Les deux Chambres du Parlement ont clôturé, le vendredi 24 juillet dernier, la session parlementaire de la session d’avril de l’année législative 2014-2015.
Une session qui a battu les records de l’absentéisme !
Le Reporter a cependant pu recueillir quelques conclusions de députés présents.
Leurs conclusions…
Ali Kabiri, député du Mouvement Populaire
«C’est une session marquée par des textes fondamentaux»
Comment appréciez-vous la session parlementaire qui vient de s’écouler?
La session parlementaire que nous venons de clôturer a été exceptionnellement longue, mais elle a eu le mérite d’être marquée par l’approbation de fondamentaux concernant la future structure de l’Etat marocain, à savoir la régionalisation. La session a ainsi été l’occasion de voter les quatre textes fondamentaux. C’est une session qui a été également marquée par l’évolution du rôle de la femme au sein des institutions représentatives. Il s’agit là d’un nouvel acquis pour notre démocratie. Nous nous plaçons avec cette nouvelle disposition parmi les pays précurseurs donnant à la femme la possibilité de participer à la gestion de la chose politique.
Sur le plan diplomatique, c’est une session qui a connu un succès au sein des instances régionales et internationales. Elle a permis au parlement de voter des conventions qui étaient en attente, renforçant ainsi les droits de l’homme et de la femme.
Et pour ce qui est de l’arsenal juridique concernant les élections?
L’arsenal juridique a été complété et a répondu à un besoin qui ne date pas d’aujourd’hui, celui de regrouper les familles politiques. Nous avons apporté, à l’occasion de cette session, un amendement à la loi sur les partis politiques permettant aux formations politiques qui le désirent d’aller ensemble aux opérations électorales à venir, notamment les petits partis politiques qui peuvent se constituer en groupements, chose qui n’était pas permise avant l’amendement de la loi sur les partis politiques.
Qu’a fait le parlement ou qu’avez-vous fait pour réconcilier les citoyens avec la politique et les politiciens?
Je pense que, pour réconcilier le peuple avec la chose politique, il ne suffit pas de produire des textes, quelle que soit leur valeur. Parce qu’il s’agit en substance de l’implication du plus grand nombre de citoyens dans la gestion des affaires publiques. J’estime que la responsabilité des partis politiques est pesante au niveau de ce volet-là. Il faut choisir les hommes et les femmes qui sont à même de donner une nouvelle connotation à la gestion de la chose publique.
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Nouzha Skalli, députée du PPS et ex-ministre du Développement social et de la Famille
«Il faut compléter l’arsenal juridique»
Quel bilan pour cette session printanière du parlement?
Le bilan de cette session parlementaire peut être qualifié de positif. Notamment pour ce qui est de l’adoption de lois organiques très importantes, plus particulièrement en matière électorale. Un bilan positif pour la mise en œuvre de la régionalisation et pour les prochaines élections communales provinciales et régionales, mais aussi pour l’élection de la Chambre des conseillers pour laquelle ont été adoptées des mesures à même d’améliorer de façon très sensible la représentation des femmes pour assurer 1/3 des sièges au niveau des régions et plus de 27% au niveau des groupes. C’est pourquoi je dis que le bilan de cette session printanière est très positif.
Qu’en est-il des lois adoptées?
Le nombre global de lois qui ont été adoptées est aussi très important et montre que la session a été très productive. Les lois organiques ont été adoptées. Elles concernent le système judiciaire, le Conseil supérieur de la magistrature, notamment le statut des juges. Ici, un travail important a été fait et qui, malheureusement, n’a pas pu être couronné par l’adoption, en session plénière, de cette loi organique. Voilà donc deux domaines fondamentaux de la mise en œuvre de la Constitution qui ont, aujourd’hui, franchi des pas importants. Nous ne pouvons que nous en féliciter tout en souhaitant que ce travail continue pour pouvoir compléter l’arsenal juridique, notamment les lois organiques, à l’instar de la loi sur la grève ou de celle concernant la langue amazighe; mais aussi d’autres lois toutes aussi importantes qui n’ont pas pu être adoptées ? Cela, nous ne pouvons que le regretter. Ceci n’incombe pas au parlement, mais plutôt au gouvernement. Il s’agit de la loi sur l’Instance de la parité, de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, de la loi concernant la prise en compte du droit des personnes en situation de handicap. Ce sont des lois qui nécessitent encore des efforts pour les faire adopter, parce que leur adoption est une urgence.
