L’Arabie géographique est partagée entre plusieurs Etats, dont bien sûr le plus important, l’Arabie Saoudite. Cette division a cependant de profondes racines historiques qui expliquent largement les oppositions et conflits d’aujourd’hui.
L’histoire de l’Arabie préislamique commence dès l’Antiquité. A l’époque de l’Empire romain, les auteurs gréco-latins divisent l’Arabie en trois régions distinctes: l’«Arabie heureuse», au Sud, qui correspond au Yémen actuel; l’Arabie centrale, peuplée de nomades et de sédentaires qui vivent dans l’orbite de l’Arabie heureuse; et l’Arabie septentrionale, sous influence des Empires byzantin et perse. Les Romains et les Grecs voyaient cette contrée comme un pays de cocagne. A l’inverse de l’étendue brûlante, rocailleuse et desséchée, qui devait prendre, au nord, le nom d’Arabie Saoudite, le Yémen aux aspects plus verdoyants paraissait accueillant et relativement fertile. De ces hauteurs qui surplombent la mer Rouge venaient les rares cours d’eau et, surtout, le précieux encens qui faisait monter les prières vers le ciel. Au point que même Pline l’Ancien vantait «l’Arabie dite heureuse, regorgeant de parfums et de richesses».
Cependant, l’Arabie heureuse ne se limite pas à cette zone de hautes terres de l’ancien Yémen du Nord et aux régions voisines du Assir: les marges orientales, appelées Meshreq, avec des oasis (Nadjran, Mārīb notamment) irriguées à partir de petits cours d’eau, ainsi que le Hadramaout au sud-est, série d’oasis prospères échelonnées le long d’une vallée encaissée entre des plateaux arides, se rattachent aussi à l’Arabie heureuse.
Le Coran fait référence à cette période sous le nom de «jahiliya» (ignorance ou paganisme), le polythéisme y étant alors la règle, bien que des groupes juifs (sédentaires, surtout au Yémen et dans le nord, mais aussi dans les oasis, comme à Yathrib, aujourd’hui Médine) et chrétiens (surtout nomades, à Najran ou dans le Yémen) y vivaient.
À la fin du VIe siècle et au début du VIIe siècle, des guerres fréquentes ruinent l’Arabie du Sud et affaiblissent les Perses et les Byzantins, renforçant la situation des Arabes du Centre et du Nord, ainsi que de La Mecque.
Ces régions ont eu une évolution historique particulière grâce aux conditions naturelles originales et à leur isolement du reste de la péninsule arabique, dus à la présence au nord du grand désert du Rub’ al-Khālī. De riches royaumes sédentaires s’y développèrent, prospérant grâce à l’exportation de leurs récoltes de myrrhe et d’encens et au commerce qu’ils pratiquaient entre l’Inde et le monde méditerranéen. Mais ces petits royaumes (Saba, Mā’īn, Kataban, Awsan), dont la chronologie n’a pas encore été fixée de façon certaine, unifiés par les Himyarites, déclinèrent avant même la conquête islamique, dès le VIe siècle. Ils léguèrent cependant à l’Islam naissant d’importantes traditions littéraires orales qui furent incorporées au patrimoine de tous les Arabes.
Le Yémen a toujours occupé une position stratégique, mais jusqu’ici relative, qui est à l’origine d’un étonnant engrenage. C’est si vrai qu’entre 1868 et 1939, la péninsule de Cheikh Saïd, à la pointe avancée de ce territoire dans le détroit de Bab-el-Mandeb (qui ferme la mer Rouge et fait face à Djibouti), faisait partie de l’empire colonial français, même si la présence tricolore n’y fut que légère et épisodique.
