Notre hantise, ce fil fragile…

Depuis quelques temps, au Maroc, un débat en chasse un autre autour de questions qui, curieusement, finissent toutes par être liées à la morale, aux valeurs, à la religion et à… L’image du pays.
La réforme de la loi sur l’avortement, un film sur la prostitution (Much Loved), la dépénalisation ou non de l’homosexualité, le show suggestif de Jennifer Lopez… Waw… On n’a pas fini de suivre (ou de participer à) un combat de coqs sur une problématique qu’il en surgit un autre ! Inlassablement, «l’opinion publique» se retrouve déchirée entre, d’un côté, les pourfendeurs et, de l’autre, les défenseurs, de telle ou telle cause… Et ce, avec toute la violence du verbe et l’agressivité que l’on se permet de plus en plus aujourd’hui.
Il apparaît clairement, désormais, qu’il y a bien au Maroc deux visions différentes: celle des conservateurs et celle des modernistes, mais pas seulement… Car les choses sont encore plus compliquées.

En effet, qu’il y ait des conservateurs et des modernistes au Maroc, cela n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est cette tendance, de plus en plus perceptible, des conservateurs à imposer leurs règles à l’ensemble du pays, décideurs compris.
Il est vrai que la société marocaine a toujours été majoritairement conservatrice. Il est également vrai qu’un gouvernement dirigé par des Islamistes n’est pas le mieux placé pour booster la modernité. Mais aujourd’hui, avec Al-Qaida, Daech et la lame d’activisme pseudo-islamiste qui a mis sens dessus-dessous le monde, il y a une avancée notable –et qui va croissant- des conservateurs, dans les sociétés arabo-musulmanes. Y compris dans celles où la modernité avait marqué des points, comme l’Egypte, le Liban, ou le Maroc.
Il n’y a donc pas de surprise à ce que les débats, chez nous, soient aussi vifs et tranchés.
Les conservateurs, influencés par la montée en puissance du fondamentalisme dans le monde, deviennent encore plus conservateurs. Et les modernistes, effrayés par ce qui menace de plus en plus les libertés, mettent toutes leurs forces dans le combat, si ce n’est pour avancer, au moins pour préserver les acquis. C’est dans ce sens que nous tous modernistes, au Maroc, donnons de la voix, chaque fois qu’il nous semble qu’il y a risque d’atteinte à une liberté: la liberté de filmer ce qu’on veut en se contentant de se conformer à la loi, la liberté pour les adultes de disposer librement de leur corps, la liberté de recevoir un show de niveau international… Car, aujourd’hui, la vigilance est de mise. La progression de l’obscurantisme, quand elle n’est pas brutale sur les champs de bataille, elle est sournoise et déterminée dans les sociétés en paix, notamment quand les modernistes baissent la garde. Quand on met en avant la morale ou les valeurs pour interdire telle activité, ou pénaliser tel acte qui relève des libertés individuelles, on facilite cette progression sournoise… Il faut arrêter d’agiter la morale, les valeurs, la religion et l’image du pays, sous notre nez, chaque fois qu’il y a débat sur une liberté ! Il ne faut pas permettre que des familles soient agressées, ou que des manifestations soient organisées devant leur porte, juste parce que leurs proches ont été condamnés pour homosexualité. Cela ne se faisait pas au Maroc. De nombreux homosexuels ont vécu librement, dans les quartiers populaires, sans être agressés par les citoyens, ni jetés en prison par les autorités. Aujourd’hui, ils le sont. Si cela ne veut pas dire que le pays se radicalise, alors, la progression sournoise est en bonne voie. Notre hantise, c’est la rupture de ce fil fragile qui sépare notre Maroc moderniste et ouvert, du tout-obscurantisme que l’on voit ailleurs. A force d’influence, les conservateurs deviennent ultra-conservateurs ; et à force de manches perdues, les modernistes perdront la partie. Or, le combat ne doit pas être gagné par les obscurantistes. On les a vus à l’œuvre quand ils ont gagné. Regardons ce qu’est devenue Mossoul pour ne prendre que l’exemple de cette ville où Daech fête, cette semaine, une année d’occupation. Les habitants qui n’ont pas été décapités y vivent comme dans une prison. Ils n’ont droit à rien. Ils n’ont aucune liberté, pas même celle de quitter la ville, à moins de donner aux hommes de Deach tous leurs biens. Et encore, faut-il qu’ils s’en sortent vivants ! Leur mode de vie est celui d’il y a 10 siècles, le bonheur en moins. Cela est-il suffisamment expliqué, avant que certains de nos compatriotes ne se laissent berner par les mirages des paradis promis par les islamistes radicaux ?

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Bahia Amrani

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