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Abdallah Bouanou, chef du groupe PJD à la Chambre des représentants
«La problématique des élites est un défi réel»
Quel bilan de la session printanière que vous venez de clôturer et qui a été, somme toute, assez longue?
Je dirais que le bilan a été positif et honore le pays, la majorité et même l’opposition. Pour certains aspects concernant le contrôle et les questions normales, nous avons franchi des pas importants. Nous espérons que la prochaine session sera meilleure pour compléter plus particulièrement l’arsenal législatif.
Il est regrettable que cette session ait connu le plus grand nombre de déviations par rapport à la Constitution, la loi et le règlement intérieur. L’opposition a enregistré le plus grand nombre de demandes de report des réunions des différentes commissions, comme les commissions de l’intérieur, de la justice et de la législation… Idem pour le retrait des commissions: l’opposition est également en tête. Il y a l’obstruction faite par l’opposition concernant les commissions parlementaires, qui prend un tournant grave menaçant la globalité de l’action parlementaire.
Quels défis pour les élections ?
J’évoquerai ici deux défis qui nous font peur. Il s’agit tout d’abord de l’utilisation de l’argent qui pourrait venir des trafiquants de drogue qui financeraient les campagnes électorales. En ce qui concerne le choix des candidats qui ont des relations avec ces trafiquants de drogue, ils pourraient noyer les élections d’argent sale. Le deuxième défi concerne ces déclarations qui reviennent à chaque occasion dont les auteurs menacent de boycotter les élections. Comme pour dire, lorsque tout va pour le mieux et que les vents des élections tournent dans notre sens, tout est bien. Mais lorsque les vents soufflent dans le sens inverse, nous portons la barre très haut… Ce que nous ne pouvons admettre.
Vous évoquiez un problème d’élites?
Oui, parmi les défis qui se posent, concernant les lois organiques que nous avons adoptées, la problématique des élites est un défi réel. Quelles sont donc ces élites qui auront pour tâche de gérer les communes? Aussi, faut-il que les partis politiques présentent les meilleures de leurs élites pour participer à ces échéances électorales. Aujourd’hui, nous disons que le gouvernement dispose d’un programme et s’implique dans le développement du pays. Mais le pays ne peut marcher avec un seul pied. Il est nécessaire d’avoir un développement local, sachant que 10 milliards de dirhams seront mis à la disposition des collectivités territoriales, plus particulièrement des régions. Le défi concerne donc l’élite qui va gérer les collectivités territoriales.
L’opposition vous accuse de mettre à profit et d’exploiter la majorité numérique.
Si on avait recouru à la majorité numérique, la situation aurait certainement été meilleure que celle qui prévaut actuellement et il n’y aurait pas d’obstruction de la part de l’opposition. Malheureusement, l’opposition nous pousse à recourir à cette majorité numérique. Nous le ferons donc si c’est nécessaire et quand ce sera dans l’intérêt du pays.
Comment envisagez-vous les résultats des prochaines élections?
Sa Majesté a doté ces élections de garanties, de démocratie, de transparence et d’honnêteté. Le chef de gouvernement en a fait de même. J’ai peur, pour ces prochaines échéances électorales, de l’argent sale. Je pense que ces élections seront utiles pour le pays et les Marocains.
Comment réconcilier les Marocains avec la politique et les politiciens?
Pour cela, il faut réunir trois choses fondamentales. La sincérité: il ne faut pas mentir aux citoyens; leur présenter les choses que nous allons faire; et présenter des élites compétentes.
C’est la responsabilité des partis politiques…
Le citoyen doit savoir aujourd’hui que sa voix pèse et qu’il a un rôle sans cesse grandissant. Il doit de ce fait assumer sa responsabilité, c’est-à-dire voter pour celui ou celle qui fera avancer le pays. Le citoyen doit aller voter pour l’intérêt du Maroc, sa voix compte.
Interviews réalisées par Mohammed Nafaa