L’alliance anti Daech : Stratégie et contradictions

Force anti daech

C’est un sujet sur lequel il convient de revenir, car de la victoire contre Daech dépend la stabilité et la lutte contre le terrorisme dans de nombreux pays du monde.

Pour le moment, la stratégie de la coalition internationale est un échec, comme l’a admis la conférence de Paris.
Il est bien évident que les pays arabes sunnites ne peuvent accepter que la guerre contre l’organisation Etat islamique débouche sur une mainmise des chiites et donc de l’Iran sur une vaste partie du Machrek arabe. Les pays du Golfe, qui ont financé et soutenu Daech dans la protection des sunnites d’Irak et de Syrie, se trouvent maintenant dans une guerre contre une organisation dont ils ont voulu se servir et qui est devenue une menace.
Les alliés occidentaux, eux, ne veulent rien faire qui conforte Al-Assad et soutiennent un gouvernement irakien qui n’arrive pas à rétablir une unité nationale inter-ethnique et surtout confessionnelle.
C’est la quadrature du cercle.

C’est pourquoi le bilan de la conférence de Paris est plus que mitigé. Un point crucial a été bien vu. La coalition internationale réunie à Paris appelle le Premier ministre irakien à réintégrer la communauté sunnite marginalisée. L’objectif était d’étudier les mesures à prendre pour stopper l’avancée de Daech en Syrie et en Irak où elle contrôle de vastes pans de territoire. Car, malgré les 4.000 raids aériens effectués en dix mois par la coalition internationale, Daech a conquis les villes de Palmyre en Syrie et de Ramadi en Irak, s’assurant ainsi une continuité territoriale entre les deux pays.
Les raids auraient fait cependant plus de 10.000 morts dans les rangs des partisans du califat auto-proclamé -mais c’est loin d’être suffisant.
Plus de 10.000 militants du groupe Etat islamique ont été tués depuis le début des raids aériens de la coalition internationale contre les jihadistes en Irak et en Syrie il y a neuf mois, a indiqué mercredi 4 juin le numéro deux de la diplomatie américaine, Antony Blinken. «Nous avons vu des pertes énormes au niveau de Daech». Interrogé sur la validité de la stratégie de la coalition, qui a mené plus de 4.000 raids en neuf mois, mais n’a pas pu empêcher le groupe Etat islamique de progresser, M. Blinken a défendu des «progrès importants». L’EI contrôle «25% de moins de l’Irak depuis neuf mois, beaucoup de matériel a été détruit par la coalition et beaucoup d’adhérents de Daech ont été éliminés», a-t-il dit, tout en reconnaissant «la résilience» de l’organisation djihadiste.
De son côté, l’ambassadeur irakien à Paris, Fareed Yasseen, s’est félicité sur la radio Europe 1 de prochaines livraisons d’armes de la coalition à l’Irak.
Les alliés, qui ne veulent pas consolider Damas, ni soutenir une intervention iranienne au sol, tentent de jouer malgré les difficultés et revers la carte irakienne. Pour les analystes américains, cependant, l’armée irakienne n’est pas prête et les Américains sont partis trop tôt, prenant le risque de faire tomber Bagdad, comme autrefois Saigon.
Présent à la réunion qu’il coprésidait avec ses pairs français et américain, le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, s’en est pris à la coalition, dont la stratégie est selon lui un «échec». Mais lui-même est critiqué par Washington pour sa gestion de la guerre contre Daech.
Le plan présenté par Haider al-Abadi prévoit d’accélérer le soutien aux combattants tribaux de la province d’Al-Anbar, afin qu’ils luttent contre Daech aux côtés des forces irakiennes et de garantir que toutes les forces qui participent à la libération de la province opèrent sous le commandement et le contrôle du Premier ministre et de la chaîne de commandement irakienne. Washington et ses alliés arabes sunnites de la coalition craignent en effet les exactions des milices chiites irakiennes, soutenues par Téhéran et fer de lance de la lutte contre Daech.
Si la majorité des Irakiens sont chiites, ceux qui vivent dans les zones contrôlées par Daech sont sunnites. Ces derniers n’ont pas envie de se battre pour un gouvernement dominé par les chiites auquel ils ne font pas confiance.
Le gouvernement de Damas semble peiner face à Daech et cela paraît réjouir les alliés. C’est vraiment une satisfaction politique qui, militairement, est plus que risquée. Surtout que, si Damas est menacé, cela risque de pousser Téhéran à l’intervention directe pour sauver son allié avec l’aide de la Russie qui semble revenir dans le jeu à la demande maintenant même des Irakiens.
Une guerre qui sera très difficile à gagner militairement et qui, politiquement, risque de bouleverser les équilibres du monde arabo- musulman comme, décidément, les Américains, qui ont ouvert la boîte de Pandore, ne l’avaient certes pas prévu.

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Patrice Zehr

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