Les professionnels des viandes rouges continuent à faire parler d’eux. Après le sit-in organisé, la semaine dernière, devant le parlement pour protester contre la fermeture par les autorités locales de quatre abattoirs dans la région de Casablanca-Settat (Tit Mellil, Médiouna, Ouled Jerrar et Bouskoura), les entrepreneurs d’abattage ne décolèrent toujours pas.
Ils s’apprêtent à porter, incessamment, une plainte judiciaire contre les quatre présidents des communes concernées par la décision, déclare à Le Reporter, le Secrétaire général de l’UGEP (Union Générale des Entreprises et Professions), Mohamed Dahbi. Selon ce dernier, la procédure est actuellement en cours.
Pourquoi un enquête judiciaire ? «Les présidents de ces communes n’ont pas assuré leur responsabilité pour la réhabilitation des abattoirs en question et, de ce fait, ils doivent rendre des comptes. Avec les recettes importantes que font rentrer aux communes ces installations, ils pouvaient pourtant faire beaucoup de choses pour la mise à niveau de ces abattoirs qui sont aujourd’hui fermés à cause de leur mauvaise gestion», explique le SG de l’Union. C’est pourquoi, dit-il, «les professionnels vont demander l’ouverture d’une enquête sur tous les dysfonctionnements qu’il y a dans ce dossier de la mise à niveau de ces abattoirs, ainsi que sur le devenir des recettes financières perçues par ces communes depuis plusieurs années».
Par ailleurs, des sources bien informées soutiennent que le dossier devra aussi s’inviter au Parlement. «Une journée va être organisée au Parlement sur le secteur des viandes rouges au Maroc. De même, il sera aussi question de la constitution d’une commission de prospection parlementaire», affirment des professionnels membres de l’UGEP.
Une chose est sûre. A en croire nos sources, la grogne des usagers des abattoirs fermés n’est pas près de s’affaiblir. Ils entendent poursuivre la mobilisation et maintenir la pression pour tenter d’imposer l’annulation de la fermeture des abattoirs restants.
Sachant que 46 abattoirs non conformes et ne disposant pas de l’agrément de l’ONSSA dans cette région sont dans le collimateur des autorités locales. Même si des sources proches du dossier ont confié à Le Reporter que la fermeture de ces installations (had louisiya, had daroua, chtouka…) serait pour le moment en stand by.
Depuis la fermeture de quatre abattoirs, il y a plus d’un mois, des manifestations de protestation ont été menées par quelque 750 usagers de ces abattoirs, lesquels ont été transféré vers les Abattoirs communaux de Casablanca.
Ces actions de contestation ont jusqu’ici fait plus de peur que de mal, mais elles n’ont eu aucune incidence sur l’approvisionnement du marché à Casablanca. Ceci dit, ce transfert ne passe pas sans heurts avec les professionnels du secteur qui contestent cette décision.
Il y a quelques jours, les contestataires sont d’ailleurs revenus à la charge en organisant des sit-in de colère devant les locaux des communes de Tit Mellil, Médiouna, Ouled Jerrar et de Bouskoura pour demander des comptes aux présidents de ces communes. A l’heure où nous mettons sous presse, l’on apprend que les professionnels du secteur comptent également tenir, dans les jours qui viennent, un sit-in devant les locaux de l’ONSSA.
A l’association nationale des chevillards, on critique aussi la «décision de procéder à la fermeture des abattoirs sans concertation avec les professionnels du secteur». «Cela fait plusieurs années que la situation des abattoirs au Maroc est catastrophique. Nous avions d’ailleurs plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur cette situation bien avant le rapport de la Cour des comptes (2018). Mais ce n’est qu’aujourd’hui que l’on décide de procéder à la fermeture de ces abattoirs», déclare à Le Reporter Abdelali Ramou, président de l’association nationale des chevillards. Si seulement, poursuit-il, on s’était mobilisé depuis deux ou trois années, on ne serait pas arrivé à cette situation et à la fermeture en série des abattoirs», estime notre interlocuteur. Avant de conclure, non sans colère: «Le gouvernement n’a pas assumé non plus sa part de responsabilité. Car il n’a pas respecté ses engagements dans le cadre de ce contrat-programme, qui stipule qu’on devait procéder à la réhabilitation des abattoirs. Or, rien n’a été fait».
Notons enfin que le dernier rapport établi en 2017 par la Cour des comptes a relevé plusieurs insuffisances. A savoir, entre autres, manquements liés à la mise en œuvre du cadre juridique des abattoirs, non respect des dispositions relatives au contrôle et à la vente des viandes foraines et non respect des dispositions juridiques relatives au marquage et à la traçabilité des animaux abattus. Dans son rapport, la Cour souligne aussi des sites d’implantation non adéquats, des locaux inappropriés, des équipements insuffisants et des procédés non conformes et une absence d’une chaîne d’abattage proprement dite séparant le secteur propre du secteur souillé. Au total, sur près de 900 abattoirs au Maroc, seuls 8 abattoirs de viandes rouges sont aujourd’hui agréés.
N. Cherii