Hollande, comme un émir dans le Golfe

President hollande invite d honneur au ccg mai 2015

Multiplication des contrats d’armements ou économiques, traitement exceptionnel au cœur des décisions politiques des monarchies du Golfe, le président Hollande a droit à des égards exceptionnels qui révèlent en fait le malaise avec les USA.

Les monarchies sunnites du Golfe arabique ne veulent absolument pas que, géopolitiquement, le golfe devienne plus Persique qu’Arabique. Ils sont donc très intéressés par le positionnement français sur de nombreux sujets de crise entre le monde sunnite et chiite, en rupture de plus en plus net avec celui des Américains. C’est vrai sur le régime syrien, mais surtout sur les négociations nucléaires avec l’Iran. Paris est plus ferme que Washington.
Le nouvel axe anti-djihadistes du califat, qui se dessine entre Washington et Téhéran, paraît inacceptable aux monarchies du Golfe. Paris apparaît donc comme un allié au cœur de l’Union européenne pour peser sur les Anglo-Saxons. Car le Golfe si pétrolier, après avoir été la chasse gardée de l’empire britannique, est de venu un partenaire privilégié des USA jusqu’à ce jour.
Les choses sont en train de changer, même si le poids de la France n’est bien sûr pas celui des USA.
Cependant, la France a spectaculairement resserré ses liens avec les monarchies du Golfe lors de la visite de François Hollande marquée par la vente du Rafale au Qatar et la perspective de «dizaines de milliards d’euros» de contrats avec l’Arabie Saoudite.

Le chef de l’Etat français avait déjà salué le «bon choix» du Qatar pour l’achat de 24 avions de combat Rafale, un contrat estimé à 6,3 milliards d’euros. Et, en marge de sa visite à Ryad, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a annoncé que l’Arabie Saoudite et la France discutaient de 20 projets économiques «représentant plusieurs dizaines de milliards d’euros» s’ils étaient «menés intégralement à bien».
La France récupère les fruits de sa politique extérieure ferme au Moyen-Orient, ainsi que les conséquences des hésitations des Etats-Unis. «La France bénéficie d’une conjonction particulière», observe Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). «D’une part, les tergiversations de l’administration Obama en Syrie et le lâchage du dirigeant égyptien Hosni Moubarak en 2011 ont provoqué une défiance chez les monarchies du Golfe. D’autre part, l’attitude de la France, son rôle dans l’intervention en Libye en 2011 et son insistance à punir le régime de Bachar Al-Assad inspirent la confiance».
Le président François Hollande était «l’invité d’honneur» du sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG), devenant ainsi le premier chef d’Etat occidental à participer à une telle réunion aux côtés des dirigeants d’Arabie Saoudite, de Bahreïn, des Emirats Arabes Unis, du Koweït, d’Oman et du Qatar.
Cinq des six Etats du CCG se sont alliés fin mars avec quatre autres nations arabes pour freiner l’avancée de rebelles chiites au Yémen et contrer ce qu’ils perçoivent comme une tentative de mainmise de l’Iran sur ce pays de la péninsule Arabique.
A l’ouverture du sommet, le roi Salmane d’Arabie Saoudite a fait une allusion à peine voilée à l’Iran chiite considéré comme le principal rival régional des pays sunnites du Golfe. Il a dénoncé une menace extérieure qui «vise à étendre le contrôle et à imposer son hégémonie» sur la région «par la sédition confessionnelle».
La guerre au Yémen -où une coalition sous commandement saoudien poursuit des raids aériens contre les rebelles Houthis soutenus par Téhéran- constituait la toile de fond du sommet de Ryad.
«Les monarchies du Golfe se tournent vers un autre allié», abonde Philippe Moreau Defarges. La France entretient des relations avec les pays du Golfe depuis De Gaulle, souligne le chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Au-delà de ces contrats commerciaux, Philippe Moreau Defarges s’interroge sur la participation du président français au sommet du Conseil de coopération du Golfe. «Cela pourrait être interprété comme un engagement auprès des monarchies sunnites du Golfe, aux dépens notamment de l’Iran chiite, mais aussi de la Turquie ou de l’Egypte. Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier».
En France, des critiques se font jour plutôt sur le non-respect des droits de l’homme et surtout sur les soupçons de financement du terrorisme islamique par certains pays de la région, dont bien sûr le Qatar.

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Patrice Zehr

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