Les Britanniques, eux, affirmèrent leur présence à Aden et usèrent de la division tribale dans tout le sud, avant d’en être chassés et de laisser la place à un Etat prosoviétique qui prit le nom de «République démocratique et populaire du Yémen» ou «Yémen du Sud», en 1970. Au nord, la «République arabe du Yémen» ou «Yémen du Nord», avec Sanaa pour capitale, qui demeura ottomane jusqu’en 1918, fut l’objet d’une guerre civile entre les royalistes, appuyés par les souverains wahhabites de Riyad et les partisans républicains, soutenus par l’Egypte de Nasser. Le 18 septembre 1962, l’imam Ahmad bin Yahya, roi du Yémen, meurt dans son sommeil. Son fils aîné, al-Badr, lui succède sur le trône. Cependant, il est déposé par un coup d’Etat mené par de jeunes officiers soutenus par l’Egypte nassérienne: c’est ainsi que la République Arabe du Yémen (plus connue sous le nom de Yémen du Nord) est créée. Le soutien égyptien au coup d’Etat inquiète l’Arabie Saoudite voisine qui décide d’aider les troupes royalistes à remettre al-Badr sur le trône. Commence alors une guerre civile qui dure presque une décennie, en raison principalement des intérêts égyptiens et saoudiens dans le conflit qui font échouer les tentatives de paix.
En 1990, ces deux républiques fusionnent. Ali Abdallah Saleh prend le pouvoir, concentre tout entre ses mains au point de garder les rênes jusqu’en février 2012, tandis que les tensions régionales persistent et s’aggravent. Dès 1994, dans le nord, à Saada, les houthistes (de confession zaydite, une branche dérivée du chiisme) s’agitent. Au sud, une véritable sécession est réprimée dans le sang par Saleh.
L’Arabie Saoudite
On date la révélation du prophète Mahomet à environ 610. Les premières années sont difficiles et les musulmans sont souvent persécutés, certains migrent vers l’Abyssinie. En 622, Mahomet, chassé de La Mecque, se réfugie à Médine: c’est l’an I de l’Hégire. A partir de cette date, il commence à étendre son audience et son pouvoir (Tribus musulmanes et juives de Yathrib) et parvient à conquérir La Mecque. À sa mort en 632, il a conquis toute la péninsule arabique.
L’intense activité militaire et diplomatique qu’a été la Ridda peut être considérée comme la répression d’une apostasie, une reconquête ou une conquête. Un exemple: le cas particulier de Musaylima (Banû Hanifâ), dernière confédération de tribus du Hedjaz à être réfractaire aux demandes musulmanes. D’autres exemples isolés sont Ayhala le Noir au Yémen, Tulayha al-Asadî dans le Nedjd et la prophétesse Sajâh des Tamîm et des Taghlib.
Quand le flambeau du pouvoir politique et militaire de l’islam passe de La Mecque et Médine à Damas à la fin du VIIe siècle, puis à Bagdad, le rôle du Hedjaz et de l’Arabie entame un déclin de plusieurs siècles. La majeure partie de l’Arabie demeure une zone frontière, isolée et fragmentée en tribus rivales. Avec la chute du calife abbasside en 1258, l’autorité sur les Lieux-Saints du Hedjaz passe entre les mains de l’Égypte mamelouk. Elle revient ensuite aux Ottomans quand les Turcs conquièrent l’Égypte en 1517. L’intérieur de la péninsule connaît alors une évolution séparée qui mène à l’émergence de la famille Al Saoud au XVIIIe siècle. Matant les autres clans rivaux, tels que les Al Rachid, les Al Saoud parviennent à la domination du Nejd, région de plateaux située au centre de la péninsule arabique. Avec comme capitale Riyad, cette région constitue toujours le noyau du pouvoir de la famille royale.
Bahreïn
Bahreïn est l’un des lieux emblématiques de la civilisation Dilmun, avant de tomber sous les dominations successives des empires Parthe et Sassanide. La région est convertie à l’islam en 628, ce qui en fait l’un des premier pays musulmans. Après une période de domination par les Arabes, Bahreïn est occupé par les Portugais en 1521, avant d’être conquis par le Chah Abbas Ier de l’empire perse des Safavide en 1602. En 1783, la tribu arabe Bani Utbah, venue du centre de la péninsule Arabique, s’empare de l’île et le pays est depuis dirigé par la famille royale Al Khalifa. A la fin des années 1800, Bahreïn devient un protectorat britannique et ce n’est qu’en 1971, à la suite du retrait britannique de la région à la fin des années 1960, que Bahreïn déclare son indépendance. Initialement créé comme un Etat, le pays se constitue en royaume sous l’impulsion de l’émir Hamed ben Issa al-Khalifa qui devient le roi Hamed II. Le système politique est une monarchie. Depuis le début de l’année 2011, le pays a connu des manifestations soutenues et répétées, inspirées par les mouvements du Printemps arabe, principalement menées par la population de confession chiite.
