Ça suffit le misérabilisme !

Vous dénonciez le populisme ? Ouvrez donc les yeux. Depuis longtemps, nous glissons subrepticement vers pire: le misérabilisme !

Depuis la chute du communisme et depuis le recentrage du socialisme sur l’implacable realpolitik économique, c’est la social-démocratie qui aurait dû sauver le monde. Mais on ne la voit pas triomphante. Ni chez nous, ni ailleurs…

La social-démocratie, c’est ce point de rencontre idéal où auraient pu se retrouver tous les réformistes qui caressent encore le rêve de servir le peuple. Aussi bien une gauche éclairée qui aurait renoncé au marxisme pur et dur, qu’une droite visionnaire qui aurait renoncé au capitalisme pur et dur.   

Or, si «servir le peuple» est devenu le leitmotiv de tous les responsables politiques, médias et autres militants autoproclamés de la société civile et des réseaux sociaux, dans les faits, tout ce beau monde a plutôt excellé dans l’art de «se servir du peuple».

La montée en flèche du populisme n’a en effet échappé à personne, ces dernières années. Elle a consisté en une véritable compétition politico-médiatique entre pseudo-défenseurs du peuple. Et ce fût à qui réussirait le mieux à séduire ce peuple, à se placer ostensiblement de son côté (sans que cela ne soit véritablement suivi d’effet sur le plan concret), à se faire passer pour son plus grand serviteur…

Du temps où la droite dominait, c’était la gauche qui était accusée de populisme. Les valeurs humanistes que cette dernière mettait en avant, ses revendications en matière de justice sociale, de démocratie, ou de redistribution des richesses, étaient considérées comme de simples moyens de séduction des couches populaires les moins favorisées (et les plus grandes pourvoyeuses de voix, en périodes électorales).

Puis, alors qu’on croyait les idéologies anéanties par la chute du mur de Berlin (1989), la disparition de l’URSS (1991) et la désagrégation du bloc soviétique, il y eût ce retour en force de la religion sur le terrain politique… Et le populisme a atteint un pic inégalé ! Dans les pays musulmans comme dans les autres, du reste…

Mais restons au Maroc dont la vie politique a bel et bien été impactée par toutes ces évolutions. Les acteurs politiques, qui n’ont de cesse de s’accuser mutuellement de populisme, notamment depuis l’arrivée au pouvoir des islamistes du PJD, ne se privent pourtant pas d’y recourir systématiquement, tous autant qu’ils sont, parce que c’est sur ce terrain qu’a lieu la plus féroce des compétitions.

Au point que l’on assiste de plus en plus à une dérive. Du populisme, on passe progressivement au misérabilisme. Dans leurs tentatives de se montrer toujours plus près des démunis, nos «défenseurs du peuple» en font trop ! Au lieu de tirer le «Marocain lambda» vers le haut, de lui donner l’envie et les moyens de réussir coûte que coûte, de le convaincre que la réussite de l’économie de son pays viendrait des réussites additionnées de citoyens comme lui… Au lieu de cela, on cherche à le caresser dans le sens du poil, on rivalise auprès de lui de discours démagogiques où la pauvreté est érigée en vertu (comme dirait Danton, révolutionnaire français du 18ème siècle), où la réussite est toujours suspecte et où la vie quotidienne n’est plus peuplée que d’ennemis.

Voilà comment, consciemment ou non, on nivelle le Maroc par le bas.

Le drame, c’est que, désormais, tout s’en ressent. Le misérabilisme se propage insidieusement dans notre raisonnement, notre comportement, nos aspirations… Jusque dans notre production culturelle. Un exemple ? Nos films et séries télévisées ! Les Turcs, avec leurs séries télévisées actuelles, non seulement ont détrôné les Egyptiens –qui s’étaient imposés en maîtres au fil des décennies- mais ont fait affluer des millions de touristes, auxquels ces séries ont donné l’irrésistible envie de visiter la Turquie. Nos productions à nous ne sont qu’un débit intarissable de jérémiades, de laideur, d’affligeante indigence (au sens propre et figuré).

Il est temps de dire «ça suffit !». Ça suffit de tout confondre, de glorifier le dénuement, de stigmatiser la réussite, de laisser croire que le peuple n’est heureux que lorsqu’on lui parle de misère et qu’on pourfend ceux qui y ont échappé, fût-ce par le mérite… Les générations montantes ont besoin de croire en une vie meilleure. Plus que d’y croire, elles ont besoin d’y accéder. On ne les aide pas à en prendre le chemin avec ces discours geignards. Alors, ça suffit ! Ce qu’il faut, c’est du travail, pas des slogans creux et des procès faciles.

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