Tunisie | Le gouvernement Bouden à l’épreuve d’un contexte difficile et de grands défis

L’annonce officielle lundi de la composition du nouveau gouvernement tunisien a mis un terme à des contractions douloureuses et à des fortes spéculations, mais il n’a pas donné lieu, en revanche, à des surprises.

Un gouvernement de mission, de sauvetage, d’union nationale, de conduite de réformes, de lutte contre la corruption, comme le souhaite de tous ses vœux le président Kaïs Saïed. C’est tout à la fois.

Ce gouvernement resserré, formé de 25 membres, a enregistré le retour de l’ancien ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine, congédié par le chef de gouvernement limogé, Hichem Mechichi, le maintien de quatre ministres (Affaires étrangères, Santé, Finances et Education) et l’arrivée de 20 nouveaux postulants à différents portefeuilles, très peu connus pour leur engagement politique, mais proches du Président de la république.

Certaines figures viennent essentiellement de l’administration et de l’université. D’autres sont issues de la magistrature et des entreprises publiques et une autre catégorie est constituée de technocrates et d’experts. Enfin, un dernier groupe est formé de personnalités connues pour être proches du Président Saïed, en prenant une part active dans sa campagne électorale lors de l’élection présidentielle de 2019.

Manifestement, la tâche confiée à la nouvelle cheffe de gouvernement, autre inconnue de la scène politique, s’annonce périlleuse, ardue mais non impossible.

Le nouveau gouvernement aura une mission plutôt technique que politique. Ses prérogatives et sa durée de vie dépendront largement de la durée des mesures exceptionnelles décidées depuis le 25 juillet dernier et définies dans le décret 117 en date du 22 septembre 2021.

Les propos du président Saïed du lundi n’ont pas levé l’équivoque, car tout en réaffirmant que les dispositions exceptionnelles seront limitées dans le temps, mais au regard de la persistance d’un péril imminent, elles ne vont pas être levées de sitôt.

Avec une marge de manœuvre réduite au regard des pouvoirs très étendus conférés à la présidence de la république, Mme Bouden marchera sur un terrain escarpé. Dans le contexte complexe que vit le pays, elle n’aura pas droit à l’erreur et sera obligée de travailler en étroite collaboration avec le Chef de l’Etat.

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Dans tous les cas de figure, cette femme, propulsée à la Kasba (siège de la présidence du gouvernement) et venue du monde universitaire, aura la charge lourde de conduire un gouvernement dans un contexte politique, économique et social difficile et incertain.

En prenant publiquement la parole, le 11 octobre dernier, pour présenter son équipe ainsi que les priorités de l’action de son gouvernement, la nouvelle cheffe de gouvernement s’est montrée à la fois confiante et déterminée.

Elle est résolue à inscrire l’action du nouveau gouvernement autour de cinq priorités, qui s’apparentent, selon les observateurs, plus à une déclaration d’intention qu’à un programme.

Il s’agit, en premier lieu, de la restauration de la confiance en l’Etat tunisien, qui pendant plus de dix ans, a fait montre de signes d’affaiblissement avancé.

L’objectif étant de donner un signal fort aux citoyens, aux jeunes et aux partenaires étrangers sur la capacité des services publics de fournir des prestations de qualité et d’appliquer la loi d’une manière transparente et rigoureuse.

Le deuxième chantier, et non des moindres, consiste à redonner aux citoyens l’espoir en un avenir meilleur par l’amélioration des conditions de vie et l’ouverture de perspectives devant toutes les compétences, alors que le troisième volet de ce plan d’action a trait à l’efficacité de l’action gouvernementale.

Viennent en quatrième lieu, la priorité de la relance de l’activité économique et enfin, l’action du gouvernement qui sera focalisé sur l’amélioration du pouvoir d’achat des Tunisiens, de l’amélioration du rendement des services publics et de la garantie des conditions de sécurité des citoyens.

Dans cette feuille de route annoncée, aucune mention n’a été donnée à la question épineuse des finances publiques ni sur les moyens qui seront mis en œuvre pour mobiliser les fonds nécessaires pour boucler le budget de l’état pour l’année en cours qui accuse un trou évalué à 8 milliards de dinars (1 euro = 3,30 dinars).

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La cheffe de gouvernement a préféré rester évasive sur ce chapitre soutenant que “le gouvernement se mobilise pour servir les intérêts de la Tunisie et pour répondre aux attentes et aspirations des tunisiens”.

D’ailleurs, le dernier communiqué publié le 6 octobre dernier par la Banque Centrale de Tunisie sonne le tocsin. Il met le nouveau gouvernement devant ses responsabilités en exprimant sa préoccupation concernant le tarissement aigu des ressources financières extérieures, les craintes des bailleurs de fonds internationaux au vu de la détérioration de la notation souveraine de la Tunisie et l’absence d’un nouveau programme avec le FMI.

La question du rétablissement de la confiance n’est pas non plus une entreprise facile dans la mesure où le nouveau gouvernement fait face au défi de relancer les négociations avec le FMI pour trouver des financements, identifier les ressorts nécessaires pour relancer l’activité économique.

Cela est d’autant plus vrai que la croissance est en berne depuis 10 ans, l’inflation ne cesse de grimper (6% par an) et la pandémie de Covid-19 a mis le pays à l’arrêt le privant de cruciales recettes touristiques.

Le PIB a plongé de 8,8% en 2020, une chute qui devrait être à peine compensée de moitié en 2021 : +4% de croissance prévue par la Banque mondiale.

En même temps, la dette extérieure devient de plus en plus peu soutenable approchant les 80% du PIB. La Tunisie va incessamment devoir rembourser 4,5 milliards d’euros sur l’année en cours et ce, au moment où elle a besoin d’une rallonge budgétaire de 5,7 milliards d’euros pour boucler le budget de cette année.

LR/MAP

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