Afaf, 34 ans, mère au foyer, est mariée et mère d’un enfant. Se marier grâce au net, elle n’y croyait pas. Pourtant, c’est bien là que se trouvait son prince. Cela arrive rarement, mais cela arrive, raconte-t-elle…
«Ce qui me paraissait être une dérive de la vie normale, c’était d’entretenir des relations sentimentales via le net. Devenir un profil et m’amouracher d’un autre profil, je ne le concevais pas. J’étais convaincue qu’il y avait quelque chose de louche, de malsain dans ces jeux de séduction par écrans interposés. Surtout que de nombreux profils sont faux. On ment pour attirer… Et bonjour les dégâts quand la vérité apparaît. Pour moi, il était indispensable que je connaisse pour de vrai l’homme dont je tomberai amoureuse et que j’épouserai. Je me trompais. Mais il m’a fallu du temps pour changer d’avis.
J’allais sur mes 28 ans et je n’avais jamais eu le temps de m’occuper de ma vie sentimentale. J’avais des diplômes, un bon boulot, mais pas encore d’amoureux. Pour tenter de dénicher mon prince charmant, je plongeais, contrainte et forcée, dans le monde de tendres babillages et de séduction avec de sympathiques jeunes hommes. En grande majorité, ils ne recherchaient pas de future épouse. Il faut dire qu’ils cachaient toujours bien leur objectif de tenter de me «faire tomber». Mais je comprenais assez rapidement leur manège dont le seul objectif est de me mettre dans leur lit. Alors, je me la jouais Betty Boop. Généralement, la troisième invitation mettait un terme définitif à notre amitié amoureuse. Ils comprenaient enfin que moi aussi je me fichais d’eux. J’éliminais systématiquement tous les narcissiques sans galanterie et il y en avait beaucoup. Egalement ceux qui parlaient de mariage dès la première rencontre. Jusqu’à ce que finalement, je rencontre celui que je croyais être quelqu’un de bien. Nous sommes sortis ensemble quelques semaines, nous nous entendions à merveille. Il avait mon âge, normal à peu de détails près, sans chichis. Nous nous sommes retrouvés en lune de miel peu de temps après grâce à nos mères qui s’étaient occupées de tout. Dès nos premiers mois de mariage, mon mari avait changé. Il m’imposait son absence, ses amis l’accaparaient. Je lui remettais mon salaire chaque mois contre une vie monotone dans laquelle je ne pouvais pas me risquer à prendre la moindre initiative. Sa mère s’occupait de tout, même de faire nos courses. Je ne savais pas à quoi servait mon revenu et je n’avais pas le droit de le demander. Ce sont mes parents qui allaient mettre le feu aux poudres en me suggérant de placer une partie de mes gains dans l’acquisition d’un appartement. Il avait seulement fallu que j’en parle à mon mari pour qu’il me menace de divorcer. Il prétextait que mes parents n’avaient plus aucun droit sur moi. Cela nous mena bien évidemment devant les tribunaux.
Mes parents avaient raison: cet homme et sa famille me séquestraient. Je divorçais et retournais vivre auprès des miens sans pouvoir emporter de chez moi la moindre nuisette, alors que des millions avaient été dépensés pour mon mariage et mon installation.
J’acceptais difficilement de ne pas avoir été aimée, d’avoir été manipulée et ruinée. Je sombrais dans la dépression en perdant également mon boulot. Heureusement que ma famille était là pour me soutenir.
Après ce drame, je jurais de rester célibataire à vie.
Deux ans plus tard, alors que j’avais pris pour habitude de rester en contact avec le monde extérieur grâce au net, je tombais par hasard sur mon prince charmant. Je trouvais en lui toutes les qualités que je recherchais désespérément. Nous nous parlions quotidiennement, nous avons pris tout notre temps pour nous connaître. Je ne savais pas encore que cet étranger deviendrait l’homme de ma vie. Un soir, je lui annonçais que je n’allais pas me trouver derrière l’écran de mon ordinateur pour lui parler comme d’habitude. Je devais assister aux fiançailles de ma cousine. En rentrant, je le trouvais encore éveillé, il m’attendait. Je lui montrais quelques vidéos de la cérémonie à laquelle j’avais été conviée quelques heures plus tôt. Je lui présentais ma famille par la même occasion. Il était fasciné par ce qu’il voyait et par notre monde. La semaine qui suivit, je trouvais sur ma boîte email une longue lettre, une déclaration d’amour, sa demande en mariage. Je n’en revenais pas, mais le meilleur m’attendait. Le soir même, de vive voix, il me demandait avec élégance et courtoisie si je pouvais lui donner un chiffre pour qu’il puisse avoir une idée du coût des fiançailles et mariage qui conviendrait à ma famille. J’étais tellement embarrassée que j’évitais de donner une réponse en parlant d’autre chose, mais il n’en démordit pas. Honnêtement, je lui donnais un chiffre au hasard sans trop faire de calculs: je m’en fichais, l’argent m’avait déjà détruite. Le lendemain, vers les 10 heures du matin, il me demandait si je pouvais lui communiquer mes coordonnées bancaires pour qu’il effectue un virement sur mon compte. Il me demandait également de préparer mes fiançailles qui se dérouleraient la semaine suivante. Il me montrait son billet d’avion et celui de ses parents. Il enchaînait que je pouvais également entamer les préparatifs pour notre mariage. Il me demandait officiellement en mariage par webcam en arabe. Ce fut pour moi un moment très émouvant; je ne pouvais contenir mes sanglots. Il disait m’aimer sincèrement, que son désir le plus grand était de me faire oublier le passé en étant à mes côtés pour la vie. Je savais qu’il disait vrai. A aucun moment, je n’avais douté de ses paroles. Je me suis mariée avec lui et je n’ai jamais eu à le regretter, ni à souffrir de quoi que ce soit. Ses parents sont des personnes gentilles et très affectueuses qui m’adorent tout autant que leur fils, sinon plus. Mon mari et moi avons construit notre maison dans son pays, il me l’a offerte il y a quelques mois, à la naissance de notre premier enfant. Comme quoi, les miracles existent».
Mariem Bennani