Koweït
La ville historique, appelée Grèn par les Perses, a été désignée sous le nom de Kuwayt (l’embrasure) par les marins, devenu Kouet, puis Koweït.
Le Koweït actuel fut fondé par la famille d’Al-Sabah en 1715 et au XVIIIe siècle, les voiliers koweïtiens faisaient du commerce avec les Indes orientales.
En 1776, de nombreux marchands quittent Bassorah tombée aux mains de la Perse et s’installent dans la ville de Koweït. La Compagnie anglaise des Indes orientales suivit le mouvement. Ce fut l’une des causes de l’enrichissement de cette ville.
En 1826, une flottille koweïtienne se lança à l’aide de la ville de Bassorah assiégée par des tribus. En 1841, un accord est conclu avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande pour cesser la traite des esclaves et garantir la sécurité des mers.
En 1856, une flottille de la Royal Navy fit escale dans la ville de Koweït, les Britanniques, alors en guerre avec la Perse, offrirent leur protection et demandèrent l’établissement d’un dépôt de charbon. Le cheik Djaber I refusa ces propositions, mais accepta qu’aucune autre puissance, y compris l’Empire ottoman, n’en installe. La souveraineté de celui-ci sur le Koweït n’a été que nominale bien qu’en 1871 cette dernière fût instituée, sous pression militaire, sous-préfecture et le cheik Abdallah Al-Sabah nommé sous-préfet. En 1899, celui-ci conclut un traité de protectorat avec le Royaume-Uni. Le 13 novembre 1914, un traité d’alliance entre le Koweït et la Grande-Bretagne fut signé et le Koweït entreprit des opérations contre l’Empire ottoman. A la suite de l’attaque d’un navire koweïtien sous pavillon turc, le cheik créa le premier drapeau koweïtien. Sous protectorat britannique après guerre, les frontières avec l’Irak ont été définies par les accords d’Akir de 1922-1923 et huit îles, dont Bubiyan, ont été rattachées au Koweït.
Oman
La région d’Oman était connue à l’époque sumérienne sous le nom de Magan. Oman constitua l’une des satrapies de l’Empire perse lorsqu’elle y fut incorporée, vers 536 av. J.-C.
L’histoire d’Oman ne commence véritablement qu’en l’an 751 de notre ère, avec l’élection du premier imam ibadite à Nizwa. Le pays fut partiellement occupé par les Portugais de 1507 à 1650, puis par les Perses de 1737 à 1744. La lignée actuelle des sultans d’Oman, fondée en 1749 par Ahmed ibn Said, établit sa capitale à Mascate en 1779.
Au début du XIXe siècle, Oman était devenu le centre d’un véritable empire colonial qui s’étendait du Balouchistan à Zanzibar. Le sultanat fut placé de fait sous protectorat britannique de 1891 à 1971, tout en conservant nominalement son indépendance. De 1965 à 1976, le pays fut le théâtre d’une violente insurrection communiste, dite guerre du Dhofar, provoquée par les mauvaises conditions socioéconomiques d’une partie de la population. Ce soulèvement fut réduit avec l’aide des forces britanniques et iraniennes
En 1970, le sultan Said ibn Taymour, d’une nature despotique, a été évincé par son fils, l’actuel sultan Qabus bin Said Al Said. Qabus a entrepris depuis l’amélioration économique du pays, tout en maintenant la paix avec tous les autres pays du Moyen-Orient. L’ONU a classé le sultanat parmi les dix pays ayant connu le plus fort développement depuis 1970. En 1980, un accord est signé pour une base militaire des États-Unis sur l’île Masirah, utilisée ensuite pour des opérations dans le golfe Persique.
