Brahim, 54 ans, commercial, marié et père de 3 enfants, est revenu au Maroc en vacances après 30 années d’absence. Il nous livre ses impressions. Voici son récit.
«Je suis originaire de la ville de Sidi Slimane dans le Gharb. J’ai quitté ma ville natale et mon pays le Maroc, il y a 30 ans, pour m’en aller étudier aux USA. Je m’y suis installé définitivement et j’y ai fondé ma petite famille. Je ne suis jamais retourné au pays. Ce n’est pas l’envie qui me manquait, bien au contraire, mais je ne pouvais me permettre de faire ce voyage tout seul, sans ma femme et mes enfants. Avec mon épouse, nous avions renoncé à presque tout pour concrétiser notre rêve, celui de devenir propriétaires d’une belle maison. Ensuite, il nous a fallu l’aménager. Nos économies, nos week-ends et nos vacances, nous les avons consacrés à toutes sortes de travaux et d’achats pour en faire un petit joyau. Nous avons également eu trois enfants.
Envisager un aussi long voyage, avec une maison encore en chantier et des bébés, était tout simplement impossible. J’ai également eu un grave problème de santé qui m’a handicapé durant plusieurs années. J’ai perdu mon emploi. C’est le courage de mon épouse avec son petit salaire et parfois l’aide pécuniaire de ses parents qui nous ont permis de faire face à cette tragédie. Notre petite famille a connu des hauts et des bas pénibles durant cette période. Fort heureusement, ma santé s’est améliorée et j’ai pu reprendre mes activités. Sans cela, je ne sais pas comment nous aurions pu payer les études supérieures des enfants. Mais ça n’a pas été un investissement infructueux, parce nous continuons d’être très fiers d’eux. Mon pays d’adoption, je l’aime, j’y suis très attaché. En plus, je me suis très bien intégré dans la société américaine. Mais j’avoue que mon pays d’origine m’a toujours profondément manqué. C’est quelque chose de viscéral, je l’ai très souvent dit à la maison. Mes enfants ont plusieurs fois été désireux de le connaître, mais il nous était impossible de les laisser partir sans nous. Rien qu’à l’idée, ma femme n’en fermait pas l’œil. C’est un peu normal pour quelqu’un qui n’a jamais quitté sa ville natale. Je me souviens du jour où je l’avais rencontrée pour la première fois. Quel grand étonnement pour moi de me rendre compte qu’elle ne savait même pas où se trouvait le Maroc! Ce qui était marrant, c’est que même mes beaux-parents ont cru qu’il s’agissait de la principauté de Monaco, sans doute à cause de ma mauvaise prononciation. Ils n’avaient jamais osé me demander des précisions, c’est surprenant, mais ils sont comme ça. Plus tard, lorsque mes parents sont venus pour me rendre visite, ils ont pu avoir plus d’explications. Les parents de ma femme ont été extraordinairement fascinés par notre culture et nos traditions. Je n’ai jamais eu de problèmes avec eux, ils sont très respectueux envers ma religion et moi envers la leur. Ma belle-mère m’a même demandé de lui fabriquer un petit salon à la marocaine. Elle adore aussi faire notre pain. Quant à ma femme, elle a appris beaucoup de mots dans notre langue et réussit beaucoup de petits plats marocains grâce à ma mère et aux vidéos de recettes de cuisine d’internet. Le couscous, mes enfants et leurs amis en raffolent.
L’an dernier, je me suis fixé comme principal objectif d’offrir à mon épouse et à moi-même le voyage au bled et je l’ai réalisé. Ce voyage, nous ne l’oublierons jamais. D’ailleurs, nous pensons revenir très bientôt avec les beaux-parents et quelques couples d’amis. Ils ont été complètement envoutés -c’est le mot qui convient- par les vidéos et photos que nous leur avons envoyées. Moi, ce voyage m’a profondément retourné l’âme. J’ai été complètement sous le choc, notre pays a tant changé. J’ai été impressionné, fier par tout ce que j’ai vu. Par les autoroutes, les gares, les tramways, les constructions modernes, les complexes hôteliers de luxe, les cafés, les restaurants, les entreprises, dans les villes et même dans les campagnes, les grandes surfaces, les galeries, les malls… C’est fou comme les villes se sont embellies et agrandies. Quelle surprise de voir que même à Sidi Slimane, il y a aujourd’hui une grande surface. Bien sûr, nous avons rencontré quelques petits désagréments mais, dans l’ensemble, ça valait le coup d’être le guide de ma femme dans mon pays. Mes parents m’avaient parlé de ces changements, mais je ne pouvais imaginer que cela soit à ce point. Mon épouse m’a avoué que jamais elle n’avait imaginé que notre pays était aussi beau, moderne et tellement attachant. J’ai adoré le moment de mes retrouvailles avec l’ensemble de ma famille, mes amis d’enfance. Nous avons tellement été gâtés. L’hospitalité et la convivialité marocaine, c’est du baume au cœur.
Ce qui m’a par contre dépité, c’est d’avoir eu affaire, un peu par hasard, à des personnes sans éducation, ni politesse. Que le problème de la saleté dans pas mal de boulevards, rues et quartiers s’est amplifié et c’est bien dommage. Celui de la mendicité aussi. Que la conduite en ville et sur les routes est infernale, pas rassurante pour un sou… Parce que sans cela, on pourrait se croire dans un pays occidental.
J’ai été outrageusement vexé par le comportement ordurier de certains conducteurs de petits taxis. Certains sont sales, répugnants et voleurs, je ne comprends pas comment cela est possible. Heureusement qu’ils ne le sont pas tous. J’en ai rencontré plusieurs très aimables, serviables et très professionnels. J’ai été fortement impressionné par la jeunesse qui s’affirme moderne et sans complexe. Avec ma femme, nous avons été heureux, en sécurité. Nous n’avons vu que de belles choses durant notre court séjour. C’est tout ce que je veux garder en mémoire. Je le dis haut et fort: «Vive notre Roi Mohammed VI». Je le remercie du fond du cœur, lui et tous ceux qui œuvrent pour l’essor et la pérennité de notre pays et de ses habitants».
Mariem Bennani