Dans l’opinion publique, autant d’ailleurs que dans les sphères politico-médiatiques, il n’est question que de ça !
De quoi s’agit-il ?
Les citoyens marocains ont voté, le 4 septembre, dans le cadre des élections communales et régionales, au scrutin direct.
Les résultats du vote ont donné le PAM (Parti Authenticité et Modernité) principal gagnant des «Communales» ; et le PJD (Parti Justice et Développement) principal gagnant des «Régionales».
Une dizaine de jours plus tard, lorsque les «grands électeurs» (ceux qui ont donc été élus au scrutin direct, le 4 septembre) ont voté à leur tour, le PAM raflait la mise, arrivant en tête, y compris dans les régions.
Le grand écart entre le vote populaire et le vote des «grands électeurs» a été particulièrement significatif dans les résultats définitifs des régionales.
Au soir du 14 septembre, le PAM remportait la présidence de 5 Conseils de régions, tandis que le PJD n’en obtenait que deux.
En tout, l’opposition, avec les 5 présidences de Conseils de régions du PAM et les 2 de l’Istiqlal, se retrouvait à la tête de 7 régions sur les 12 que compte le Maroc.
Tandis que la majorité gouvernementale, conduite par le PJD, n’en décrochait que 5, dispatchées entre 3 de ses composantes: 2 présidences de Conseils de régions pour le PJD, 2 pour le RNI (Rassemblement National des Indépendants) et 1 pour le MP (Mouvement Populaire).
Depuis, la question sur toutes les lèvres est la suivante: que s’est-il passé entre les deux votes, celui des citoyens électeurs et celui des élus «grands électeurs», pour que les résultats de ces scrutins prennent des directions divergeant à ce point ?
La réponse est dans les alliances qui se sont constituées lors du vote des «grands électeurs», bien sûr (et dont tout le monde a les détails, puisque pour la 1ère fois au Maroc, ce vote a eu lieu à main levée, conformément à la loi organique sur les régions, article 8). L’argumentaire, lui, diffère selon les positionnements.
Ceux qui ont porté le PJD en tête des «régionales» dénoncent l’indiscipline partisane et accusent tout simplement les deux grands partis de la majorité (essentiellement le RNI, mais aussi le MP) d’avoir «trahi» leur camp.
Ce dont les «accusés» se défendent avec force arguments. Pour eux –et notamment pour le RNI dont plusieurs responsables ont expliqué ce point de vue- non seulement l’opposition devait, de toutes les manières, mathématiquement, remporter la majorité des présidences de Conseils, mais en plus, les consignes de vote ont bien été respectées. Le RNI insiste: le pacte entre les partis de la majorité prévoyait deux situations. Celle où la majorité serait en tête, les «grands électeurs» devaient alors systématiquement voter pour elle. Et celle où ce serait l’opposition qui serait en tête et là, le vote était libre.
Autre argument avancé: quand les élus de la majorité ont parfois voté pour l’opposition, c’était aussi pour l’efficacité future des Conseils, qu’ils soient régionaux ou communaux. Il arrive souvent, argue Rachid Talbi Alami, dans l’émission télévisée «Moubacharatan maâkom» (2M), que les élus ne veuillent voter que pour leurs amis, cousins, ou collègues avec lesquels ils ont l’habitude de travailler. Dans cette même émission, Hakim Benchemmas, un des dirigeants du PAM, ajoute un autre argument: «pourquoi faudrait-il être lié par les alliances actuelles, pour le choix des présidences de Conseils régionaux dont le mandat est de 6 ans, alors que la majorité gouvernementale n’en a plus que pour un an ? (Les prochaines élections législatives sont prévues pour 2016).
Différemment appréciée, la «magie» des alliances conduit cependant à la même conclusion: la faille est dans les textes électoraux. Les principaux protagonistes le soulignent, du reste. Dans les démocraties qui ont une longue expérience en la matière, c’est le parti arrivé en tête qui se voit confier la présidence du Conseil régional et constitue son équipe. Cela évite les surprises… Au Maroc, le Président est élu parmi les 5 premières listes. Ces élections devraient permettre de rectifier le tir. Après tout, tout est nouveau. Nouvelle Constitution, nouvelle loi organique, nouvelle expérience…
Reste un point d’interrogation. Quel impact aura tout ceci sur les prochaines «Législatives» ? Les déçus chercheront-ils à prendre leur revanche en votant massivement pour leur camp ? Ou iront-ils grossir les rangs des sceptiques qui ne votent pas, ou ne votent plus (ce qui serait dommage pour un taux de participation qui commençait à grimper au-dessus des 50%) ?
Tout dépendra de la suite que donneront les partis à ces élections communales et régionales.
Bahia Amrani