En 1996, le sultan a promulgué un décret clarifiant les règles de succession, instituant un conseil bicaméral doté de certains pouvoirs législatifs, un Premier ministre et garantissant des libertés civiles de base pour les citoyens omanais. En 2003, la chambre basse du conseil a été librement élue pour la première fois.
En 2011, le sultanat est prospère. Le revenu par habitant atteint 25.000 dollars par an. Selon le rapport de l’ONU (2010), les secteurs de la santé et de l’éducation ont nettement progressé: la population est à 85% alphabétisée et éduquée.
Emirats Arabes Unis
Devenu une véritable plaque tournante pour le commerce, le port d’Omana (à présent Umm al-Qaiwain) est utilisé par les marchands pour transporter leurs marchandises de la Syrie et du sud de l’Irak jusqu’en Inde. Le commerce de perles commence à se développer et à s’imposer comme un commerce important dans la région. En 630 après J.-C., les émissaires de Mahomet arrivent dans la région et convertissent la population à l’islam. Les armées islamiques se servent de Julfar (à présent Ras el Khaïmah) comme avant-poste pour conquérir l’Iran. Au fil du temps, Julfar devient un centre perlier et un port important pour le commerce dans l’océan Indien.
La prospérité et le développement moderne que connaissent aujourd’hui les Émirats Arabes Unis sont en grande partie le fruit des efforts de Zayid, premier président des E.A.U. Le nouvel État naît dans une période d’instabilité politique dans la région. Deux jours avant sa création, l’Iran reprend le contrôle des îles de la Petite et Grande Tunb qui font partie de l’émirat de Ras el Khaïmah. Des troupes iraniennes débarquent également à Abu Moussa, un territoire de l’émirat de Charjah.
Sous la présidence de Zayid, les E.A.U. envoient des troupes afin de combattre pour la libération du Koweït en 1990-1991 et contribuent au mouvement pour le maintien de la paix au Kosovo. Sous son influence, les E.A.U. connaissent un essor économique leur permettant de se développer rapidement et de devenir une force importante dans la région. A sa mort, son fils aîné, le cheikh Khalifa ben Zayed Al Nahyane, lui succède en qualité de président des E.A.U. et de souverain d’Abou Dabi.
En 2011, le pays n’est pas touché par la vague de protestations et de révolutions dans le monde arabe en 2010-2011, mais le gouvernement prend une série de mesures d’achat de la paix sociale et de mesures répressives en prévention.
Qatar
Le Qatar est l’un des nombreux et récents émirats de la péninsule Arabique. Après avoir été dominé par les Perses pendant des milliers d’années, puis plus récemment par Bahreïn, les Ottomans ou encore les Britanniques, il devient un État indépendant le 3 septembre 1971. À la différence de la plupart des émirats voisins, le Qatar a refusé de devenir un membre des Émirats Arabes Unis, ainsi que de l’Arabie Saoudite.
La Seconde Guerre mondiale remet en cause l’emprise des Britanniques sur leur Empire, particulièrement quand l’Inde devient indépendante en 1947. L’incitation à un retrait semblable des émirats du Golfe s’accélère pendant les années 1950 et les Britanniques accueillent bien la déclaration d’indépendance du Koweït en 1961. Sept ans plus tard, ils annoncent officiellement qu’ils se désengagent (politiquement, mais pas économiquement) du Golfe dans un délai de trois ans. Le Qatar, Bahreïn et sept autres États forment une fédération. Néanmoins, des conflits régionaux amènent le Qatar à déclarer son indépendance vis-à-vis de la coalition qui devient les Émirats Arabes Unis. L’année 1971 marque la naissance du Qatar comme Etat souverain qui devient membre de l’Organisation des Nations Unies.
Depuis 1995, le Qatar est dirigé par l’émir Hamad bin Khalifa Al Thani, qui a pris les commandes du pays en renversant son père Khalifa bin Hamad Al Thani, alors que celui-ci était en vacances en Suisse.
Patrice Zehr