Le mécanisme national de prévention de la torture | Y a-t-il eu un dysfonctionnement ?

Maroc Et Droits De L'homme Khalid Cherkaoui Semmouni

Le 12 décembre 1997, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 26 juin Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture, en vue d’éliminer totalement la torture et d’assurer l’application effective de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Or, le Royaume du Maroc a fait le choix irréversible de s’engager dans le renforcement et la promotion des droits humains. Dans ce cadre, il a entamé un long processus englobant la mise à jour de son arsenal juridique, la création des institutions ouvrant sur les droits de l’homme et la réconciliation avec son passé par l’institution de l’Instance équité et réconciliation. Un processus couronné en 2018 par la création d’un mécanisme national de prévention de la torture, conformément à l’engagement international du Maroc en la matière. Ce mécanisme rattaché au Conseil national des droits de l’homme est un pas important pour parachever l’édification d’un État de droit garantissant le respect des principes des droits de l’homme reconnus universellement.

En effet, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par les Nations unies en 1984, est entrée en vigueur en juin 1987. Elle définit la torture comme «tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne» (article 2 de la Convention).

A cet égard, les Etats parties doivent prendre des mesures concrètes afin d’empêcher la torture à l’intérieur de leurs frontières et il leur est interdit de renvoyer une personne dans un Etat dans lequel il y a une grande possibilité qu’elle y soit torturée. De plus, les Etats parties doivent s’assurer que les actes de torture constituent des infractions au regard de leur droit pénal.

Ainsi, les Etats parties doivent remettre régulièrement des rapports au Comité contre la torture concernant l’obligation de prendre des mesures pour donner effet à leur engagement, et aussi présenter des rapports complémentaires tous les quatre ans sur les nouvelles mesures prises.

Rappelons que le Royaume du Maroc a signé ladite Convention, le 18 janvier 1986 et l’a ratifiée le 21 juin 1993. Aussi, il est devenu partie au protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (OPCAT) adopté le 18 décembre 2002 et entré en vigueur le 22 juin 2006. Le Maroc est le 76ème  Etat partie à avoir ratifié le Protocole facultatif après avoir déposé les instruments de ratification du protocole le 24 novembre 2014.

Tribune | Maroc et Droits de l'Homme

De plus, en application des articles 161 et 171 de la Constitution de 2011, le Parlement marocain a adopté, en 2018, le projet de loi n° 76-15 portant réorganisation du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH). Cette loi a renforcé les prérogatives du Conseil en matière de promotion et de protection des droits de l’homme en harmonisation avec les conventions internationales ratifiées par le Royaume du Maroc.

Les articles 17 et 18 du protocole stipulent la création d’un mécanisme national de prévention de la torture, bénéficiant d’une indépendance fonctionnelle, de l’indépendance de son personnel et d’experts possédant les compétences et les connaissances professionnelles requises disposant d’un staff compétent, indépendant, et des ressources nécessaires à son fonctionnement. C’est ce qui a été d’ailleurs souligné par les experts participant au séminaire car en l’absence de ces fondements, le mécanisme ne jouera pas de rôle préventif et par conséquent, ne contribuera pas à lutter contre les cas de torture et de maltraitance.

C’est alors que la nouvelle loi, portant réorganisation du CNDH, confère à ce dernier les attributions d’un mécanisme, très important, appelé «mécanisme national de prévention de la torture».

Parmi les principales prérogatives de ce mécanisme de prévention figurent: les visites régulières et inopinées à tous les lieux de privation de liberté ; l’accès sans restriction à tous les renseignements concernant le nombre de personnes se trouvant privées de liberté dans les lieux de détention, le nombre de lieux de détention et leur emplacement ; l’accès sans restriction à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention.

Dans ce cadre, je tiens à préciser que les personnes et les organismes qui communiquent des renseignements sur les actes de torture doivent jouir de l’immunité contre tout préjudice ou représailles, ce qui va permettre d’augmenter l’efficacité de ce mécanisme.

Le Roi Mohammed VI, un leader en matière d'aides humanitaires

A vrai dire, le Maroc possède actuellement un mécanisme de prévention de la torture, en tant qu’outil d’enquête important, qui ne permettra jamais aux tortionnaires d’échapper aux conséquences de leurs crimes. En même temps, qui défendra l’image du Maroc devant le Conseil des droits de l’homme quant aux allégations ou accusations au sujet des actes de torture, puisque  la torture au Maroc n’est plus systématique.

Mais, après la création du mécanisme national de prévention de la torture (MPT),  nous attendons toujours des rapports d’évaluation du CNDH concernant les activités entreprises par ce mécanisme. Surtout en ce qui  concerne les visites régulières aux lieux de détention, ou l’’accès aux renseignements relatifs au traitement des personnes détenues et leurs conditions de détention.

En plus, on se demande aujourd’hui quel est le sort réservé au programme «Appui au Mécanisme national de prévention de la torture et au développement du rôle du Parlement au Maroc» (2020-2023), lancé le mois de janvier 2021, lors d’un événement organisé en ligne, initié par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe et mis en œuvre en partenariat avec le CNDH. Or, il s’est écoulé environ six mois depuis la mise en œuvre de ce projet. Est-ce qu’on a renforcé les capacités, l’échange d’expériences avec d’autres pays ? Est ce qu’on a recherché des opportunités de réseautage régionales et internationales ? Est ce qu’on a publié un guide du prisonnier et un manuel de droit pénitentiaire marocain?

Certainement, ce mécanisme n’a pas bien démarré, il y a eu peut- être un dysfonctionnement, sachant qu’il y a une volonté exprimée par l’Etat marocain, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, de respecter les principes des droits de l’homme et de faire de la lutte contre la torture un engagement irréversible .

Par Khalid Cherkaoui Semmouni

Professeur à la Faculté de Droit à Rabat et à l’ISIC

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