Conseil de la concurrence : Et maintenant, l’activité !

Abdelali benamour dg conseil de la concurrence

Après avoir disposé d’un nouveau cadre juridique, le Conseil de la concurrence doit convaincre du rôle de la libre concurrence.

Après des années d’attente (depuis son installation en 2009), le Conseil de la concurrence a enfin obtenu gain de cause. Dorénavant, il dispose d’un nouveau cadre juridique qui le fait passer, précise son président Abdelali Benamour, «d’une institution consultative à une institution décisionnaire bénéficiant de toutes les compétences reconnues universellement aux autorités de la concurrence».

Fêter le nouveau cadre juridique

C’est justement pour fêter son nouveau cadre juridique, qui lui consacre de larges prérogatives, que le Conseil de la concurrence a organisé à Rabat, jeudi 19 mars 2015, une conférence-débat sur un thème en ce moment particulier, à savoir: «Politique de la concurrence et politique industrielle, vecteurs de la croissance économique».

Y ont pris part des experts nationaux et étrangers qui se sont attelés à décortiquer la relation souvent tendue entre les politiques industrielles et les règles de la concurrence.

Les thématiques de la conférence

Dans son intervention inaugurant cette conférence-débat, le président du Conseil de la concurrence a expliqué les considérations fondamentales qui ont dicté la thématique de cette rencontre. La première, a-t-il dit-il, est que, malgré les efforts quelque part un peu réussis en matière de sensibilisation de l’opinion publique, depuis l’installation du Conseil en 2009, certains aspects importants ayant trait à la politique de la concurrence doivent être plus explicités. La deuxième considération, précise Benamour, plus importante même si elle est intimement liée à la première, est que les décideurs ne semblent pas toujours situer, de façon claire, la manière de positionner leur rôle et leur politique économique dans le cadre d’une économie de marché, laquelle suppose en principe le rejet de tout interventionnisme qui peut travestir la logique de fonctionnement du marché.

Une valeur sociétale

Le président du Conseil de la concurrence s’est évertué à en expliquer le rôle. «La concurrence serait une valeur sociétale qui met en évidence l’idée de mérite, sans rentes non justifiées ou rentes indues», a-t-il souligné. Elle peut générer l’exclusion de ceux qui n’arrivent pas à se positionner dans la course du mérite dès que le droit de la concurrence admet des exceptions sociales signifiant la nécessité d’aider les économiquement faibles, même si cela va à l’encontre de la logique du marché, a expliqué Abdelali Benamour. Il a précisé que le Droit de la concurrence admet alors des exceptions économiques qui signifient aide de l’Etat dans certains domaines (comme les PME) champions nationaux ou activités industrielles, ces exceptions étant également assujetties à des règles d’objectifs et de timing. Il en a donné pour exemple l’expérience brésilienne en la matière. «Après une première phase non concluante du gouvernement Lula, période orientée vers l’aide particulière à certains secteurs, le Brésil a réorienté sa politique vers des aides de l’Etat horizontales, ce qui a donné des résultats plus probants», a-t-il estimé.

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La concurrence, un instrument

Pour l’ancien Commissaire européen dans le domaine de la concurrence, l’Espagnol Joakim Alomia, «la concurrence est un instrument et non une fin en soi. Il est donc impossible d’imaginer une économie forte sans une aide de l’industrie», a-t-il souligné dans son intervention lors de cette conférence-débat. Et de préciser que la politique de la concurrence n’est nullement incompatible avec une industrie forte. On améliore la compétitivité, on favorise l’innovation et on protège les consommateurs, mais également les fournisseurs, c’est-à-dire les petites et moyennes entreprises (PME). De ce fait, Joakim Alomia a préconisé l’installation d’une autorité publique indépendante et un cadre de sanction dissuasif. Il a appelé à corriger les défaillances des marchés qui ne sont pas parfaits. Il a assuré que les interventions de l’Etat pour soutenir la production industrielle doivent se concentrer sur quelques aspects positifs, tels l’installation d’infrastructures qu’il est difficile au secteur privé d’installer et créer les conditions adéquates à même de financer toutes les activités économiques, plus particulièrement celles des PME. Et de mettre en garde l’Etat contre toutes interventions négatives qui se proposent de sauver les entreprises non solvables au détriment des citoyens, expliquant que certaines opérations de sauvetage nécessitent beaucoup d’argent sans pour autant qu’elles soient bénéfiques à la société.

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Les bons choix du Maroc

Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Nizar Baraka, est revenu sur le choix du Maroc concernant l’ouverture sur le monde et les accords de libre-échange avec l’UE, les USA, les pays arabes et la Turquie; un marché énorme d’un milliard de consommateurs et une logique de concurrence saine et loyale suivant les objectifs que le Royaume s’est assignés. Baraka a par ailleurs cité la réussite de l’expérience «Renault» dans la construction des voitures qui a été possible grâce à la participation de l’Etat marocain à la réalisation de ce grand projet à travers un programme d’accompagnement. Une réussite, a attesté le président du CESE, bien que Renault n’ait pas encore atteint sa vitesse de croisière, ce qui n’a pas pour autant empêché le secteur de l’automobile de devenir le premier exportateur du Maroc. Ceci vaut aussi, a attesté Nizar Baraka, pour le secteur de l’aéronautique avec l’installation au Maroc de la célèbre compagnie «Bombardier» en profitant de moult avantages accordés à ce secteur de pointe. Selon lui, la politique d’ouverture prônée par le Royaume et la libre concurrence permettent au consommateur d’accéder aux produits. Il est nécessaire de développer les PME pour renforcer leur compétitivité et favoriser leur accès aux marchés internationaux, a-t-il insisté.
Nizar Baraka, qui était ancien ministre de l’Economie au gouvernement de l’istiqlalien Abbas El Fassi, a soulevé la question de l’intégration de l’informel au sein de l’économie réelle qui nécessite, selon lui, «une approche innovante face à ce véritable concurrent déloyal qui ne paye pas de charges sociales ou fiscales». Et de conclure: «Il y a un sérieux effort à faire pour lutter contre l’informel et contre l’économie de rente. L’implication de l’ensemble des acteurs est indispensable».

Mohammed Nafaa

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