurgien vasculaire